Au début du 20ème siècle, on dénombrait quelque 100.000 éléphants domestiques en Thaïlande. Aujourd’hui, il n’en reste que 3000 et à peine 2000 à l’état sauvage. La mécanisation du travail agricole et la déforestation ont largement contribué à la disparition du pachyderme. Toutefois, depuis quelques années, toute une législation a vu le jour en faveur de la protection de la nature. A ce titre, le développement d’un tourisme responsable joue un rôle important comme facteur de préservation de cet animal plébiscité par tous, les Thaïlandais comme les vacanciers.
D’un œil un peu sceptique, je considère la taille impressionnante de la femelle éléphante qui s’approche de nous. Même si on me dit qu’elle est plus petite que sa cousine africaine, je n’en reste pas moins effarée par son gabarit. Pour me rassurer, le mahout la dirige vers un promontoire afin que nous puissions nous hisser aisément dans une nacelle en bois fixée par des cordes glissées sous son ventre et sous sa queue.
Assis sur son dos, à 2m50 de haut, on a l’impression de surplomber le monde. Son maître l’attrape par une oreille pour qu’elle déroule sa trompe afin de lui offrir un marchepied. Comme un fétu de paille, il se retrouve juché sur sa nuque rugueuse. Un coup de talon dans son cou suffit à lancer l’ordre de départ. Direction la jungle en empruntant des sentiers bien connus du pachyderme. D’abord surpris par le tangage de la nacelle, on s’habitue rapidement au rythme de la marche de l’animal. D’un pas lourd, il s’enfonce paisiblement dans la forêt dont le silence est assourdissant, à peine rompu par le craquement des branchages qu’il glane au passage pour les engouffrer dans sa gueule. A croire que la seule présence du géant suffit pour que tous les autres animaux se terrent dans leur coin. Bercé par le balancement de la nacelle, on se prend à rêver et à s’imaginer dans la peau d’un explorateur à la découverte du royaume de Siam…
Au retour, le mahout nous mène vers la rivière où le pachyderme descend lentement pour ne pas nous secouer. La piste est raide et glissante mais notre monture a toutes les qualités d’un 4×4 qui passe partout. En s’enfonçant dans l’eau, il plonge avec délectation sa trompe dans le courant, arrosant ses flancs sans toutefois nous asperger, avant de remonter sur la berge et de nous ramener au village. Libérée de sa nacelle, l’éléphante saisit alors avec sa trompe le bout de la chaîne qui lui sert de collier et qui permet de l’entraver le cas échéant et elle repart, seule, dans une longue foulée, vers la jungle où elle va passer la nuit en toute liberté avec ses congénères, avant de retrouver le lendemain d’autres touristes qui, comme nous, vont partager le moment magique d’une rencontre exceptionnelle entre l’homme et l’animal mythique.
L’éléphant, objet de vénération et de fascination
D’après les textes traditionnels bouddhistes, le monde repose sur le dos d’un éléphant. La légende raconte même que le colossal pachyderme aurait fécondé la mère de Bouddha pour qu’elle donne naissance au grand sage. Cela suffit à faire de lui un animal sacré et vénéré que l’on retrouve sculpté dans tous les temples du pays. Jusqu’en 1917, du temps du royaume de Siam, l’éléphant blanc sur fond rouge figurait sur la bannière nationale, véritable emblème royal. Malheureusement, lorsque l’étendard fut hissé à Versailles lors d’une réunion de la Société des Nations, d’aucuns prirent le pachyderme pour un petit animal domestique. Affecté par l’incident, le roi Rama VI décida de redessiner le drapeau en bandes rouges, blanches et bleues, aux couleurs de la nation, de la religion et de la monarchie. Aujourd’hui encore, de nombreux Thaïlandais voient dans les contours de la carte de leur pays une tête d’éléphant déroulant sa trompe.
