Plus de deux millions de touristes, dont un très grand nombre de Belges, la parcourent chaque année. En voiture, à pied, à cheval, sur deux roues, parfois même dans les airs. La Route des Vins d’Alsace est un must de l’œnotourisme et du tourisme tout court. Il n’est pas obligatoire d’aimer le vin – mais ça aide.
Nous survolons la Route des Vins, de Marlenheim à Thann, entre la Plaine d’Alsace et le Massif Vosgien, à bord de l’Acroez, un petit biplace entièrement réalisé à la main par Réal Weber, ancien pilote de chasse, lieutenant-colonel de la Patrouille de France. L’engin est insolite, le pilote est une célébrité et, si vous pensez que l’Alsace ne provoque pas de montée d’adrénaline, il vous prouve par les airs que vous avez tout faux. Nous tournons autour de la cité médiévale de Rosheim et du piton rocheux d’où s’élève le fameux château du Haut-Koenigsbourg, puis du château Hohlandsbourg où, en bas, on s’affaire à la préparation de fêtes médiévales.
Demi-tour sur les hauteurs de Colmar, la Petite Venise, musée à ciel ouvert et capitale du vignoble alsacien dont on aperçoit les maisons colorées à colombages. Passage au-dessus de quelques-uns des « plus beaux villages de France » et du Grand Ballon des Vosges -1.424m. Enfin, nous frôlons le Clos Saint Vincent à Ribeauvillé où, la veille, le propriétaire nous racontait comment les moines traitent les vignes qu’on aperçoit par la fenêtre du restaurant gastronomique avant d’entamer la boucle à l’approche du Grand Cru Orschwiller. Ça décoiffe. L’homme est resté un chasseur, il clôture la promenade aérienne par un looping d’enfer. S’il ne faut choisir qu’une expérience hors vin en Alsace, c’est celle-là.
Marcher, pédaler, voler
Deux jours plus tôt, au sol, nous pédalions sur les coteaux les plus pentus de France -avec une assistance électrique, mais le VTT a aussi la côte – et sur les sentiers de la Véloroute – 2.500kms de pistes cyclables, d’anciennes voies ferrées et de ruelles. La veille, nous étions au milieu des vignobles d’Eguisheim, le « village préféré des Français », juchés sur un gyropode dont les grosses roues permettent de traverser les chemins les plus caillouteux. Demain, nous serons à bord d’une montgolfière pour entendre la passionnante histoire de l’aérostat tandis que les AOC, les châteaux et les abbayes défileront sous nos pieds.
S’il n’est pas nécessaire d’emprunter des drôles de machines pour tracer la Route des Vins d’Alsace, celle-ci, balisée il y a plus de septante ans, se bonifie chaque année en proposant une série d’activités originales liées ou non au nectar des dieux. Ainsi, désormais, il ne faut pas être œnophile pour parcourir ses 170kms qui couvrent, outre les vignobles, un patrimoine architectural, historique et culturel imposant. Mais, disons que ça aide. Car les vignerons alsaciens savent y faire lorsqu’il s’agit de montrer de quoi ils sont capables…
Déguster, déguster, déguster
Tout commence au domaine François Schwach, dans la petite commune discrète de Hunawihr où les vignerons réservent toujours leur rez-de-chaussée au cellier tandis qu’ils logent à l’étage. Sébastien et Nathalie, la troisième génération, se battent contre les préjugés -le vin blanc d’Alsace ne se garde pas, il donne mal à la tête, il est sucré. « Un œnologue a un jour encensé le vin sucré d’Alsace, et hop c’était parti ! Heureusement, les Belges aiment notre région. Seulement, ils ne comprennent pas trop sa carte des vins, la gamme est trop étendue et trop compliquée. »
Alors, pour mieux comprendre, on déguste. Et on écoute. A la cinquième bouteille, les histoires de faille géologique, de terres argilo-calcaires, de sol toujours travaillé à la charrue et de confusion sexuelle des grains deviennent plus claires. Un Riesling Cuvée Clément 2008 se dégage – « une année solaire ». Au bout de la douzième, la confusion s’installe un peu mais on accepte que ces vins soient bien de garde, contre toutes rumeurs. Un Riesling Grand Cru Schoenenbourg 2011 (les férus d’histoire visiteront ce haut-lieu de la ligne Maginot) tient la corde et on s’entend pour accompagner le Gewurztraminer Grains Nobles 2005 d’un foie gras. Pas de panique, le domaine, c’est de plus en plus fréquent dans la région, met à disposition des chambres, gites et appartements. Quelques établissements hôteliers sont de haute tenue dans la région.
Spiritualité dans les vignes
Savoir goûter, c’est bien, mais comment déguster, c’est mieux. « On ne goûte pas une étiquette ! » entame Philippe, qui apporte au Domaine Paul Blanck, favori des Grands Crus du Haut-Rhin, une touche spirituelle et charnelle aux séances de dégustation. Pique-nique à l’arrière de la voiture, nous traversons le Schlossberg, Grand Cru qui sera tout à l’heure dans nos verres, jusqu’à un promontoire qui embrasse la vallée du Kayzenberg. Sur 500m, l’argile, le calcaire et la marne produisent des vins totalement différents –« Quand on observe le terrain, on comprend mieux ce qu’on a en bouche. » Et, avant de l’avoir en bouche, il faut se détendre. Une heure pour déconnecter et trouver son intention à travers des exercices de gymnastique chinoise.
Philippe, vigneron, géologue, professeur de Qi Jong, pratique la dégustation géo-sensorielle. Il apprend à respirer, parle de cerveau droit et de cerveau gauche, puis évoque sensations et émotions plutôt que qualités et défauts au moment de la gorgée. On ne sait pas ce qu’en pensent les vieux de la vieille de la petite cité fortifiée de Kientzheim, qu’on devine derrière le coteau, mais la Parenthèse Vigneronne (le nom donné aux propositions alternatives de séjours oenotouristiques dans la région) pratiquée par Philippe Blanck a beaucoup plus de charme que les deux grandes attractions touristiques du coin -une réserve de macaques de Barbarie et une volerie d’aigles !
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PRATIQUE
Toutes les saisons sont belles en Alsace, à 400kms de chez nous. Outre celle des vendanges, l’hiver et le printemps sont les plus courues. Sous la neige, les demeures classées continuent d’exhiber l’histoire de France tandis que les ruelles et les maisons rivalisent de décorations. Dès le mois de mars, les villages fleurissent à outrance.
Le site de l’office de tourisme est très complet et donne de nombreuses pistes pour qui souhaite monter un itinéraire, de l’hébergement aux activités les plus variées : visit.alsace/ Et un site est entièrement dédié à la Route des Vins : routedesvins.alsace/
Nous avons séjourné à l’Hôtel Le Clos Saint-Vincent à Ribeauvillé (réouverture après rénovation en 2023) leclossaintvincent.com/fr et à l’Hôtel & Spa Les Violettes à Jungholtz les-violettes.com/