Louer un « house-boat », ces embarcations qui se pilotent sans permis, c’est s’offrir la promesse d’une escapade paisible avec pourtant un petit goût d’aventure. Oubliées les autoroutes encombrées, les rumeurs de la ville, les effervescences du quotidien. Pour s’évader, il suffit de larguer les amarres et de se laisser filer doucement sur l’eau…
Se laisser dériver au fil de l’eau, c’est fêter les épousailles de l’aventure et de la contemplation, de l’action et de la poésie. Les rêveries se perdent dans un sentier liquide de roseaux et d’iris sauvages, de silence et de quiétude. Fabuleux trésor offert à l’homme pressé pour qui la nature et les heures qui s’égrènent sont autant de sources de réconciliation avec la vie.
Au rythme de l’escargot
Tout commence par une initiation aux rudiments de la navigation fluviale et par un écolage de notre yacht miniature doté d’un pont surélevé, de deux postes de pilotage, d’un grand carré, de trois cabines pourvues de cabinets de toilettes avec douche et WC. Pour la conduite, rien de bien difficile car les manœuvres sont réduites à leur plus simple expression.
Le capitaine d’occasion n’a besoin d’aucun diplôme et deux petites heures suffisent pour se familiariser avec le gouvernail et le levier qui commande les marches avant et arrière. Voguer sur l’eau, c’est un peu réaliser un rêve d’enfant et ce n’est pas sans une certaine excitation et même une petite pointe d’inquiétude qu’on largue les amarres. La vitesse est réduite, un grand maximum de 6 km/heure. Avec ce train de sénateur, l’équipage s’adapte très vite à son nouveau jouet.
A l’approche de la première écluse, chacun se demande comment on va pouvoir se faufiler dans le sas sans toucher les bords de cette enclave où tout se joue sur quelques cm. Une répartition des rôles s’établit entre les moussaillons, il y a celui qui manie la gaffe et puis les spécialistes de l’aussière qu’il faut jeter d’un geste sûr autour du bollard pour maintenir le bateau durant la manœuvre. Un coup de main à l’éclusier pour activer les manivelles, le temps de bavarder avec lui et les portes s’ouvrent, on est passé sans encombre !
Le ton est donné, la croisière est rythmée par la répétition de gestes inusités, sur un espace tout aussi inhabituel, dans un environnement tellement éloigné du quotidien de chacun. C’est que la terre vue de l’eau offre une nouvelle mise en scène et les repères familiers disparaissent. Entre les manœuvres, on a le temps de laisser vagabonder le regard et l’esprit, surpris par le silence qui baigne le paysage à l’esthétique intemporelle.
Loin du tumulte des villes et de la promiscuité des plages, on remonte le temps à la découverte d’un patrimoine méconnu. Écluses, ponts, barrages et autres ouvrages se succèdent pour évoquer le passé industriel ou social de la région. La magie opère, les heures s’étirent et une semaine plus tard, chacun a l’impression d’avoir parcouru un long périple bucolique qui, bien souvent, ne compte que quelque 180 km.
D’un jour à l’autre, la partition est inchangée : ode à la lenteur. En aval de Châtillon-en-Bazois, le canal du Nivernais se tortille comme un ver en suivant le tracé sinueux de l’Aron. C’est le pays des verts horizons, des cours d’eaux vives où le pêcheur est à la fête, des chemins propices à la balade lors d’une halte. A l’aurore, les petits matins brumeux se savourent. Très vite le bleu du ciel éclairé par un soleil encore timide se reflète dans l’eau lui donnant une couleur un peu délavée. C’est le moment que choisit un ragondin pour traverser le canal. Magie des petits matins.
Decize l’insulaire, lovée entre deux bras de la Loire, annonce l’entrée dans le canal latéral à la Loire. La vieille ville enserrée de remparts était autrefois un actif port charbonnier qui inspira les vers de Maurice Genevoix, un enfant du pays.
Fleuve capricieux et imprévisible, la Loire ne s’est jamais laissé dompter pour permettre d’assurer un marché continu au fil de son eau. La création du canal latéral qui longe la rive gauche du fleuve sur 196 km s’est rapidement avérée indispensable, l’alimentation en eau étant assurée par la Loire elle-même.
De longs biefs rectilignes traversent un paysage de prairies cachées par un rideau de peupliers qui lui donnent une allure majestueuse. Le chemin de halage transformé en vélo-route suscite des envies de pédaler d’une écluse à l’autre pour les matelots en mal d’activités tandis que le bateau trace doucement son chemin, dans une plénitude propice à la rêverie.
A Garnet-sur-Engièvre, une route tracée au cordeau mène à Bourbon-Lancy, une coquette station thermale qui accueillait déjà les Romains pour y soigner leurs douleurs rhumatismales. La petite ville s’affirme comme la plus charmante des étapes pour s’approvisionner en produits du terroir et pour y muser au gré des ruelles pavées, des arches séculaires et des patios fleuris.
