A l’heure où le train remporte tous les suffrages, les projets de TGV se multiplient aux quatre coins du globe (notre article Ferroviaire : la grande vitesse s’impose (presque) partout dans le monde). Mais le réseau ferroviaire de la première puissance économique mondiale fait pâle figure, quand on le compare avec ceux de la Chine ou du Vieux Continent. Joe Biden a fait le pari de relancer le train outre-Atlantique, convaincu que les grands travaux d’infrastructure génèreront de l’emploi et des revenus supplémentaires pour l’Etat tout en soutenant la consommation.
Sur son vaste plan d’investissement adopté en novembre 2021, 66 milliards de dollars sont prévus pour le transport ferroviaire. Aujourd’hui, près de la moitié de ce budget serait alloué, dont « 8,2 milliards de dollars pour dix projets ferroviaires de voyageurs à travers le pays », comme l’a rappelé ces jours-ci le secrétaire aux Transports, Pete Buttigieg. Parmi ceux-ci : une ligne TGV entre Los Angeles et Las Vegas. Joe Biden a officialisé ce projet la semaine dernière, déclarant que cette desserte reliant la Cité des Anges à la « Cité du jeu » en 2h10 – à la vitesse moyenne de pointe de 300 km/h – serait prête pour les JO de 2028 à Los Angeles.
L’Etat fédéral y apportera sa contribution de 3 milliards de dollars. La ligne s’appellera la Brightline West, le projet ayant été confié à la compagnie privée Brightline, chargée de construire la ligne et d’y faire circuler les trains. Cette entreprise n’exploite aujourd’hui qu’une seule ligne, depuis l’an dernier, laquelle relie Miami à West Palm Beach (et bientôt Orlando).
On attendait plutôt ce premier TGV de la Côte Ouest entre San Francisco et Los Angeles, projet engagé en 2008 et qui a un énorme retard. Aujourd’hui, seul un tronçon limité de la ligne a été construit, sur les 600 kilomètres qui séparent les deux grandes métropoles. L’administration américaine ne désespère toutefois pas de le voir aboutir, et dégage 3 milliards de dollars pour accélérer sa réalisation.
Une grande partie des fonds fédéraux visent aussi à soutenir Amtrak, la compagnie ferroviaire publique, laquelle entend doubler son nombre de passagers d’ici à 2040. Mais cette ambition dans le ferroviaire ne doit toutefois pas masquer la réalité : le réseau ferroviaire américain est dans un piètre état. Le chantier est immense. Dans de grandes métropoles comme Houston, Atlanta et Cincinnati, c’est à peine, en effet, si le train s’arrête plus d’une fois par jour, et souvent au milieu de la nuit ! Et d’autres villes comme Las Vegas, Nashville, Columbus et Phoenix ne sont pas du tout desservies par Amtrak…
Le plan de Joe Biden vise donc à transformer le réseau US d’ici 2035. Amtrak proposerait alors plus de trente nouvelles lignes, entre Detroit et Toronto au Canada, Los Angeles et Las Vegas, LA et Phoenix, Dallas et Houston, Atlanta et Chattanooga, Nashville et Montgomery, Milwaukee et Green Bay, Madison et Eau Claire, Indianapolis et Louisville, Richmond et Raleigh…
En plus de ces nouveaux itinéraires, le plan du président prévoit la réparation des principaux tunnels et ponts le long du corridor nord-est – dont beaucoup sont centenaires – et la réhabilitation des gares. « Amtrak doit reconstruire et améliorer le Northeast Corridor, et étendre notre service à une plus grande partie de l’Amérique » avait indiqué Bill Flynn, l’ancien PDG de la compagnie ferroviaire (parti à la retraite en 2022), à l’annonce du projet.
A plus court terme, Amtrak va également renforcer son offre à grande vitesse Acela reliant Washington DC à Boston en passant par New York, Philadelphie et Baltimore. Le Northeast Corridor est l’axe ferroviaire le plus fréquenté en Amérique du Nord, avec environ 2 200 trains en circulation entre neuf États et 16 gares. Amtrak rappelle que ses trains atteignent 241km/h sur certaines sections entre Boston et New Haven, 217km/h entre New York et Washington DC. Et des trains tout neufs, fabriqués par le français Alstom, vont prochainement améliorer encore l’offre et le service. Sur la Côte Est, on n’est peut-être pas sur la grande vitesse telle qu’on la conçoit de ce côté-ci de l’Atlantique, mais on n’en est pas loin.