Tout comme Monsieur Jourdain faisait de la prose sans le savoir, nous sommes bien souvent les victimes consentantes d’une nouvelle théorie marketing qui vise à nous inciter à avoir d’autres comportements, supposés être plus positifs ou plus écolos.
Les Américains appellent cela le « nudge», une forme d’incitation ou de carotte à agir d’une certaine manière plutôt que d’une autre. Et des exemples, il y en a des tonnes. Les hommes qui lisent cette chronique le savent, dans certaines toilettes publiques, on trouve une mouche noire dessinée au centre des urinoirs. Son utilité consiste à inciter les hommes à la viser. Et ça marche dans 80% des cas !
Le but est ainsi de rendre les w.c. plus propres, et de diminuer le travail du personnel d’entretien, car ces mouches sont placées stratégiquement afin d’éviter un maximum d’éclaboussures. De même, en affichant le pourcentage de personnes ayant occupé une chambre et qui ont accepté d’utiliser plusieurs jours la même serviette, des hôtels ont obtenu que 40 à 50% de leurs nouveaux clients réutilisent eux aussi leurs serviettes !
C’est évidemment une économie d’eau pour l’hôtel, mais aussi pour la planète. Le « nudge» c’est donc ça, une sorte d’incitation psychologique à faire les bons choix. Ce sont des coups de pouce non contraignants et qui modifient nos comportements.
« Encore un petit effort et on finira par dire merci au contrôleur fiscal ! »
Eh bien, sachez que le fisc belge utilise exactement la même méthode pour nous inciter à payer nos impôts plus vite et presque avec le sourire. Cette technique a été employée sans que nous le sachions en 2015 et 2016. Le SPF Finances a envoyé neuf modèles différents de lettres de rappel pour mesurer lequel était le plus efficace. Résultat, c’est la lettre simplifiée qui était la plus efficace et permettait aux contribuables de payer davantage et plus rapidement. Comment ?
En changeant la forme et le fond des anciennes lettres de rappel. Les nouvelles lettres ont été rédigées dans un langage plus clair, elles ont été personnalisées, elles sont plus sympathiques, avec même des formules de politesse. Et puis, elles ont joué sur l’empathie en expliquant par exemple que les impôts servaient à financer les soins de santé.
En clair, ces lettres d’un nouveau genre visaientà mettre mieux en avant le coût moral et financier du mauvais comportement du contribuable. Et ça a marché, puisque l’administration fiscale a constaté une augmentation de 20% des bons comportements, soit une rentrée de 27 M€, et cela 14 jours après la sommation. C’est en soi un tour de force. Allez, encore un petit effort marketing et on finira par dire merci au contrôleur fiscal !