Le retour au port se fait en douceur au cœur d’un paysage bucolique. Une dernière nuit paisible sur le canal avant de rendre le bateau le lendemain matin à Digoin, un bourg animé installé au confluent de trois canaux, véritable petit paradis pour les amoureux de la pêche.
La Bourgogne, pays de cocagne
Rêveuses ou méditatives, les croisières s’enrichissent toujours de nourritures terrestres. Pays d’accueil des marins d’eau douce, la Bourgogne permet aussi de plonger dans deux millénaires de tradition viticole. Si l’on peut s’étourdir de quiétude et de verdure, autant que ce soit le verre à la main, d’autant plus que le seul nom de Bourgogne sonne rond comme un ballon de vin, rouge ou blanc.
La vigne importée par les Romains a trouvé ici sur quelques collines un exceptionnel terroir d’’expression. La conjonction d’un climat adapté, de sols déclinant toutes les palettes de calcaire et de marne et le travail intelligent et incessant des hommes a donné aux vins un éclat inversement proportionnel à la taille du vignoble : à peine 1% de la surface agricole. Chaque village, chaque coteau est fier du trésor sorti de ses entrailles.
Depuis le 12ème siècle, le chardonnay et le pinot noir règnent en grand seigneur au pays du Chablis et de l’Auxerrois. St-Bris-le-Vineux, gros bourg viticole accroché à flanc de colline au sud d’Auxerre, mérite que l’on flâne au gré de ses venelles avant de descendre dans la cave médiévale de Jean-François Bersan. Une famille présente sur le site depuis 1453, soit six siècles de passion viticole.
La visite permet de découvrir d’abord des caves médiévales qui dessinent un réseau inextricable de souterrains qui courent sous les pavés du village. Jean-François se fait ensuite le chantre de ses productions, pour le plus grand plaisir des gourmets et des amateurs.
Ici on mise sur le chardonnay et l’aligoté pour élever un bourgogne blanc, un bourgogne aligoté et un pétillant crémant de Bourgogne travaillé selon la méthode champenoise, sans oublier la spécialité du village, un sauvignon exubérant qui éclate en bouche. Pays béni des dieux, la Bourgogne évoque un art de vivre à découvrir sans modération.
Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux
Infos pratiques.
Informations touristiques: auprès de Bourgogne-Franche-Comté Tourisme : Accueil (bourgognefranchecomte.com)
Compagnies et bateaux : Plusieurs compagnies se partagent les services de location. Les Canalous, du nom des anciens bateliers du canal, est une compagnie de plaisance fluviale familiale créée en 1982 à Digoin d’où est originaire la famille Carignant. Dans les années 90, ils ont créé leur propre chantier naval qui leur permet de lancer la gamme Tarpon que nous avons testée, la référence du tourisme fluvial. Hissés aujourd’hui au 1er rang des loueurs-constructeurs français Les Canalous : location de péniche et bateau sans permis, ils proposent aussi des destinations dans d’autres pays européens. A découvrir sur France Passion Plaisance : Location de Bateaux fluviaux sans permis (france-passion-plaisance.fr)
Coût d’une croisière : Il est toujours abordable quand il se divise par 4 ou par 6, d’autant plus que le voyage est plus confortable si l’équipage est plus important pour partager les manœuvres. Par ailleurs choisir de faire son marché et de cuisiner soi-même les produits du cru évite de coûteux frais de restauration. Enfin sachez qu’on peut amarrer partout le long du canal pour zéro euro, au pied de villages qu’on ne découvrirait jamais pour leur éloignement des routes. Il suffit simplement de bien gérer le ravitaillement en eau et en électricité en choisissant des points gratuits ou peu onéreux signalés dans le livre de bord. Pour un supplément modique, des VTT peuvent être mis à votre disposition, ils s’avèrent pratiques quand il faut partir à la recherche d’une boulangerie pour assurer le petit-déjeuner ou tout simplement pour rayonner autour du lieu d’amarrage.
Quel canal choisir : Chaque tronçon possède ses attraits qui lui son propres et une analyse des sites d’intérêt proposés dans la documentation du loueur mérite d’être faite. La bonne formule est sans doute d’allier la promenade bucolique et la visite d’une ville le temps d’une croisière.
Quand y aller : La plupart des canaux et rivières sont ouverts dès la mi-mars et ce jusque fin octobre mais une croisière agréable demande un minimum de douceur climatique. Sachez toutefois qu’au cœur de l’été et selon les canaux, cela bouchonne un peu aux écluses et il faudra se souvenir que rien ne sert de courir comme le disent les vieux loups de rivière.
Les caves du domaine Bersan : www.domainebersan.com Au coeur du village, une excellente table du terroir, Le St-Bris, 13 rue du Tardieu à St-Bris-le-Vineux. A 6 km à peine, Auxerre mérite une halte d’une nuit au moins. Une étape séduisante dans un hôtel particulier, Le Parc des Maréchaux, cerné par des arbres centenaires qui veillent sur un vaste jardin, véritable havre de paix www.hotel-lesmarechaux.com