« Internet a-t-il vraiment les moyens vous faire parler ? »

Aux États-Unis, il y a un livre (1) qui fait grand bruit en ce moment et qui hélas n’est pas encore traduit en français. Son titre dit bien ce qu’il veut démontrer, en gros il pourrait se résumer à « Tout le monde ment sauf sur Internet ! »

La thèse de l’économiste qui a rédigé ce livre est simple: Internet agit comme un « sérum de vérité » sur nous. Mes confrères du Monde expliquent bien cette thèse: aujourd’hui, il y a environ 40.000 requêtes qui sont envoyées par seconde à travers le monde. Autrement dit, une bonne partie de ces 40.000 requêtes sont des questions ou des recherches qui se font dans la petite fenêtre rectangulaire de Google. Et l’idée de cet économiste, c’est que cette petite barre en sait plus sur nous que nos amis, nos conjoints ou notre famille.

Pourquoi ? Il suffit de regarder les réseaux sociaux. Que ce soit en matière de photo ou même de texte, la règle générale consiste à se mettre en avant, à donner la meilleure image de soi, à se mettre en valeur et donc, à tronquer un peu ou beaucoup la réalité. En revanche, comme le fait remarquer Le Monde, lorsqu’on fait une recherche ou qu’on pose une question dans le petit rectangle magique de Google, on révélerait sa vraie nature, ses peurs, ses angoisses, ses pratiques ou préférences sexuelles pour ne citer que quelques exemples. Bref, sous couvert d’anonymat, ce petit rectangle saurait tout de nous, y compris nos préjugés, nos phobies ou nos secrets les plus embarrassants…

« Sous couvert d’anonymat, le petit rectangle de Google saurait tout de nous, y compris nos préjugés, nos phobies ou nos secrets les plus embarrassants… »

Nous dirions donc involontairement à ce petit rectangle de Google des choses que nous ne confierions à personne en temps normal, et parfois même pas à son conjoint. D’où l’idée qu’Internet serait une sorte de « sérum de vérité » et qu’il n’y aurait qu’à se pencher dessus pour nous dévoiler. En clair, les entreprises n’auraient plus qu’à utiliser les techniques du Big Data pour nous analyser au scalpel et nous vendre des produits ou des services totalement conformes à nos besoins et même à nos envies cachées.

Mais face à cette approche simpliste, certains auteurs qui se sont confiés au journal Le Monde se battent. Pour eux, ce fameux « sérum de vérité » d’Internet ou de la barre de recherche de Google ne serait en réalité qu’un « fantasme de vérité ». Pourquoi ce bémol ? Parce que selon ces scientifiques, la vérité ne réside pas forcément dans ce que les gens disent ou dans ce que l’on extrait d’Internet. En Bref, il ne faut pas faire confiance à ce que les gens recherchent, il faut aussi regarder ce qu’ils font !

Et la différence peut-être énorme. Par exemple, ce n’est pas parce que j’écris le nom d’un homme politique qui est dans l’actualité que je vais forcément voter pour lui. C’est le danger de ce livre américain, il donne l’impression qu’en s’appuyant uniquement sur l’aspect déclaratif des internautes, on aurait forcément la réalité. Rien n’est plus faux, selon les scientifiques interrogés par Le Monde.

Les sondeurs le savent bien, ce que disent les individus doit toujours être abordé avec précaution et croisé avec d’autres données. Par conséquent, croire ou faire croire, comme veut le faire ce livre, qu’Internet sait tout de nous, y compris nos vices cachés, et qu’il n’y a qu’à se pencher dessus pour savoir enfin la vérité, est un pur fantasme. Cette analyse simpliste conduirait en réalité à des erreurs de jugement. Donc, non, la barre de recherche de Google n’est pas encore un détecteur de mensonges infaillible ni un sérum de vérité. Et tant mieux.

(1) Everybody lies. Big Data, New Data and What the Internet Can Tell Us About Who We Really Are (Seth Stephens-Davidowitz)

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