Il est vrai que durant des siècles, l’éléphant était au cœur de la vie thaïlandaise. De son histoire d’abord puisque c’est sur le dos d’un éléphant blanc que le roi Rama Ier a pu mettre en déroute l’ennemi birman à la fin du 18ème siècle. Depuis 1921, en souvenir de cette épopée victorieuse, les rares éléphants nés albinos obtiennent un statut spécial et le privilège de devenir la propriété exclusive du roi. Gardés dans le vaste jardin zoologique de Bangkok, ils y sont traités avec déférence.
L’éléphant au service du tourisme
Jusqu’il y a peu, l’éléphant était, au peuple thaï ce que le cheval de trait était chez nous, à savoir une précieuse bête de somme capable de ramener de la forêt des troncs d’arbre nécessaires à la construction des habitations traditionnellement construites sur pilotis. Cependant, depuis 1989, une loi interdit l’abattage des arbres et la vente de bois coupé, ce qui a contraint plusieurs cornacs à abandonner leur animal de compagnie, à moins qu’ils ne se soient recyclés à l’aune du tourisme. Pour encourager cette reconversion, chaque mahout qui enregistre officiellement son animal auprès de l’état civil reçoit du gouvernement une allocation qui lui permet de subvenir en partie aux énormes besoins alimentaires de l’éléphant. Les conditions de travail ont également été réglementées et la retraite sonne pour chaque éléphant dès qu’il a 60 ans. Il termine alors paisiblement sa vie et, à sa mort, sa dépouille ira dans un cimetière qui leur est réservé.
A côté des divers centres qui célèbrent la culture des éléphants d’Asie en proposant, outre des informations didactiques, des spectacles, des promenades à dos d’éléphants et des cours de mahout, il existe à l’Est du pays, dans la province encore sauvage de l’Isan, un village habité par les membres de l’ethnie Suay, reconnus comme les spécialistes de l’élevage et du dressage des éléphants. Depuis que l’un d’entre eux offrit au roi Rama Ier un éléphant blanc à la tête duquel il bouta les Birmans hors du pays, cette distinction leur a été attribuée par grâce royale. Aujourd’hui le village de Ban Tha Klang rassemble plusieurs familles, dont les maisons se dressent sur de hauts pilotis qui permettent d’abriter leur cheptel éléphantesque sous les habitations. Cette proximité presque familière entre les hommes et les animaux ne cesse d’étonner les visiteurs d’un jour, surpris de constater combien dociles et débonnaires semblent ces énormes bêtes. Non loin du village, un centre d’étude a été installé, distribuant entre autres des formations aux mahouts sur l’intelligence de leurs animaux. (à suivre)
Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux
PRATIQUE
Infos : www.tourismthailand.org . Le site du Centre de Conservation des Eléphants www.thaielephanttraining.com
Argent : L’unité monétaire est le bath et le change s’effectue partout sans souci. Toutes les grandes villes proposent aussi des distributeurs automatiques. Les cartes de crédit sont relativement bien acceptées dans les hôtels et les restaurants mais la plupart des achats se paient en argent liquide.
Se loger : La Thaïlande propose de tout en terme de logement et à tous les prix. A Surin, le Surin Majestic Hotel (www.surinmajestichotel.com) l’établissement le plus récent installé au cœur de la ville. Pour le festival des éléphants, veillez à réserver au moins deux semaines à l’avance pour trouver de la place.
Activités : La visite de l’Isan avec ses ruines khmères et son village d’éléphants nécessitent une voiture pour faciliter les déplacements. L’idéal est alors de s’adresser à une agence de voyage. www.toursquare.net qui offre un encadrement de qualité avec des guides francophones.
Se restaurer : On peut se restaurer à toute heure de la journée et, si on n’est pas effrayé par les piments, on peut s’adresser aux stands ambulants sur les trottoirs et les marchés. Ce sont les épices et les herbes qui donnent sa saveur à la cuisine thaïe. Le riz et les nouilles frits sont à combiner avec du poulet, du bœuf ou du porc. Goûtez la salade fraîche et légèrement piquante de papaye verte A accompagner d’une bière Thaï bien fraîche ou alors d’un jus de fruits frais.