Karl Marx et le «Woodstock capitaliste»

© International Institute of Social History d'Amsterdam

La vie est parfois bizarre. Durant ce week-end, deux villes très distantes l’une de l’autre ont fêté deux personnes de légende, et pour des motifs très différents.

La première ville, c’est Trèves en Allemagne. La ville de naissance de Karl Marx fêtait en effet en grande pompe les 200 ans de la naissance du philosophe. Et comme le faisaient remarquer mes confrères du journal suisse Le Temps, il n’est pas sûr que le grand Karl Marx aurait adoré voir ce genre de célébration, ou du moins les personnes qui y participaient.

Des dissidents chinois étaient présents en masse pour rappeler – par tracts interposés – que le grand Marx a inspiré le parti communiste chinois. Ces mêmes manifestants ont rappelé les morts et les violences perpétrées en son nom.

À côté de ces dissidents chinois, il y avait un groupe d’extrême gauche qui, lui, scandait les slogans habituels sur l’unité et la solidarité internationale. Et comme si cela ne suffisait pas, un troisième groupe, plus petit, était également présent durant cette commémoration des 200 ans de la naissance de Karl Marx: un groupe d’extrême-droite allemand venu réclamer un Tibet libre.

Mais comme nous sommes en Allemagne, tout ce petit monde a fait son show et est rentré calmement chez lui après les festivités officielles.

Quasiment le même jour, de l’autre côté de l’Atlantique, ce sont 40.000 actionnaires de la société Berkshire Hathaway qui se sont regroupés, comme chaque année, à Omaha, ville de l’État du Nebraska, pour assister à ce qu’il faut bien appeler le « Woodstock capitaliste ». En fait, ces 40.000 personnes n’avaient d’yeux que pour Warren Buffet, le fondateur de cette firme.

« À notre époque du tout technologique, il est rassurant de voir que des hommes peuvent encore faire la différence »

Buffet est l’investisseur le plus célèbre du monde. Tout ce qu’il touche se transforme en or, ou presque. Et à plus de 87 ans, il a encore démontré sa touche magique la semaine dernière: il a suffi qu’il dise qu’il a acheté pour 75 millions d’actions Apple pour que le titre grimpe de 4% en une séance boursière. Pas par magie, mais parce que Warren Buffet et son génial associé – Charles Munger, 94 ans au compteur – ont réalisé des gains extraordinaires tout au long de leur vie.

Et donc, autant à Trèves, on a célébré la naissance d’un idéologue né il y a 200 ans, autant à Omaha, ces 40.000 personnes sont venues écouter un sage de la finance et l’ont assailli de questions sur la capacité de l’entreprise à lui survivre. La question n’est pas idiote, car Warren Buffet et Charles Munger sont connus pour leur sagesse et leur bon sens qui a enrichi ces 40.000 personnes, et bien d’autres encore.

D’ailleurs, quand la crise financière a éclaté, les patrons des banques Goldman Sachs et Bank of America ont été voir ces deux personnages de légende pour disposer de leurs conseils. Mais demain, quand Warren Buffet ne sera plus là, à qui pourront-ils s’adresser ? Qui pourra les conseiller avec autant de sagesse et de profondeur ?

J’évoque ces deux exemples parce qu’à notre époque du tout technologique, du tout à la robotique, il est parfois saisissant, voire rassurant, de voir que des hommes, sur base de leurs qualités propres, peuvent encore faire la différence. Mais c’est vrai que tout le monde n’est pas Karl Marx ni Warren Buffet…

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