La Bourgogne, au fil de l’eau (1/2)

Une sortie d’écluse active à Saulx sur le canal latéral à la Loire.

Louer un « house-boat », ces embarcations qui se pilotent sans permis, c’est s’offrir la promesse d’une escapade paisible avec pourtant un petit goût d’aventure. Oubliées les autoroutes encombrées, les rumeurs de la ville, les effervescences du quotidien. Pour s’évader, il suffit de larguer les amarres et de se laisser filer doucement sur l’eau…

Le crépuscule d’été jette un voile doré sur les villages dont les clochers appellent à lever le regard vers le ciel. Le canal flâne le long des berges herbeuses, sous le regard impavide de grosses vaches charolaises chatoyantes dans leurs robes blanches. Surpris, un héron cendré prend son envol dans un cri rauque et se pose un peu plus loin avant de répéter son manège, comme s’il voulait nous montrer le chemin à suivre.

De loin en loin, les glissements du bateau sur le canal surprennent un héron.

Se laisser dériver au fil de l’eau, c’est fêter les épousailles de l’aventure et de la contemplation, de l’action et de la poésie. Les rêveries se perdent dans un sentier liquide de roseaux et d’iris sauvages, de silence et de quiétude. Fabuleux trésor offert à l’homme pressé pour qui la nature et les heures qui s’égrènent sont autant de sources de réconciliation avec la vie.

Petit topo de la situation.

Avec ses 1.200 km de canaux et de rivières administrées aujourd’hui par les Voies Navigables de France (VNF), la Bourgogne tisse entre collines douces, vallées riantes et plaines agricoles une somptueuse toile, formée par des chemins liquides qui se relient entre eux pour unir les bassins de la Seine, de la Loire et du Rhône.

On a toujours navigué en France, la navigation fluviale est une vieille histoire dans ce pays. Les plus anciens canaux datent du 17ème siècle, comme le canal du Midi, certains du 18ème siècle, comme le canal du Centre, mais la plupart furent construits au 19ème siècle lorsque la révolution industrielle fit exploser le marché des matières premières. La France entreprit alors un ambitieux programme d’interconnexion de tous ses fleuves.

Posée sur une île rocheuse de la Loire, l’ancienne cité fortifiée de Decize au carrefour de voies navigables offre une halte riche en découvertes patrimoniales.

Le plan Freycinet, du nom du Ministre des Travaux Publics qui le mena à bien, a créé un vaste maillage entre les mers et océan dont la France est riveraine. Toutefois, l’essor du chemin de fer et de la route ont peu à peu installé un quasi monopole sur le transport terrestre des marchandises et les Français ont alors tourné le dos à leurs canaux.

Il fallut attendre les années 60 quand des opérateurs britanniques, séduits par le charme des canaux français, mirent sur pied une nouvelle forme de tourisme en proposant la location de house-boats, des bateaux habitables. Le succès rencontré par la formule sur le canal du Midi s’est rapidement étendu à d’autres voies navigables. En Bourgogne, le canal du Nivernais fut pionnier dans ce domaine, bientôt suivi par d’autres.

Sur l’heure de midi en été le soleil darde ses rayons et les chevaux s’abritent à l’ombre d’un arbre.

Cependant, au vu de la saturation du trafic routier, on envisage aujourd’hui de reconstruire au gabarit Freycinet des péniches en matière composite afin de réhabiliter la navigation commerciale sur certains canaux déclassés. Ce qui laissera toutefois libres la plupart des voies d’eau de petit gabarit, pour le plus grand plaisir des marins d’eau douce.

Entrez dans la civilisation canal

Mis en service en 1843, le canal de Nivernais sert d’abord à acheminer vers Paris du bois de chauffage coupé dans les forêts du Morvan et du Bazois. Halés par des hommes puis par des chevaux ou des mulets et plus tard par des tracteurs, les bateaux qui l’empruntent ne se contentent pas de transporter du bois.

Les canaux sont toujours longés par un chemin de halage qui aujourd’hui permet à ceux qui veulent se dérouiller les jambes de prendre de l’avance sur le bateau vers la halte suivante.

D’une génération à l’autre, une civilisation prend racine sur les rives : des travailleurs flottants qui vivent de la batellerie, des relais charretiers qui louent leurs services pour tirer les péniches, des éclusiers qui entretiennent le canal et troquent leurs légumes et poulets contre du grain et du charbon transportés par les mariniers.

Des villages se créent, autant d’étapes techniques importantes pour les bateliers. Et si le rail a eu raison des péniches, il n’a pas pu éteindre cette culture qui se renouvelle grâce au tourisme fluvial.

Les éclusiers sont aujourd’hui employés par les VNF et nombreux sont ceux qui ne souhaitent pas habiter sur leur lieu de travail, préférant la vie bourdonnante des villages. Toutefois certains ont choisi de s’y installer, faisant de leurs petites maisons des refuges personnalisés accueillants et fleuris : dégustation de produits locaux, berges transformées en merveilleux jardinets, collection d’objets anciens, autant d’activités qui font des éclusiers de véritables ambassadeurs de leur région.

Les charolaises blanches ne se laissent plus distraire par les bateaux qui s’engagent sur le canal en bordure de leurs prés.

