Comment Disney et Fox se sont alliés pour tuer… Netflix

Le rachat des principaux actifs de la 21st Century Fox par Disney vise en réalité à… tuer Netflix, rien que cela.C’est l’objectif principal de ce rachat hyper médiatisé en cette fin d’année 2017.

D’ailleurs, la chaîne de télévision américaine CNN ne s’y est pas trompée en parlant de séisme planétaire pour le monde des médias. Le séisme n’est pas seulement financier, même si le montant du rachat de Fox par Disney (52 milliards de dollars payés en actions) n’est pas triste. Mais c’est d’abord un séisme parce que des géants comme Disney et Fox ont compris que face aux menaces des géants du numérique (Google, Facebook, Amazon, Apple), même eux ne pèsent pas lourd. La preuve?

J’étais à Londres la semaine dernière et un analyste me confiait qu’au cours d’une seule journée (semaine du 11/12 au 15/12), un tiers de l’activité d’Internet en Grande-Bretagne était le fait de trois acteurs seulement: Netflix, YouTube et Amazon.

Prenons l’exemple de Netflix. Au départ, c’était un simple loueur de DVD à distance, et aujourd’hui, il est actif dans la vidéo en streaming avec plus de 110 millions d’abonnés, dont plus de 50% hors des États-Unis. Des abonnés qu’il chouchoute en ne se contentant pas seulement de diffuser des films et des séries produites par d’autres (Disney et Fox notamment), mais aussi en créant ses propres séries à succès. Netflix va d’ailleurs consacrer 8 milliards de dollars à sa production maison.

Résultat des courses: Disney, qui vit surtout des revenus de ses chaines câblées, s’est rendu compte que Netflix n’était plus une simple plateforme de distribution pour ses dessins animés ou ses films de super-héros, mais était devenu un concurrent.

Bref, les clients que Disney perdait sur ses chaines câblées allaient bien souvent enrichir son client Netflix. Qu’a fait Bob Iger, le patron de Disney? Il a annoncé l’été dernier qu’à partir de 2019, Netflix n’aurait plus accès à son catalogue de films. Adieu, Mickey, Donald, Pirates des Caraïbes et autres Hulk ou Spider Man!

« Le rachat de la Fox par Disney a pour but de constituer le plus grand catalogue au monde en s’en gardant l’exclusivité. »

Aujourd’hui, en rachetant la Fox, c’est-à-dire l’un des plus grands studios de cinéma au monde, Disney enlève une nouvelle source de contenu à Netflix. Adieu les Simpsons, les X-Men et autres Avatar. En fait, grâce au rachat de la Fox, Disney sera plus fort sur le segment de la télévision et aura aussi davantage de contenu à offrir sur sa future plateforme de vidéo en streaming. Car, c’est l’autre pan de cette stratégie, Disney veut aussi aller sur les plates-bandes de Netflix pour le concurrencer en direct dans le business juteux de la vidéo en streaming. La fusion Disney-Fox a donc beaucoup de sens, car ces deux géants du divertissement possèdent… 19% des programmes télé les plus populaires sur Netflix aux États-Unis! Le rachat de la Fox a donc pour but de constituer le plus grand catalogue de contenu audiovisuel au monde et de couper l’herbe sous les pieds de ces géants du numérique en s’en gardant l’exclusivité.

Bien entendu, Fox et Disney ne sont pas les seuls à vouloir se marier pour ces raisons-là. Fin de cette année encore, l’opérateur télécom AT&T, le deuxième aux États-Unis, a aussi voulu faire couple avec le géant des médias Time Warner dans le cadre de la même stratégie anti GAFA. Sauf que l’autorité de la concurrence a bloqué pour le moment ce mariage. La raison? Il est supposé être contraire aux intérêts des consommateurs. Est-ce à dire que Disney et Fox auront aussi peu de chance? Difficile à dire.

D’autant que Donald Trump est un ami personnel de Rupert Murdoch, le fondateur de Fox. Mais en réalité, les experts se demandent si ce n’est pas une erreur de la part de cette autorité de la concurrence d’avoir bloqué cette fusion entre AT&T et Time Warner. Parce que si elle ne laisse pas les médias traditionnels fusionner entre eux pour disposer d’une taille critique, le consommateur se retrouvera démuni demain face aux géants d’Internet et qui -eux- maîtriseront 100% du marché du divertissement par diffusion numérique.

Autrement dit, l’autorité de la concurrence risque en voulant protéger le consommateur d’aujourd’hui de peut-être l’asservir demain! Mais une chose est certaine: demain, le divertissement numérique en Europe sera quasi 100% « Made in America ». L’Europe, une fois de plus est spectatrice d’un mouvement qui la dépasse. Hélas.

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