Cette fois, je suis quasi certain que vous ne connaissez pas… Un « pays » ? Pas vraiment : une Société Autonome Communautaire, qui a proclamé son indépendance le 26 septembre 1971 ; elle compte 850 habitants, pour une superficie de 0,07 km². Et c’est en Europe…
1971, on est à la fin de la période hippie, mais il y a encore de nombreux nostalgiques d’une société anarchique, d’une révolution culturelle, d’un système de « valeurs alternatives » : entendez par là un peu ce que De Gaulle qualifiait de « chienlit ».
Ceci se passe au Danemark, à Copenhague en particulier, dans une caserne militaire désaffectée : tout un symbole ! Des squatteurs fondent la ville libre de Christiania, qui prône une gestion collective et une responsabilité partagée par tous. Il faut un an pour faire réagir les autorités, et la réaction est assez surprenante: nous sommes au Danemark !
Le Ministère de la Défense accorde aux « citoyens » de Christiania le droit d’occuper l’ancienne caserne, à condition qu’ils payent l’eau et l’électricité, ce qui est accepté en démocratie directe -mais c’est aussi, indirectement, l’acceptation des principes capitalistes tant détestés.
Il faut aussi comprendre dans les mots « valeurs alternatives » la mise sur pied d’un trafic de drogues dures qui rapporte pas mal d’argent au « pays ». La Pusher Street est couverte de peintures psychédéliques, assez réussies du reste, et qui cadrent bien avec la vente de l’héroïne, de la cocaïne et des amphétamines.
Mais cela ne dure qu’un temps, à cause d’un nombre dramatique d’overdoses et même d’un meurtre lié à ce trafic. Christiania décide donc d’interdire la vente des drogues dures et de se consacrer exclusivement à la vente (libre) du cannabis pour ses résidents et visiteurs.
Le gouvernement danois est pourtant embarrassé depuis l’année 1971. On n’aime pas trop les affrontements dans les pays nordiques, on discute. En 2012, le gouvernement propose à Christiania de devenir réellement propriétaire de sa « terre », mais en un an, les quelques 1000 habitants n’ont pu racheter qu’un peu moins de 8 hectares sur les 34 qu’ils avaient « pris » à l’origine.
Entre-temps, Christiania a trouvé le moyen de s’organiser comme un Etat, avec sa propre monnaie et son drapeau. Il faut dire que la seule vente de cannabis lui rapporte plus de 25 millions d’euros ! Les 850 habitants ont refait eux-mêmes leurs égouts, ils ont leurs propres commerces autogérés, des scènes de théâtre (alternatif, bien sûr), une radio libre, des restaurants, et le tout attire 1 million de visiteurs chaque année.
C’est un peu le retour du capitalisme, d’autant plus qu’en 2013, le Parlement danois siffle la fin de la récréation, qui a duré quelques 40 ans ! Il reste une légère autonomie de gestion : pas de voitures, par exemple, pas d’armes non plus. Seul point noir : le succès ! Les campeurs ont afflué du monde entier… jusqu’à l’interdiction du camping.
Il n’empêche : lors de votre prochain voyage à Copenhague, après votre visite à la Petite Sirène, après votre lunch sur les quais du Nyhavn ou, si vous avez les moyens, au célèbre Noma, ne manquez pas de passer par la Pusher Street, c’est une expérience !
Prochaine destination : Nauru