Pascal de Izaguirre, PDG de Corsair et Peter Oncken, Managing Director d’Intro Aviation, ont présenté les grandes lignes de leur projet pour l’avenir de Corsair. Et pour une fois au moins, rachat est synonyme de stabilité, croissance et développement !
Pas de plan social, pas de réduction de voilure, bien au contraire, de l’énergie, de la volonté et des moyens pour permettre à Corsair qui est quand même la 2ème compagnie aérienne française de garder son rang et de croître de manière rapide et régulière.
« Aujourd’hui est un grand jour pour Corsair, et aussi pour Intro » a déclaré Peter Oncken. Jusqu’à hier (mardi) Corsair était la propriété du Groupe TUI, pour qui ce n’était qu’un petit élément dont le groupe n’espérait pas grand-chose. Les lourdeurs administratives de TUI étaient autant de bâtons dans les roues de Corsair et empêchaient tout développement de taille.
Depuis six mois les négociations étaient en cours entre Corsair-TUI et Intro. Ce dernier a pris le temps de se faire connaitre et apprécié aussi bien par la direction que par les instances représentatives du personnel de Corsair.
On comprend mieux pourquoi, il y a peu, Pascal de Izaguirre a annoncé qu’il quittait son poste à la tête de TUI France pour se recentrer sur Corsair.
Intro qui depuis près de 40 ans s’est spécialisé dans le conseil et le redressement se sociétés du monde aérien, n’a jamais été un « dépeceur » de compagnies en difficulté, mais a toujours choisi des entreprises dont on pouvait percevoir le potentiel, pour les relancer.
Actuellement Intro va lancer une petite compagnie low-cost coréenne Aero-K, qui opérera à partir de Séoul et dont le premier vol est prévu pour décembre 2019.
Pour Peter Oncken, Corsair est une pépite pleine d’attraits avec en tout premier lieu une notoriété de marque excellente (+39 % de notoriété spontanée). Les autres bons points de Corsair sont une clientèle tous secteurs, business et loisirs, très fidèle avec plus de 420.000 voyageurs affiliés, un personnel efficace offrant un service de grande qualité et un très important potentiel de développement grâce aux nombreux slots que détient Corsair à l’aéroport d’Orly, gage d’un développement des fréquences actuelles et même de nouvelles lignes.
« La participation volontaire du personnel dans le développement d’une compagnie est une des bases du succès, a expliqué Peter Oncken.
C’est pourquoi dans le contrat signé avec TUI, Intro obtient 53 % des actions, TUI en gardant 27 % mais les 20 % restants deviennent la propriété du personnel, un montant plutôt exceptionnel qui sera détenu sous forme d’un trust avec un administrateur au conseil d’administration avec droit de vote.
Corsair sera la propriété d’une holding de droit irlandais qui possédera 100 % des actions Corsair. Le conseil d’administration aura 4 administrateurs seulement, un pour TUI, deux pour Intro et le dernier pour le personnel qui prendra donc part aux votes de toutes les grandes orientations de la compagnie.
Pour réussir, Intro insiste sur le facteur de cohésion sociale de tout le personnel, et s’est engagé à maintenir tous les avantages du personnel : pas de diminution de salaire, pas de réduction d’effectifs, pas de plan social et conservation de tous les accords sociaux, et cela pour une durée de deux ans. Et pas non plus de création de pseudo-filiales pour y affecter une partie du personnel.
Les clauses contractuelles de l’achat prévoient qu’Intro, tout comme TUI, garderont leurs actions pendant trois ans, et qu’au terme de cette période Intro pourra acquérir les actions de TUI à un prix déjà convenu et possède un droit de priorité sur l’achat de ces actions.
« Corsair est un investissement de moyen-long terme pour Intro » précise Peter Oncken.
Pascal de Izaguirre et Peter Oncken avec leurs équipes, ont préparé un vaste plan de rationalisation de la compagnie tout en maintenant la qualité de service, fer de lance selon eux de la conquête du marché des voyageurs à hauts revenus.
Le premier point concerne les avions. Corsair va devenir une mono-flotte avec seulement des Airbus. Corsair en a déjà 4 en service et vendredi dernier Corsair a signé un contrat pour recevoir trois Airbus A330 neo (un en septembre 2020 et les deux autres début 2020). Ils seront suivis de trois autres avant fin 2023. Et pour finir trois autres arriveront avant fin 2025.
Dans le même temps Corsair se séparera aussi vite que possible de ses 3 Boeing 747 : l’arrivée de 2 Airbus coïncidera avec l’arrêt d’un 747. Au final en 2025 Corsair disposera d’une flotte de 13 Airbus.
Cela permettra de gros gains de productivité, une grande souplesse de programmation des vols, de la facilité de réaction en cas d’immobilisation technique d’un appareil et aussi une grande facilité d’ouverture de nouvelles lignes.
Tous ces appareils auront une nouvelle atmosphère, « une nouvelle harmonie » dixit Pascal de Izaguirre, et disposeront de tout nouveaux sièges. La classe Business passera de 12 sièges actuellement à 20 sièges. La classe Premium Eco qui aujourd’hui représente 12 sièges sur les Airbus et 18 sur les 747, disposera de 21 sièges.
Questionné sur la santé financière de Corsair, Pascal de Izaguirre a rappelé que pour les années 2015-2016 et 2016-2017 Corsair avait été bien rentable, et que le déficit de l’année 2017-2018 était dû principalement à l’immobilisation d’un des 747 (à la suite d’un choc) en pleine haute saison, à un moment où il est impossible de trouver un appareil de remplacement, un incident à plus de 6 millions d’euros…
Cette année 2018-2019 devrait encore être déficitaire, cette fois à cause de l’annulation par les autorités sénégalaises, et quasiment sans préavis, des droits de vol de Corsair sur la route Paris-Dakar pour en faire bénéficier la nouvelle compagnie Air Sénégal.
Mais insiste Pascal de Izaguirre, Corsair est une compagnie particulièrement saine avec une trésorerie florissante. Corsair a fait voyager l’année dernière pas moins de 1.200.000 passagers et transporté 17.000 tonnes de fret pour un chiffre d’affaire de 470 millions d’euros.
De plus avant la vente, TUI a recapitalisé Corsair pour un montant de 35 millions d’euros. Corsair est aussi devenu propriétaire de ses 747 et de leurs moteurs, ce qui représente un joli capital sur le marché de la revente de ces appareils.
Intro et Corsair prévoient un retour à un bilan positif dès 2020, des projets permis par l’augmentation du nombre d’appareils. La Réunion et les Antilles, bases du succès de Corsair seront non seulement totalement maintenues, mais elles verront leurs fréquences de vols augmentées.
Comme prévu dès le 10 juin prochain, Corsair va desservir Miami, mais grande nouveauté qui n’est même pas en machine, la route Paris-Montréal va devenir permanente avec 4 vols par semaine toute l’année, avec comme objectif de passer à un vol quotidien.
Pour 2022, Corsair regarde vers de nouvelles destinations qui seront dévoilées au fur et à mesure de l’arrivée des nouveaux Airbus A330 Neo, et à terme Peter Oncken nous confie qu’il ne s’interdit pas de s’intéresser à des slots sur CDG.
Devant tant d’éléments positifs on comprend pourquoi le Comité d’Entreprise de Corsair a validé à l’unanimité la proposition d’achat d’Intro, une unanimité rarissime selon les observateurs, en France.
Frédéric de Poligny