Ils font semblant de croire que le milliardaire new-yorkais a surtout bénéficié de la complicité des réseaux sociaux et de Facebook en particulier, mais en réalité, la complicité vient d’abord des médias traditionnels…
Les grands perdants de l’investiture de Donald Trump, vendredi dernier, sont et restent les médias américains. Tous ou presque avaient anticipé la victoire d’Hillary Clinton. Et il faut l’avouer, l’écrasante majorité des médias américains – pour ne pas dire occidentaux – espérait secrètement la victoire de la candidate démocrate. Mais maintenant que Donald Trump est à la Maison-Blanche, il faudra bien se faire à l’idée que s’il est là, c’est aussi en partie grâce à ces médias qui le détestent.
Les médias classiques font semblant de croire que le milliardaire new-yorkais a surtout bénéficié de la complicité des réseaux sociaux et de Facebook en particulier. En réalité, la complicité vient d’abord des médias traditionnels. Donald Trump est ce qu’on appelle dans le jargon des journalistes un « bon client », c’est-à-dire qu’il dit des choses énormes, qu’il a des attitudes choquantes, qu’il tient des propos clivants et qu’il a des petites phrases assassines.
Bref, c’est un bon client, car il génère de l’audience en télévision et du trafic sur les sites Internet. Si l’on regarde sur un graphe s’étalant de juillet 2015 à septembre 2016 le nombre d’articles produits sur les deux anciens candidats à la présidence américaine dans les grands journaux américains dits sérieux, on voit très clairement que les articles, même s’ils sont négatifs, sont plus nombreux à évoquer Trump. Ce qui signifie que la vérité ne compte pas, ce qui compte c’est le bruit médiatique fait par cet ex-candidat.
« Trump a bénéficié de 190 fois plus d’espace rédactionnel gratuit que d’articles payants »
Le New York Times a aussi démontré que Trump a bénéficié de 190 fois plus d’espace rédactionnel gratuit que d’articles payants. De plus, ce qui a facilité son ascension, c’est également l’obsession des médias traditionnels pour l’immédiateté, la course aux clics, la peur d’être dépassé par la concurrence. Entre une déclaration à l’emporte-pièce sur les Mexicains ou les musulmans et un article de fond sur les contradictions de son programme économique, devinez quel article fera le plus de clics ?
Poser la question, c’est y répondre. La nouvelle philosophie au sein des médias américains, et ne nous leurrons pas en Europe aussi, c’est « mieux vaut publier quelque chose d’approximatif, voire d’erroné que d’être à la traîne », ce qui va à l’encontre de ce qui était la base même du vrai journalisme, à savoir « mieux vaut être le deuxième sur une information que le premier à démentir ».
Auparavant, les articles de fond des grands quotidiens étaient en quelque sorte subsidiés par les articles plus populaires comme ceux sur le foot par exemple. Aujourd’hui, sur Internet, chaque article doit vivre sa vie tout seul, sans béquilles, et s’il n’attire pas l’œil des internautes, sa durée de vie sur le site est réduite au temps d’un clin d’œil, il est viré, comme les candidats malheureux du jeu de téléréalité qu’animait un certain Donald Trump avant d’être président !
Donc, oui, Facebook a sans doute joué un rôle dans la propagation des idées de Donald Trump, mais cela ne doit pas exonérer les médias traditionnels d’assumer également leur responsabilité.