La marche est l’avenir du tourisme Covid

WBT - Bruno DAlimonte-Rivière - Les 7 Meuses

Les premières vacances post-covid seront à l’air libre. Au propre comme au figuré. Les activités à l’extérieur seront sans doute prises d’assaut – distanciation physique oblige, on prend vite des habitudes- et les pays limitrophes nos premiers terrains d’aventure. Le Belge a d’ailleurs déjà pris les devants en marchant… chez lui.

Une très majorité de confinés belges se sont manifestement entraînés pendant des mois, et n’attendent que le lever de drapeau pour s’élancer sur les chemins de grande randonnée, les sentiers en terre, les berges des canaux et des ruisseaux et les forêts balisées européens. Parce que la Belgique, ils commencent à la connaitre par cœur. Et parce que l’herbe est plus verte ailleurs.

L’information remonte spontanément du terrain -il faut être borgne pour ne pas voir le nombre de marcheurs qui ont fleuri depuis le premier confinement, et pas seulement le week-end. Certaines régions se plaignent, c’est un comble ! , de recevoir trop de marcheurs piétiner les sites habituellement parcourus par les randonneurs chevronnés.

Mais elle est largement confirmée par les pros de ce « loisir actif de plein air » – ils refusent d’associer cette discipline à un sport qui implique trop souvent une notion de compétition, préférant mettre en avant la découverte de nouveaux territoires, la rencontre, les amis, l’envie de rester en forme à son rythme.

Un réseau belge de 8.000km

Ainsi, à la Fédération francophone belge des marches populaires, on se frotte les mains – « En 2020, nous avons doublé les ventes de nos guides et, rien qu’entre juin et août, on a enregistré une augmentation de 20% des abonnements. », déclare Alain Carlier, cet ancien journaliste de la RTBF qui a troqué son micro contre les chaussures à crampons et gère la communication et le magazine GR Sentiers.

Autre baromètre pertinent, le nombre de téléchargement des itinéraires qui explose. Du côté de l’ADEPS, dont les sorties sont pourtant limitées par le virus, on note également un engouement massif. Et les magasins de sport déclarent un décuplement des ventes de chaussures de marche – à tige haute, moyenne ou basse, semelle crantée, rigide ou souple, renforts latéraux, cuir, nubuck, Goretex, tout est parti.

Sur les chemins et les sentiers balisés – un réseau belge de plus de 8.500km, 5.000km rien qu’en Wallonie et à Bruxelles-, ces derniers mois, on croise trois fois plus de promeneurs que les autres années. Le profil du marcheur a également évolué avec le temps et la crise. « La curiosité a remplacé la performance. On entend moins ‘Aujourd’hui j’ai marché 60 ou 70km.’ Mais plus souvent ‘J’ai vu ou croisé ça. »

Un potentiel touristique belge encore trop méconnu

Pourtant, la marche n’est pas une tradition touristique en Belgique, il ne s’agit pas d’un « produit « économique » comme en Suisse ou en Allemagne, les royaumes de la rando. Et ils ne font même pas le poids face au lobby des chasseurs – dont les terrains traversent, plusieurs mois par an, des sentiers de randonnée.

La fédération se débrouille donc sans subside, avec énormément de passion et un nombre incroyable de bénévoles chargés de baliser les itinéraires. « Ils sont actuellement 360 en Belgique francophone. Chaque année, ils balisent de nouveaux tronçons mais, surtout, ils rénovent, défrichent, modifient, rendent praticables les trajets qui ont subi des dépréciations. Chaque bénévole entretient entre 10 à 20km par an. » précise Danielle Thille, qui marche depuis son premier tour du Mont Blanc à 16 ans et est responsable pour les baliseurs du Brabant -la région qui compte le plus de randonneurs, particulièrement le Brabant wallon.

Un incroyable réseau de bénévoles

Ces correspondants locaux, randonneurs passionnés, souvent des scouts, parfois d’anciens militaires, des travailleurs à temps partiel, ont la charge de vérifier les contournements, de protéger les passages dangereux, de dénicher des endroits pour se poser et des nouveaux sentiers, d’éviter les routes asphaltées et de favoriser un environnement diversifié englobant tantôt une forêt, tantôt une source ou un pont, pas trop, juste ce qu’il faut pour que ce soit accessible à tous.

Ce sont des randonneurs comme les autres, un peu plus investis, qui collaborent également à la réalisation des Topoguides qui, outre les itinéraires techniques, proposent des infos culturelles et historiques basées sur les localités traversées.

Un confinement qui booste les sorties en plein air

Huit mois, donc, que les itinéraires belges sont pris d‘assaut. Le GR (sentier de grande randonnée) des Monts d’Ardennes fait le plein chaque week-end. Le GR Semois, 300km sur les 5.000 que compte le sentier européen, est un des plus spectaculaires, avec des escaliers, des échelles et quelques belles dénivelées. Le GR des Abbayes trappistes, qui croise plusieurs GR interconnectés, est très apprécié – même si la fermeture des établissements ne fait pas le bonheur des marcheurs qui doivent emporter leur Orval ou leur Chimay sur le dos.

