Faut-il supprimer l’anonymat sur Internet pour diminuer les propos haineux et la propagation de la violence?C’est la question posée aujourd’hui par notre chroniqueur, qui démontre que si la question est simple, la réponse est plus complexe.
J’ai terminé récemment l’une de mes chroniques en disant que le véritable luxe aujourd’hui et encore plus demain, ce sera l’anonymat. Certains lecteurs ou auditeurs en ont profité pour me dire que cet anonymat existait déjà mais que bien souvent hélas, c’était un prétexte pour harceler des personnes ou les insulter sous un pseudo.
Bien entendu, ce n’est pas de cet anonymat que je parlais. Mais c’est vrai, le président Emmanuel Macron l’a aussi reconnu publiquement : l’anonymat encourage la violence et la haine et en ligne.
Le Figaro rappelle que face au phénomène des gilets jaunes, le président de la République s’est posé la question de savoir si l’anonymat n’était pas devenu problématique.
Sa question a tellement perturbé certains internautes que son secrétaire d’Etat au numérique a dû rétropédaler pour ne pas donner l’impression que l’Elysée voulait fliquer les français et les françaises.
Le Figaro rappelle également que son secrétaire d’Etat a nuancé les propos d’Emmanuel Macron en précisant bien qu’il n’était pas question d’empêcher les français, par exemple, d’utiliser un pseudo lorsqu’ils surfent sur un site de rencontre. Les Jacques 622 et autres Pauline 314 auront encore de beaux jours devant eux.
Mais il n’empêche que le débat est là : ne faudrait-il pas lever l’anonymat sur le Net pour diminuer la violence en ligne, le harcèlement et les discours de haine ?
« Ne faudrait-il pas lever l’anonymat sur le Net pour diminuer la violence en ligne, le harcèlement et les discours de haine ? »
A lire certains éditoriaux, ce serait la solution par excellence. En réalité, ce n’est pas aussi simple. Une étude de l’université de Zurich s’est intéressée aux commentaires d’un site allemand de pétitions numériques en arrive à la conclusion que les messages les plus haineux avaient tendance à être publiés sur des comptes avec de vrais nom. La raison ? Pour propage sa haine, mieux vaut parfois assumer son identité car on est plus crédible aux yeux des autres.
Le Figaro fait aussi allusion à une autre étude américaine qui démontre que 54% des personnes harcelées l’ont été par des anonymes, mais a contrario, cela veut dire que dans 46% des cas, les harceleurs assumaient leur identité.
On le voit donc, lever l’anonymat est une solution mais elle ne diminuera pas à 100% les messages de haines et de violence. D’ailleurs, il n’y a qu’à regarder un réseau social comme Twitter, c’est le lieu par excellence de l’anonymat mais c’est aussi le réseau social utilisé par Donald Trump qui, loin de se cacher, passe chaque jour à démolir ou à insulter ses adversaires pour le plus grand plaisir de ses électeurs.
Par ailleurs, dans certains cas ou dans certains pays, l’anonymat est nécessaire pour protéger des dissidents politiques ou des femmes victimes de violences conjugales, par exemple. Et donc, oui, l’anonymat fait des dégâts, mais lever purement et simplement cet anonymat ne résoudra pas d’un coup de baguette magique les torrents de haines qui se déversent chaque jour sur le Net.
D’autant que Le Figaro a raison de poser la question pratique : comment peut-on forcer les internautes à s’identifier ? Devra-t-on donner nos papiers officiels à une plateforme alors que nous reprochons déjà à ces plate-formes numériques d’en savoir trop sur nous ? Bref, l’anonymat n’est pas encore prêt de disparaître et il faudra apprendre à vivre avec !