Nous continuons notre récit d’une croisière réalisée juste avant la crise sanitaire, pour rebondir sur la reprise le 7 août dernier – après deux années d’interruption forcée – de l’activité de CroisiEurope entre Siem Reap et Saïgon (et sens inverse). La compagnie alsacienne est la première à redémarrer la navigation sur cet emblématique fleuve asiatique.
En posant pied à terre dans les hameaux qui vivent le long du fleuve, c’est aussi l’occasion d’observer l’arbre national du Cambodge, le palmier à sucre, véritable arbre de vie. Ses racines interviennent dans la médecine traditionnelle, son tronc long et droit donne d’excellentes poutres pour fabriquer des pontons, ses feuilles tissées par les doigts agiles des femmes deviennent chapeaux, toitures de maison, nattes, parois. On se nourrit des fruits et la sève qui s’écoule des fleurs est récoltée dans une tige de bambou pour faire du vin de palme mais aussi un caramel sucré.
Ailleurs nous appareillons dans un village où des charrettes à bœufs nous emmènent en une longue file à la découverte d’une pagode qui date de 1913 et qui abrite de superbes fresques réalisées comme jadis avec des pigments naturels en respectant le design angkorien. Sous le régime des Khmers Rouges, les lieux ont servi à stocker du sel qui ont abîmé une partie des fresques, leur donnant finalement un aspect plus vétuste. La visite entre le temple principal qui sert à la prière, le logement rustique des quelques moines et le cimetière n’en est pas moins émouvante, elle permet de comprendre combien ces sites religieux assument de multiples fonctions en accueillant les plus démunis ou les réfugiés en cas de conflit, en abritant une école pour transmettre les connaissances et en offrant les premiers services de soins hospitaliers.
Phnom Penh, l’effervescente
A l’approche de la capitale cambodgienne, le paysage s’élargit, les villages se densifient, les maisons en dur s’alignent le long de nouvelles digues tracées au cordeau et creusées de canalisations pour irriguer les rizières qui s’étirent au-delà d’une route encombrée de motos pétaradantes.
Rien de tel qu’une balade en tuk-tuk, sorte de scooter tirant une carriole qui permet de jouir d’un spectacle à 360°, pour s’immerger dans une ambiance frénétique bien éloignée de l’indolence tranquille des rives du Tonlé Sap. Des vendeurs ambulants de produits en tout genre arpentent les rues au milieu du tourbillon des motos et des voitures. Dans cette circulation délirante, on se perd entre les artères qui traversent une ville où anciennes maisons traditionnelles délabrées et bâtiments souvent défraîchis de l’époque coloniale voisinent avec des tours modernes au design clinquant et de nouveaux chantiers de construction.
Une première visite au Musée National permet de décoder toute l’iconographie divine qui semble être la marque de tout ce qui a été sculpté depuis la période angkorienne jusqu’au décor du superbe palais Royal édifié en 1866. La pagode d’Argent qui doit son nom aux 5329 dalles d’argent de son sol est décorée sur ses murs extérieurs d’une fresque délicate racontant une des épopées fondatrices de la religion hindouiste.
Retour sur le régime des Khmers rouges.
Une visite incontournable est celle de l’ancienne prison S-21 du régime khmer rouge devenue aujourd’hui le Musée du génocide. Comme les tortionnaires tenaient des registres méticuleux, on peut se laisser happer par une interminable succession de portraits en noir et blanc, autant de regards hantés par la souffrance. Sur les 20000 personnes enfermées au S-21 il n’y aura que 7 survivants qui doivent entre autres leur survie à leur talent de peintre ou de sculpteur qui ont laissé de terribles témoignages sur les sévices encourus par les prisonniers.
Impossible de visiter ce pays sans se souvenir qu’il a connu en 1975 « l’année zéro », avec la mise en place d’une révolution totale imposée par le régime de Pol Pot et ses sbires. Près de cinq années d’une barbarie absolue qui conduira à la « disparition silencieuse » de près de la moitié de la population. Difficile pourtant de croire que Phnom Penh était une ville fantôme il y a près de 40 ans quand on observe le boom immobilier et le réaménagement des berges et des artères. On comprend surtout que la population brisée par tant de souffrances est trop heureuse de ne plus connaître de conflits. Quant à la jeunesse qui découvre le monde via internet, nul ne sait comment elle appréciera le régime actuel qui tient de la « démocrature » comme il en va sur d’autres terres.
Le passage de la frontière entre le Cambodge et le Vietnam est anodin avec un simple vis-à-vis entre le fortin jaune des policiers vietnamiens et la pagode rose du poste cambodgien. Un petit bateau à moteur surgit en vrombissant pour ramener le sac à dos diplomatique contenant tous les passeports des passagers et autres papiers de bord tamponnés par les administrations. La suite demain
Lire la première partie du reportage
Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux
PRATIQUE
Les plus beaux mais aussi rares bateaux qui offrent une croisière entre Siem Reap au Cambodge et le port de Hô-Chí-Minh-Ville au Vietnam appartiennent à CroisiEurope déjà connu pour être le leader de la croisière fluviale en Europe www.croisieurope.com . Nous avons voyagé avec le RV Indochine II, dernier né de la flotte de CroisiEurope sur le Mékong inauguré en septembre 2017. Ce qui permet à l’entreprise de multiplier par deux la fréquence des croisières sur le fleuve. Avec ses 31 cabines spacieuses de 18 m2, toutes avec un balcon privatif, réparties sur 2 ponts, ce petit paquebot dont la décoration s’inspire de l’époque coloniale tout en offrant le confort moderne (piscine, wifi, service de wellness) assure une navigation paisible qui entraîne les voyageurs dans une croisière de charme tout en multipliant des expériences inoubliables.