Le centième anniversaire de la « Belgique de l’Est » a été célébré jeudi dernier à Bruxelles dans, il faut bien le dire, l’indifférence générale, sauf bien sûr chez les intéressés. Alors, saluons ici le merveilleux dynamisme de la Communauté germanophone de Belgique, qui est aussi l’une des régions les plus belles et les plus touristiques du pays.
La célébration de cet anniversaire s’est traduite par une séance académique au Sénat à laquelle avaient pris part les principaux représentants de la Communauté et des corps constitués de l’Etat fédéral, mais aussi des voisins allemands, en la personne d’Armin Laschet, ministre-président de la Rhénanie du Nord-Westphalie.
Un véritable laboratoire
Ainsi, Sabine Delruelle, présidente du Sénat, qui rappela les grandes lignes de la création de la Communauté germanophone en tant qu’institution dans le cadre de la réforme de l’Etat depuis les années 60. Une communauté qui s’est immédiatement intégrée, hospitalière, novatrice. Symbole d’une remarquable réussite, elle constitue un véritable « laboratoire » en Belgique — avec, par exemple, les premières expérience de dialogue citoyen — à laquelle elle apporte une vraie valeur ajoutée.
Les propos de Karl-Heinz Lambertz, président du Parlement de la Communauté germanophone, Oliver Paasch, son ministre-président, et Sophie Wilmès, actuelle Premier ministre belge, allaient tous dans le même sens : pour saluer le dynamisme de la région de langue allemande, trait d’union entre la Belgique et l’Europe.
La cérémonie était orchestrée par Yves Kreins, qui fut le premier Procureur du roi de langue allemande à Eupen avant de rejoindre le Conseil d’Etat, qu’il présida durant quatre ans, d’enseigner à l’Université de Liège et de siéger en tant que juge au tribunal administratif de l’Organisation Internationale du Travail. Il est aujourd’hui le représentant permanent de la Communauté germanophone à Bruxelles.
Des paysages magnifiques
D’un peu plus de 1.000 km² étendus sur près de 100 km, 77.527 habitants aux dernières nouvelles, dans 11 communes, toutes « à facilités », réparties en deux cantons qui n’ont même pas de continuité territoriale, la Communauté des locuteurs de langue allemande — tel est son titre officiel en allemand —, à laquelle se substitue aujourd’hui plus volontiers le terme de « Belgique de l’Est », est d’abord un paysage magnifique, d’une étonnante diversité.
Avec ses villages de pierre fleuris, ses paisibles lacs, c’est, l’été, le paradis des randonneurs à pied, à cheval ou à vélo, qui peuvent compter sur une signalisation parfaite, des infrastructures à la hauteur et une offre d’hébergement de grande qualité.
Une chance pour cette région frontalière, dont les Allemands sont naturellement les premiers clients.Si vous ne connaissez pas la région, allez-y au moins faire un tour un week-end, louez-y un gîte ou prenez une chambre dans un hôtel rustique, allez à la pêche ou chaussez-vos skis en hiver : vous ne le regretterez pas !
Un destin singulier
Après la défaite de Napoléon à Waterloo, le Congrès de Vienne avait attribué à la Prusse les cantons d’Eupen et de Malmedy-Saint Vith, alors incorporés à la France. Au lendemain de la Première Guerre mondiale, le Congrès de Versailles, en 1919, décide de les céder à la Belgique, sous condition d’un référendum populaire où la proposition recueillera… 99,2 % des voix ! La cérémonie de passation de pouvoirs se déroula le 10 janvier 1920 dans l’hémicycle du Sénat.
En 1940, le régime nazi occupant la Belgique n’eut bien sûr rien de plus pressé que de « ramener au bercail » la population germanophone de Belgique, considérée comme appartenant « naturellement » à l’Allemagne. Ce ne fut pas l’avis de ces milliers de « Belges de l’Est » qui furent incorporés de force dans la Wehrmacht ou résistèrent comme ils le purent à l’occupant, souvent au prix de leur vie.
C’est le destin singulier de cette petite région qui a forgé son caractère si exceptionnel : tournés vers l’Allemagne, certes, mais aujourd’hui pour supporter… ses équipes de foot, les Belges de l’Est sont à la fois les plus européens et les plus belges de tous les Belges, attachés qu’ils sont aux institutions, certes complexes, qui leur ont permis de se forger une véritable identité. Dès le début de la Réforme de l’Etat — et ce n’est pas fini ! — les germanophones ont acquis le droit d’être jugés dans leur langue, d’élire un Parlement et se voir dotés d’un exécutif de quatre ministres, exerçant leurs compétences en matière de dépenses sociales, de l’enseignement, du tourisme, etc. et de disposer désormais de la garantie d’un représentant au Parlement Européen ainsi qu’au Sénat de Belgique.
Ostbelgier, wir lieben dich! Du bist das schlagende Herz des Landes. Es lebe Ostbelgien! C.B.
Ministre depuis 15 ans
A 40 ans à peine depuis quelques semaines, Isabelle Weykmans est ministre depuis quinze ans sans interruption : un cas probablement unique en Europe. Nous l’avions rencontrée en 2014, alors qu’elle présidait un Conseil européen du tourisme à Malte. Candidate en sciences économiques, licenciée en Sciences politiques (ULB) et Master en relations internationales et études européennes à l’institut européen de Nice et Berlin, parfaitement trilingue (au moins), Isabelle Weykmans, écrivions-nous, est une « grosse tête », mais qui n’a pas la grosse tête. Opinion largement confirmée cinq ans plus tard ! Un même souhait depuis lors : que sa région, bien connue des Allemands, Luxembourgeois et Néerlandais, soit un peu mieux connue des Belges qu’elle ne l’est encore…