L’Inde est un grand pays en très fort développement économique. Sa population est équivalente à celle de la Chine : 1,350 milliards d’habitants sur un territoire très étendu 3,280 millions de km². Son PIB est en croissance régulière, de l’ordre de 8 % par an. La classe moyenne est devenue très significative avec plus de 120 millions d’habitants.
Le pays dispose d’une infrastructure au sol peu développée. Son transport ferroviaire est encore en devenir. Bref tous les ingrédients sont réunis pour que le transport aérien y trouve une grande prospérité. Et pourtant il n’en est rien.
Le dernier avatar en date est la disparition de Jet Airways le deuxième acteur du transport aérien en Inde, même si sa liquidation n’a pas encore été prononcée, en attente d’un très hypothétique repreneur. Rappelons que la faillite de Kingfisher Airlines, autre compagnie régulière de quelque importance, ne date pas de très longtemps, c’était en 2012.
Plus intéressante est la comparaison avec son grand voisin chinois. Pour une population identique, le PIB de la Chine est de 5 fois supérieur à l’Inde : 14.200 milliards de dollars contre 2.717 milliards. La superficie de l’Inde est trois fois inférieure : 3.280 millions de km² contre 9.597 millions. Mais cela explique-t-il l’énorme écart pour ce qui concerne le transport aérien ?
La Chine place 12 compagnies dans les 100 premiers opérateurs mondiaux alors que l’Inde ne s’inscrit que pour 3 depuis la fin de Jet Airways. La taille des compagnies est elle aussi très inférieure. 65 appareils en moyenne pour les 7 plus gros transporteurs indiens contre 313 pour les 7 premiers
chinois.
Le déséquilibre est flagrant et cela ne devrait pas être le cas. Par quelle fatalité les compagnies indiennes n’arrivent pas à se maintenir alors que les chinoises prospèrent ? En Inde seules les compagnies low costs arrivent à tirer un peu leur épingle du jeu et leur résultat net reste modeste même s’il s’inscrit en profit : 310 millions de dollars pour la meilleure : Indigo et 81 millions de dollars pour la suivante : SpiceJet. Air India est quant à elle à la ramasse depuis des années. Et son dernier résultat affiché n’est pas encourageant avec une perte de 830 millions de dollars.
En face, les profits chinois paraissent presque indécents : 1,166 milliard de dollars pour Air China et China Southern, 744 millions de dollars pour China Eastern, 512 pour Hainan Airlines pour parler des principales. Il est certes possible que la comptabilité chinoise reste un peu floue mais la tendance est là.
Le transport aérien en Inde s’enfonce alors que le chinois prospère. Le futur n’est peut-être pas si noir cependant. D’abord l’Inde s’est lancée dans une grande campagne de renouvellement de ses aéroports et entreprend d’en construire une centaine d’autres dans les 15 ans qui viennent.
Et puis les compagnies low cost ayant fait le ménage, si l’on peut dire, l’énorme guerre tarifaire qui s’est déroulée depuis la libéralisation du ciel en 1994 qui marque la fin du monopole d’Air India et d’Indian Airlines pour le transport domestique, va sans doute prendre fin. Et ce ne serait pas trop tôt.
Les trois plus importants low costs : Go Air, Indigo et SpiceJet ont commandé un nombre impressionnant d’appareils, respectivement 113, 454 et 257 avions, pour l’essentiel des moyens courriers. Ces commandes représentent 3 fois le volume de leur flotte actuelle et elles sont supérieures aux commandes des 3 premières compagnies chinoises qui se montent ensemble à 529 appareils.
Au fond, il semble que les opérateurs aient misé sur la demande intérieure et que les pouvoirs publics ont fait la même analyse : un équipement aéroportuaire de qualité et peu de compagnies puissantes et capables d’assurer une très bonne desserte.
Seulement le transport aérien est également un vecteur d’image du pays et la stratégie qui se déploie ne va pas dans le sens de la projection de l’image de l’Inde, à l’envers de celle des Emirats voisins.
Ainsi progressivement le trafic international va être capté par des transporteurs étrangers. Il sera dès lors difficile à Air India qui va rester la seule compagnie internationale pendant quelque temps de défendre son pavillon d’autant plus qu’elle est dans une situation fragile.
Le transport aérien indien a souffert de taxes excessives sur le carburant, de manque d’infrastructures et de l’incapacité à gérer une concurrence interne au couteau. Le gouvernement a certainement une grande responsabilité. Le redressement est-il encore possible ?