Comment des taxes sur un simple ticket de métro ou des appels WhatsApp peuvent mettre en colère tout un peuple

Au Liban, une taxe de 20 centimes sur les appels WhatsApp a fait sortir le peuple dans les rues… Au Chili, c’est une taxe de 3 centimes sur les tickets de métro qui met à feu et à sang la capitale… Deux déclencheurs qui ne sont en réalité que des gouttes d’eau mais qui ont fait déborder le vase de la colère.

Mon métier de base consiste à observer et analyser les faits économiques mais je dois avouer que, bien que disposant de quelques années d’expérience, je n’arrête pas de m’étonner… Ce qui m’a surpris ces jours-ci, c’est le décalage qu’il peut y avoir entre une décision qui semble anodine pour nous, ici en Belgique ou en Europe, et l’impact immense que cette même décision anodine provoque dans d’autres pays moins bien lotis que nous.

Imaginez-vous que les Belges sortent en masse dans la rue pour défiler contre une hausse du prix du ticket de métro ou une taxe sur les appels qu’ils font avec WhatsApp ? Chez nous, c’est très peu probable, mais au Chili et au Liban, c’est pourtant ce qui s’est passé ces derniers jours.

Au Chili, le chef du gouvernement a été débordé par les manifestations au point qu’il a indiqué que son pays était… en guerre, et qu’il a décrété le couvre-feu dans la capitale. Le déclencheur de la très très mauvaise humeur des Chiliens, c’est la hausse de 30 pesos, ou 3 centimes d’euros, du ticket de métro. Vu comme cela, cela peut sembler dingue, mais pas dans un pays où le salaire médian équivaut à 498 €.

Selon certaines études, le coût du transport au Chili peut représenter 30% des dépenses d’une famille défavorisée. C’est donc énorme ! Bien entendu, cette hausse du ticket de métro n’est qu’une goutte d’eau qui a fait déborder le vase des inégalités au Chili. C’est exactement comme l’immolation de ce marchand de légumes en Tunisie, c’est juste l’acte de trop, celui qui a révolté les foules et a provoqué le fameux printemps arabe.

Au Liban, c’est exactement le même scénario

Le gouvernement décide d’augmenter la taxe sur les appels WhatsApp et Viber, et hop, tous les libanais, chrétiens et musulmans défilent dans la rue. A cause de cette taxe WhatsApp, bien entendu, car WhatsApp est en principe gratuit et n’oubliez pas que les Libanais ont tous de la famille à l’étranger, ce n’est donc pas anodin. Bien entendu, ici non plus ce n’est pas cette seule raison qui les fait défiler en rue…

Les Libanais ont en marre de voir leur eau potable et leur électricité ne fonctionner que quelques heures par jour, ils en ont marre de voir que leur Etat n’arrive pas éteindre des incendies de forêt dans les délais normaux. Et surtout, ils en ont marre de voir que le pays compte autant de chômeurs, au point que les jeunes cumulent parfois 3 jobs pour s’en sortir. Donc, oui, cette taxe de 20 centimes sur les appels WhatsApp, même si elle a été annulée, c’est aussi la goutte d’eau qui fait déborder le vase…

Au Liban, comme l’État est très faible, il n’arrive pas à lever l’impôt, et donc dans ce magnifique pays, tout repose sur les taxes à la consommation, ce qui aggrave encore plus les inégalités, car les taxes à la consommation touchent tout le monde. Comme l’écrit l’économiste Jacques Santi, un amoureux de ce pays, l’État libanais a réussi l’exploit de faire de la redistribution à l’envers, c’est-à-dire, à prendre aux pauvres pour donner aux riches…

Voilà comme des taxes sur un simple ticket de métro et des appels WhatsApp peuvent mettre en colère des peuples situés à des milliers de kilomètres l’un de l’autre. Pour les malheureux habitants de ces pays, c’est hélas un drame car l’élite politique au pouvoir est déconnectée des réalités ou clairement corrompue. Et c’est à ce moment, que je me redis le bonheur et la chance que nous avons de vivre en Belgique, même sans gouvernement fédéral.

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