Avançons quelques arguments de défense, dans une problématique qui est essentiellement générationnelle : on ne fera jamais croire à des adultes chevronnés qu’on peut les influencer quant à un lieu de voyage ou de séjour simplement en le montrant pendant un temps réduit sur une application où cette “influence” sera noyée parmi des centaines, des milliers d’autres. Mais soit, essayons.
Les bons influenceurs, s’il y en a, reconnaissent volontiers qu’ils sont issus de la télé-réalité, avec à leur tête Kim Kardashian et sa suite, et ils n’en sont pas fiers. Ils condamnent des comportements parfois à la limite de l’éthique. Et les grandes marques qui les utilisaient toutes voiles dehors commencent à douter à la fois de leur efficacité économique et de leur système de valeurs.
Il y a un calcul de probabilités à faire. Sur 1 million de “followers” déclaré par un influenceur (je n’utilise pas l’écriture inclusive mais il est évident que je parle tout autant des influenceuses), combien voient et lisent un article sur un service touristique ? Admettons (pour faire plaisir) qu’il y en ait 500.000. Parmi ceux-là, combien sont intéressés par une destination chère (sachant que les “followers” sont de la jeune génération) ? On va peut-être tomber à 10.000, et c’est mesuré large. Parmi eux, combien se souviendront de cet article au moment de choisir un voyage ?
Pour autant, reconcentrons-nous sur les “vrais” influenceurs, ceux qui ont réellement un impact sur des choix de destination, sur des réservations. Ce sont avant tout des personnes qui illustrent abondamment de bons articles, diffusés par des médias ayant pignon sur rue. Du temps que j’exerçais le métier de DMC en Belgique, je me souviens d’une couverture du Figaro Magazine ou du Nouvel Obs (je ne sais plus lequel des deux) sur la ville de Gand. Quasi immédiatement, les demandes pour cette destination ont afflué ! Parce qu’une revue intéressante ne se jette pas tout de suite : on la prend, on la regarde, on y revient le moment venu.
Et puis l’influenceur suprême, c’est et ce devrait toujours être l’agent de voyages. Il/elle a la possibilité de faire changer d’avis un client, de le guider, de le conseiller, de vive voix ou via un moyen virtuel. Mais pour cela, il faut impérativement que toutes générations confondues, on sache quels sont les avantages à passer par une agence. On y arrivera, parce que quand tous les sites noyés par le surtourisme auront placé des barrières adéquates (comme les Calanques de Marseille par exemple), les agences de voyages verront ce pouvoir de guidance multiplié, le tourisme redeviendra une activité d’élite : une élite non financière, mais une élite ouverte à toutes les personnes responsables.
En attendant ces jours bénis, il faudra faire avec ces réseaux sociaux qui sont, comme le dit notre excellente collègue Linda Lainé, “aussi le miroir de notre société, dans toute sa diversité”.
Finalement, je crois que j’ai été plus attaquant que défenseur, c’est plus fort que moi.