Les gens de ma génération ont peut-être, comme moi, découvert Midway dans les albums de Buck Danny qui, au début, racontaient les aventures des pilotes de la Navy sur les porte-avions durant la guerre du Pacifique. L’un de ces albums portait ce titre : La bataille de Midway. On ne se préoccupait pas, à l’époque, du politiquement correct, aussi les ennemis japonais étaient appelés sans vergogne : les « faces de citron » ! Comme je vous le dis. Mais revenons à notre destination.
Midway fait partie de l’archipel hawaïen au sens large, comprenant les îles Sous-le-Vent, même si elle se trouve à plus de 2000 km d’Honolulu. En fait il s’agit d’un « groupe » de deux îles entourées d’une barrière de corail, entre lesquelles il a fallu creuser un chenal pour permettre aux bateaux d’accéder au port.
L’île ouest se compose d’un aéroport en deux pistes croisées qui la recouvre quasi entièrement, et de la maison du commandant ; l’île Est d’un aéroport, mais celui-ci est désaffecté. Il n’y a que 40 résidents en tout : de quoi faire 3 équipes de foot ou de jouer 10 parties de belote simultanément. Ces 40 habitants vivent quand même sur un « patrimoine mondial » : une réserve de la vie sauvage sous-marine.
C’est un marin américain nommé Brooks qui « découvre » les îles et les déclare derechef possession américaine, parce que les Etats-Unis s’étaient auto-proclamés possesseurs des îles du Pacifique capable de leur fournir… du guano ! (C’est dans Tintin que j’ai appris, dans les années 50, ce qu’était le guano). Brooks donna son nom à l’atoll, mais un peu plus tard un autre marin américain les rebaptisa du nom de Midway, c’est-à-dire à mi-chemin entre l’Amérique et l’Asie, entre les Etats-Unis et le Japon.
Ce mi-chemin était bien utile pour y installer des réserves de charbon, quand les navires de l’époque avaient besoin de se ravitailler pour traverser l’immense océan. Ensuite, ce fut un relais pour installer un câble sous-marin de radio, puis une balise radio, défendue par quelques marines.
Grâce à elle, les hydravions de la Pan American Airlines (PAA, à l’époque) étaient capables de faire des sauts de puce : San Francisco, Hawaï, Midway, Wake, et ensuite la Chine. Les « touristes » passaient la nuit sur l’atoll, qui disposait d’un hôtel construit et exploité par la compagnie aérienne. Je ne vous dis pas le coût du voyage… Toute proportion gardée il devait correspondre à peu près à l’équivalent de 100.000 $ actuels. C’était dans les années 1930.
Ensuite, c’est le 7 décembre 1941 : jour de l’attaque de Pearl Harbour. Deux destroyers japonais s’en prennent à Midway, la bombardent, et tuent 4 soldats américains, dont le commandant de la base. Revanche peu après, et c’est ici qu’intervient Buck Danny et ses « guys »: il faut relire ces albums particulièrement bien documentés.
Ils poursuivent d’ailleurs l’histoire, en racontant la guerre de Corée des années 50. Midway était idéalement placée pour servir de relais aux transporteurs de troupes, de bombes et de vivres. A cette époque et durant la guerre froide, il y eut jusqu’à 3500 habitants !
Maintenant que nos sommes en temps de paix, du moins dans cette région, que reste-t-il d’intéressant à voir ? Un mémorial japonais, un autre américain, un troisième dédié à la Navy ; des hangars et des emplacements de canons, témoins des absurdités des guerres, …et des albatros ! Seuls oiseaux capables de parcourir les 2.000 km d’océan sans se poser.
Hélas, ils disparaissent peu à peu, parce qu’ils nourrissent leurs poussins avec ce qu’ils trouvent en mer : beaucoup de déchets en plastique, impossibles à digérer… Il est temps de prendre conscience de nos bêtises, sinon le beau drapeau de Midway, représentant le ciel, la mer et le vol d’un albatros, ne voudra plus rien dire…