« Cyniquement, nous avons intérêt à ce que le prince héritier saoudien gagne son pari »

Depuis plusieurs semaines, des prisonniers de luxe, tous saoudiens, sont détenus au sein de l’hôtel Ritz-Carlton de Riyad, la capitale de l’Arabie saoudite. Leur crime ? Ils ont déplu au nouveau prince héritier Mohammed Ben Salmane, mieux connu sous ses initiales « MBS ».

Âgé d’à peine 32 ans, le nouveau prince héritier saoudien a le soutien explicite du président américain Donald Trump pour nettoyer son pays de la corruption. C’est d’ailleurs ce prétexte – la corruption – que Mohammed Ben Salman a trouvé pour justifier cette mise à l’écart de membres influents de son pays.

Généralement, en Arabie saoudite, le pouvoir était horizontal et se partageait en bonne entente au sein des différentes branches familiales de la monarchie locale. Dans le genre « à toi, je te donne ceci et à toi, je te donne cela ». Le résultat recherché était évidemment d’éviter toute contestation interne envers le roi qui est au pouvoir.

Le partage de la rente pétrolière entre membres de la famille royale était une manière d’acheter l’adhésion au monarque en place. Mais le nouveau prince héritier a décidé que le pouvoir en Arabie saoudite ne serait plus horizontal, mais vertical. Et donc, depuis qu’il a été désigné prince héritier, Mohammed Ben Salman a concentré tous les pouvoirs entre ses mains, notamment en décapitant symboliquement une partie du monde politique de son pays.

Coup d’État ?

Le prince héritier clame qu’il ne s’agit pas là d’un coup d’État, et que depuis que son père est roi, soit depuis 2015, ce dernier et lui-même avaient mis sur pied une équipe pour identifier les plus grands corrompus de leur royaume. En 2017, le prince héritier s’est donc retrouvé en possession d’une liste de 200 personnes, au plus haut niveau de l’État, accusées de détournement de fonds. Il les a toutes mises au trou, un trou chic, puisqu’il s’agit de l’hôtel Ritz-Carlton.

Et depuis plusieurs jours maintenant, le prince héritier essaie de leur faire signer un papier dans lequel ils reconnaissent leurs malversations, avec une condition pour qu’ils retrouvent leur liberté: payer en cash ou céder la propriété du capital de leurs sociétés. Au total, le prince héritier espère récupérer par cette extorsion publique l’équivalent de 100 milliards de dollars.

« Nous avons cyniquement intérêt à ce que le prince héritier saoudien réussisse son pari, même si ses méthodes sont expéditives… »

Mais à côté de cette opération anticorruption au sommet, le prince héritier a également muselé le clergé local et a imposé plusieurs changements impossibles à imaginer il y a un an encore, comme la possibilité pour les femmes de conduire leur voiture ou d’assister à un spectacle musical en public.

Bref, en Arabie saoudite, le printemps arabe se fait en hiver et en plus, il ne se fait pas par la base, mais par le sommet, par la tête.

Et enfin, de notre point de vue occidental, notons que le prince héritier veut revenir à un islam moins rigoriste et il ne veut plus financer les mouvements intégristes comme par le passé. En matière de lutte antiterroriste, nous avons donc cyniquement intérêt à ce que ce jeune prince de 32 ans réussisse son pari, même si ses méthodes sont expéditives…

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