Les gros titres de la presse de ce matin (lundi) font état du crash d’un avion de Turkish Airlines, avec à l’appui des photos d’autres avions de la compagnie sur l’aéroport d’Istanbul.
Malhonnêteté intellectuelle
Or, quand on lit l’article, par exemple sur Air Info, titrant : Turkish Airlines : un Boeing 747 F s’écrase au Kirghizistan, au moins 32 morts, on constate qu’il s’agit d’un vol cargo (la lettre F le désignait, mais qui connaît sa signification dans le public ?), mais l’amalgame est fait.
Cela ne change rien pour les victimes, c’est évident. Il faut aller jusqu’à l’avant-dernière phrase pour lire cette précision : « Tout en présentant ses condoléances aux victimes, Turkish Airlines a précisé que ni l’appareil, immatriculé TC-MCL et opéré par ACT Airlines, ni l’équipage, ne lui appartenaient. »
Turkish n’a presque rien à voir dans ce crash
En clair, cette compagnie cargo ACT Airlines, très peu connue, effectuait un vol pour compte de tiers. En l’occurrence ici, le tiers était Turkish Airlines, qui s’en prend pourtant plein la tronche quant à sa réputation.
Qu’on aime ou pas la Turquie ou ses dirigeants n’a ici aucune importance ; TK est une compagnie sérieuse et sûre, et qui ne mérite pas le tort important causé par cet amalgame. Il faudra de la patience aux agents de voyages dans le monde pour convaincre un client quelque peu craintif à voler sur Turkish. C’est injuste.
Autre exemple :
La presse généraliste s’est fait l’écho d’un incident entre un cargo d’EgyptAir et un vol régulier d’Air France au-dessus de Gand. Pagtour avait l’information depuis plusieurs jours, mais ne l’a pas diffusée. Pourquoi ?
Parce que le sensationnalisme n’a jamais rien apporté de positif, surtout dans le domaine si sensible de l’aérien. Les infos relayées sont d’ailleurs incorrectes et contradictoires. On dit d’une part que l’un des avions volait à 5.000 m d’altitude et l’autre à 6.000, en revanche il n’y aurait eu que 90 m d’écart entre les avions !
Tous les avions modernes sont équipés d’un système d’alerte anticollision en plus des radars de bord, et même si l’un des pilotes ne respecte pas les injonctions du contrôle aérien, la chance est nulle que les deux pilotes des deux avions choisissent d’ignorer et le radar et le signal d’alerte anticollision.
Ne pas diffuser n’importe quoi
Il est évidemment important que ce genre d’incident soit traité par les autorités compétentes, et que le ou les coupables soient punis lourdement. Mais le danger n’a pas été aussi grand que les gros titres tendent à le faire croire. À quoi sert-il de diffuser cela, si ce n’est à faire planer un sentiment de crainte, dont on se passerait bien puisqu’il s’additionne à ces autres peurs des actes terroristes.
La presse a besoin de plus de dignité
La presse est vilipendée sur les réseaux sociaux et fait face à une perte de confiance très importante, qui se traduit évidemment par une perte des ventes aussi. Il faudrait arrêter de prendre tous les lecteurs pour des demeurés, et de se livrer à cette surenchère des titres, au mieux douteux, au pire mensongers voire même scandaleusement mensongers.
Sinon, la presse ne survivra pas, et ce sont les réseaux sociaux qui dicteront aux lecteurs la façon de penser. Cela risque d’être pire encore que maintenant, puisque personne ne peut garantir ni les compétences, ni la bonne foi, ni les sources des blogueurs de tous poils, que l’on qualifie déjà d’ « influenceurs d’opinion » et qui sont maintenant diffusés officiellement par des grands magazines au détriment des professionnels.