Le délai pour intenter une action en indemnisation en matière de transport aérien est désormais de 5 ans en France. Ce délai est déterminé par les règles du droit national de chaque État membre en matière de prescription.
Le Règlement (CE) n° 261/2004 du Parlement européen et du Conseil du 11 février 2004, établissant des règles communes en matière d’indemnisation et d’assistance des passagers en cas de refus d’embarquement, d’annulation ou de retard d’un vol, reconnaît aux passagers aériens un droit à indemnisation variant selon la distance du vol litigieux, à moins que la perturbation ne soit due à des circonstances extraordinaires (celles qui n’auraient pas pu être évitées même si toutes les mesures raisonnables avaient été prises par le transporteur). Cette décision a été justifiée le 17 mai dernier par la Cour de Cassation et devrait être publiée officiellement dans les jours qui viennent.
Les passagers peuvent se prévaloir de ce droit devant les juridictions nationales. Cependant, la réglementation européenne ne précise pas le délai pendant lequel les actions en indemnisation prévues par les articles 5 et 7 du Règlement européen peuvent être introduites. En l’espèce, la question était de savoir si le délai était déterminé par les conventions de Montréal et de Varsovie (2 ans), ou par les règles de chaque État membre en matière de prescription (prescription de droit commun de 5 ans en France).
Dans les faits – Arrêt de la Cour de Cassation du 17 mai 2017
Monsieur S. et Madame M. avaient réservé un vol La Havane-Paris auprès de la compagnie aérienne X. Leur vol initialement prévu le 11 août 2011, a finalement eu lieu le 12 août 2011 et a subi un retard de plus de 14h à l’arrivée. En octobre 2013, soit 2 ans et deux mois après le vol problématique, Monsieur S. a formé un recours devant la justice afin de réclamer l’indemnisation de 1200 euros à laquelle sa compagne et lui pouvaient prétendre à titre de réparation du dommage subi en raison du retard du vol litigieux.
À cet égard, la compagnie aérienne X a fait valoir que l’action était prescrite, le délai de deux ans pour introduire des actions en responsabilité à l’encontre des transporteurs aériens, prévu dans les conventions de Varsovie et de Montréal et auquel il est fait référence dans le Code des transports, ayant expiré. La juridiction de proximité d’Aulnay-Sous-Bois, dans son jugement en date du 12 novembre 2015, a déclaré irrecevable l’action des demandeurs, la prescription étant acquise. Monsieur S. a alors décidé de former un pourvoi.
Rappelons que la CJUE, à l’occasion de l’affaire Moré contre KLM le 22 novembre 2012, renvoyait non pas aux règles nationales applicables à l’action en responsabilité du transporteur aérien mais aux seules règles nationales « en matière de prescription d’action ». Elle affirmait que la spécificité du mécanisme d’indemnisation forfaitaire prévu par le Règlement européen n°261/2004 et son autonomie par rapport aux mécanismes prévus par les conventions de Montréal et Varsovie auxquelles renvoie le Code des transports, justifiait que l’action destinée à la mettre en œuvre soit soumise aux règles de prescription de droit commun. La Cour de Cassation s’était également prononcée en ce sens à l’occasion de l’arrêt Nelson du 23 octobre 2012.
En France en 2005, la Cour de Cassation avait déjà jugé, à propos des règles de compétence gouvernant l’application du règlement européen, qu’elles n’obéissaient pas aux mêmes règles que celles de l’action en responsabilité du transporteur aérien régie par la convention de Montréal. Par analogie, il était alors possible de soutenir que les règles qui s’appliquaient étaient celles de droit commun, voire même d’envisager de transposer cette solution à la question de la prescription.
La Cour, dans sa décision du 17 mai 2017, casse et annule le jugement de la juridiction de proximité d’Aulnay-sous-Bois au motif que le délai pour intenter des actions visant à obtenir le versement d’une indemnité pour un retard, un refus d’embarquement ou une annulation de vol, en vertu du droit de l’Union, est déterminé conformément aux règles de chaque État membre en « matière de prescription d’action ». En France, l’action en paiement de l’indemnité forfaitaire est donc soumise à la prescription quinquennale de droit commun prévue à l’article 2224 du code civil. Les passagers aériens disposent de 5 ans pour réclamer leur indemnité et assigner la compagnie en justice.
Cette décision est une très bonne nouvelle qui vient renforcer un peu plus les droits des particuliers et consommateurs en matière de droit aérien.
Flightright se félicite de cette position adoptée par la Cour de Cassation qui clarifie la jurisprudence antérieure et uniformise les droits français et européen, pour jouer en faveur des passagers aériens. « Grâce à l’extension du délai de prescription, de très nombreux passagers pourront continuer à faire valoir leurs droits auprès des compagnies aériennes et réclamer une indemnisation » confirme Philipp Kadelbach, cofondateur et directeur de Flightright.