Il y a encore le sentier des Terrils, le GR 56 et le 573 – en fait, ils portent tous un numéro. Des itinéraires Randonnées en famille ont vu le jour dans différentes provinces – l’idéal pour une initiation à la marche pour toutes les générations, une approche du balisage (les petits traits blanc, rouge et jaune), la découverte du patrimoine régional, la proximité d’activités pour les plus jeunes et le choix entre plusieurs parcours, de 6 à 24km.

Les acteurs périphériques se réveillent

De leurs côtés, les acteurs touristiques qui croisent ces sentiers balisés découvrent enfin le potentiel de la discipline. Si des dinosaures comme Europ’Aventure (qui propose des séjours de randonnées dans les Ardennes depuis 35 ans) regardent la tendance en souriant, il est indéniable que l’offre se multiplie autour de la marche – hébergements, accompagnement, loisirs, transport.

On ajoute « lieu de départ de nombreuses randonnées » sur les sites, de plus en plus d’hôtels proposent des « randonnées sans bagages » (le pique-nique est préparé et les bagages transportés s’il s’agit d’une formule voyage), les centres de vacances (Center Parcs ou Floréal) sélectionnent des itinéraires en étoile et communiquent de plus en plus sur cette activité.

Enfin, à l’instar de nos pays voisins, les offices de tourisme multiplient la documentation – désormais on « marche » nature, culture, châteaux, gastronomie, famille, solo, rural, sauvage, urbain. Vu l‘engouement général au niveau européen, l’enthousiasme et les initiatives devraient augmenter même après la crise.

Et ailleurs ?

Partout dans le monde, la randonnée pédestre est à la mode depuis déjà une dizaine d’années. Le besoin de reconnexion à la nature, l’intensité de l’urbanisation et la notion de développement local et durable poussent les vacanciers à favoriser le plein air et le moyen de transport le plus évident pour rencontrer l’autre : les pieds. Les publications se multiplient. Les plus beaux chemins, les plus belles promenades, les spirituelles, les plus difficiles, les plus longues, les plus courtes, les insolites, les secrètes. Le business est en marche. Tout le monde publie son hit-parade.

Le palmarès européen 2020 du Lonely Planet insiste sans surprise sur le Chemin de Saint-Jacques de Compostelle, mais en précisant qu’il existe plusieurs itinéraires – ceux-ci, en France, en Espagne et au Portugal, sont largement détaillés et commentés sur les sites concernés. Les neuf autres destinations plébiscitées brassent large. Dans l’ordre : la Roumanie (les Carpates pour les sportifs), l’Ukraine (sur le volcan éteint Karadag), l’Angleterre (le solide trail de Bowness-on-Solway), le Portugal (la superbe Via Agarviana), la Finlande (dans la taïga), l’(in)contournable Mont Blanc (et ses pics de fréquentation), l’Italie (dans les Cinque Terre), la Bretagne (les sentiers douaniers) et la Grèce (carrément l’Olympe).

Que des bienfaits

Tout le monde marche, c’est l’avantage. A la pépère, à 4Km/h. Confirmé, à 5km/h. Avec ou sans bâtons. En pleine conscience ou en chantant. Tout dépend de la condition physique, mais aussi du terrain, de la météo, de l’homogénéité du groupe. Une rando GR d’une journée complète fait idéalement 20km -les itinéraires sont le plus souvent étudiés pour offrir de 18 à 25km, mais le concept plus récent des RB (les randos en boucle) offre de réaliser des trajets plus courts.

On peut même rechercher des itinéraires compatibles avec les transports en commun, en consultant les sites du train et des bus belges. Et la fédération sort, cet hiver, un nouveau Topoguide Zéro Carbonne qui détaille une vingtaine de randonnées 100%vertes, « de gare à gare » dans cinq provinces wallonnes. Enfin, une app existe désormais pour ceux qui préfèrent les balises virtuelles aux petits traits colorés, tout en recevant les infos touristiques des Topoguides.

Le magazine trimestriel fourmille d’infos pratiques mais publie également les news du secteur et des reportages réalisés aussi bien en Belgique que dans le monde. Les spécialistes de la santé n’y voient que des effets secondaires positifs – renforcement du dos, des muscles et des articulations, prévention des maladies cardiovasculaires, convivialité, déconnexion bénéfique pour le mental. Un vrai cocktail anti-covid. A condition, évidemment, de ne pas s’élancer dans l’ascension d’un sommet sans préparation.

La femme ouvre la marche

Eh bien, oui, les femmes marchent plus que les hommes. Alors que, paradoxalement, la profession de guide de rando reste très masculine. A l’étranger, on tombe rarement sur une guide au féminin pour mener un groupe et, en Belgique, les guides de la fédération, qui organise plus de 450 sorties par an, sont plus souvent des hommes.

Cependant, les femmes sont plus nombreuses à marcher – et aussi à baliser pour les autres. « C’est parce qu’elles prennent davantage soin de leur santé que les hommes. », assène Danielle. « C’est parce que les hommes alternent marche et vélo selon les saisons. », pondère Alain. « Mais l’arrivée du vélo électrique va provoquer le même doublé chez les femmes. », conclut Danielle -qui a donc eu le dernier mot.

Pour marcher informé : www.ffbmp.be www.grsentiers.org

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