La plupart des écluses sont encore manuelles, les gestes d’hier sont toujours d’actualité et si le troc a disparu, l’ouverture et la fermeture des portes au passage de l’embarcation reste l’occasion d’un échange entre les touristes et l’éclusier, d’autant plus que celui-ci suit le bateau sur les 3 ou 4 écluses qui lui sont attribuées. Et si certains restent des préposés discrets, d’autres plus bavards deviennent de véritables guides touristiques ou historiens du canal.

Bien sûr, on ne risque pas de se perdre sur un chenal qui ressemble à une longue route fluide que l’on ne quitte pas si ce n’est pour rejoindre éventuellement un autre canal.

L’éclusier attentif au trafic sur son canal attend les bateaux, prêt à les aider pour se glisser dans l’écluse.

Ce qui n’exclut pas l’aventure, d’autant plus qu’il n’existe aucun Routard ni autre ouvrage équivalent pour guider les mariniers occasionnels d’une étape à l’autre. Autour du bateau, tout n’est que marqueterie de verts, entre champs cultivés et pâtures où paissent quelques vaches placides, hauts arbres alignés qui assurent une ombre bienfaisante et collines boisées où surgissent fermes ou châteaux isolés.

Comme la ville de Decize est située à la confluence de cours d’eau : canal du Nivernais, rivière Aron, Vieille Loire, Loire et canal latéral à la Loire, il faut emprunter 5 ponts pour se rendre d’un bout à l’autre de la ville.

Chaque méandre offre une surprise pour les naturalistes en herbe : une poule d’eau qui fuit sous les roseaux, un couple de canards qui s’ébattent, un héron cendré à l’affût, perché sur ses hautes pattes, un martin-pêcheur à moins que ce ne soit un milan noir qui cisaille le ciel… De loin en loin, une petite route qui serpente, un village assoupi qui attire le regard.

L’occasion d’amarrer le bateau à même la berge et de mettre pied à terre pour plonger dans le terroir, à la découverte de murs de pierre usés par les ans, de produits locaux savoureux et de gens accueillants mais toujours surpris par la passion de ces étrangers pour leur canal.


Infos pratiques

Informations touristiques: auprès de Bourgogne-Franche-Comté Tourisme : Accueil (bourgognefranchecomte.com)

Compagnies et bateaux : Plusieurs compagnies se partagent les services de location. Les Canalous, du nom des anciens bateliers du canal, est une compagnie de plaisance fluviale familiale créée en 1982 à Digoin d’où est originaire la famille Carignant. Dans les années 90, ils ont créé leur propre chantier naval qui leur permet de lancer la gamme Tarpon que nous avons testée, la référence du tourisme fluvial. Hissés aujourd’hui au 1er rang des loueurs-constructeurs français Les Canalous : location de péniche et bateau sans permis, ils proposent aussi des destinations dans d’autres pays européens. A découvrir sur France Passion Plaisance : Location de Bateaux fluviaux sans permis (france-passion-plaisance.fr)

Coût d’une croisière : Il est toujours abordable quand il se divise par 4 ou par 6, d’autant plus que le voyage est plus confortable si l’équipage est plus important pour partager les manœuvres. Par ailleurs choisir de faire son marché et de cuisiner soi-même les produits du cru évite de coûteux frais de restauration. Enfin sachez qu’on peut amarrer partout le long du canal pour zéro euro, au pied de villages qu’on ne découvrirait jamais pour leur éloignement des routes.

Il suffit simplement de bien gérer le ravitaillement en eau et en électricité en choisissant des points gratuits ou peu onéreux signalés dans le livre de bord. Pour un supplément modique, des VTT peuvent être mis à votre disposition, ils s’avèrent pratiques quand il faut partir à la recherche d’une boulangerie pour assurer le petit-déjeuner ou tout simplement pour rayonner autour du lieu d’amarrage.

Quel canal choisir : Chaque tronçon possède ses attraits qui lui son propres et une analyse des sites d’intérêt proposés dans la documentation du loueur mérite d’être faite. La bonne formule est sans doute d’allier la promenade bucolique et la visite d’une ville le temps d’une croisière.

Quand y aller : La plupart des canaux et rivières sont ouverts dès la mi-mars et ce jusque fin octobre mais une croisière agréable demande un minimum de douceur climatique. Sachez toutefois qu’au cœur de l’été et selon les canaux, cela bouchonne un peu aux écluses et il faudra se souvenir que rien ne sert de courir comme le disent les vieux loups de rivière.

Un petit aperçu des bourgognes et chablis proposés par le domaine Bersan situé au cœur du village de Saint-Bris-Le-Vineux non loin d’Auxerre.

Les caves du domaine Bersan : www.domainebersan.com Au cœur du village, une excellente table du terroir, Le St-Bris, 13 rue du Tardieu à St-Bris-le-Vineux. A 6 km à peine, Auxerre mérite une halte d’une nuit au moins. Une étape séduisante dans un hôtel particulier, Le Parc des Maréchaux, cerné par des arbres centenaires qui veillent sur un vaste jardin, véritable havre de paix www.hotel-lesmarechaux.com.

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