Amid Faljaoui, notre chroniqueur économique, a choisi de revenir sur les difficultés de Ryanair et a cherché à comprendre pourquoi Ryanair préfère les grèves à des hausses du coût du personnel, alors qu’elle affiche de gros bénéfices ?
Je fais partie de ceux qui utilisent régulièrement les vols low cost, et notamment Ryanair, pour mes déplacements en Europe. Je fais partie aussi de ceux qui ont eu de la chance cet été de ne pas avoir été impacté par les grèves des pilotes. Mais à chaque fois, je me suis demandé pourquoi la direction de Ryanair préfère les grèves à de légères hausses de coûts salariaux ?
Selon L’Express, la réponse se trouve au fondement même du modèle économique de Ryanair. La compagnie irlandaise affiche un rapport coûts salariaux sur chiffre d’affaires de 9%. C’est clairement le ratio le plus bas d’Europe. Chez British Airways, ce ratio est de 20% et chez Air France-KLM, il est de 29%. Et c’est ce qui explique que Ryanair, en 2017, avait enregistré un bénéfice net de 1.45 Md€, qui dit mieux ?
Évidemment, pour arriver à des chiffres pareils, la gestion du personnel est très peu sociale. Prenons les commandants de bord: voilà des personnes supposées être indispensables mais qui étaient payés par heure de vol et pas pour le temps de travail au sol, ces mêmes pilotes ont droit à un mois de vacances par an mais non rémunéré.
Et mieux encore, ils paient de leur poche leur formation pour voler chez Ryanair : soit presque 30.000 € ! Au vu de ces données publiques, on comprend mieux les raisons de toutes ces grèves à répétition. Mais la question pour Ryanair, c’est comment satisfaire les revendications du personnel navigant sans tuer son modèle low-cost qui par définition est basé sur un modèle social minimum.
« Si la direction de Ryanair s’entête à tenir tête à son personnel, c’est parce qu’à tort ou raison, elle se dit qu’elle n’a pas le choix si elle veut maintenir son modèle low-cost »
Michael O’Leary, le patron de Ryanair, a par exemple menacé de quitter l’Irlande au profit de la Pologne, mais est-ce vraiment possible ? N’est-ce pas un coup de bluff ? Le droit irlandais est en effet très favorable pour Ryanair, et si la compagnie à bas coût abandonne ce droit irlandais, elle devra payer plus de taxe et de charges sociales pour son personnel.
En fait, si la direction de Ryanair s’entête à tenir tête à son personnel, c’est parce qu’à tort ou raison, elle se dit qu’elle n’a pas le choix si elle veut maintenir ses prix bas et donc son modèle low-cost.
Il faut aussi dire que Ryanair n’est plus seule sur ce créneau du Low-Cost, et qu’elle doit affronter la concurrence de nouvelles compagnies à bas coûts comme Vueling ou Germanwings.
Ensuite, le prix du pétrole a repris le chemin de la hausse, et ça, c’est mauvais pour sa rentabilité. Les investisseurs savent que la direction est face à un dilemme, soit elle lâche du lest auprès des syndicats, mais c’est son modèle économique qui vole en éclat, soit elle résiste, mais son image de transporteur qui a démocratisé les voyages aériens qui en prend pour son grade.
Et d’ailleurs, la Bourse a compris ce dilemme puisque l’action Ryanair s’est effondrée de 20% en un an. Mais bon, malgré tous ces déboires, la compagnie irlandaise devrait afficher encore 1.3 milliard de bénéfice pour 2018.
Et visiblement, cette belle cagnotte lui permet de résister à certaines demandes des syndicats, mais jusqu’à quand ?