La manière dont nous consommons la télévision a énormément changé ces dernières années. J’en veux pour preuve l’arrivée de Netflix et des autres plateformes de streaming vidéo par abonnement.
Sur ce genre de plateformes, comme vous le savez, les séries sont reines, mais là aussi, leur mode de consommation a changé. Auparavant, une série pouvait durer 15 ou 21 saisons, alors qu’aujourd’hui, la durée moyenne d’une série à succès sur Netflix est souvent de deux saisons maximum. La raison est purement économique. Selon Le Monde, « il serait plus facile de captiver les nouveaux abonnés avec des séries plus courtes, ramassées en deux ou trois saisons, plutôt que de les décourager avec des dizaines d’épisodes à rattraper ».
Cette durée raccourcie sert également à mieux fidéliser les nouveaux abonnés. Une fois encore, la raison est purement économique : Netflix a constaté que certains nouveaux abonnés restaient juste le temps de consommer quelques séries et puis se désabonnaient. C’est la raison pour laquelle, Netflix met en ligne, quasiment chaque semaine, des contenus inédits, uniquement pour fidéliser ses abonnés. Et visiblement, cela fonctionne !
Mais il ne faut pas non plus se leurrer, au-delà des 3 saisons, les coûts d’achat de ces séries sont plus élevés… Nous sommes donc entrés dans une période qui donne une prime énorme au renouvellement. Et ce n’est pas un hasard, nous sommes en tant que téléspectateurs sollicités de toutes part, et à chaque instant, et donc nous nous lassons plus vite ou nous sommes plus vite distraits.
Mais ce n’est pas tout, auparavant les séries cultes se regardaient en famille, car les rendez-vous étaient ritualisés : tel jour, c’était telle série à telle heure, et tel autre jour, telle autre série. Aujourd’hui, c’est fini, les plateformes proposent tous les épisodes d’une saison d’un seul coup. Les spécialistes appellent la « délinéarisation » et comme le faisait remarquer Paul Vacca, chroniqueur chez Trends-Tendances, cela a un impact social.
En effet, si regarder Netflix est en principe une activité sociale partagée par plus de 100 millions de personnes dans le monde, en réalité comme l’écrit Paul Vacca, « chacun regarde SON Netflix. De la même manière que plus de 2 milliards d’êtres humains se retrouvent simultanément sur Facebook, mais chacun dans SON Facebook paramétré ». Autrement dit, les anciennes séries à dates fixes recherchaient la communion, alors que Netflix propose une communion atomisée, c’est-à-dire qu’on est ensemble isolément.
Pour Paul Vacca, un opérateur comme « Netflix et la délinéarisation de la télévision jouent, dans le domaine culturel, le même rôle que le réfrigérateur a pu jouer dans les familles américaines : devenir le lieu où l’on va se servir ce que l’on veut à manger, à l’heure que l’on veut au lieu de passer à table ensemble ». Bref, pour communier ensemble, il ne reste plus que le sport ou le cinéma.