Castres, place Jean Jaurès. Des deux côtés, des brasseries avec leurs terrasses, des rangées de magnolias au milieu desquelles des gosses taquinent le ballon et au bout une statue qui rend hommage à Jean Jaurès, le Tarnais le plus célèbre. En effet, rares sont les villes françaises qui ne possèdent pas leur rue ou leur place Jean Jaurès.
Les études
Jaurès est donc né à Castres le 3 septembre 1859, au numéro 5 de la rue Réclusane, aujourd’hui rue Sœur Richard. Onze mois plus tard, avec la naissance de Louis, la famille s’agrandit. Jean et Louis ont une enfance et une adolescence de quasi jumeaux. Ils parcourent les mêmes rues, les mêmes chemins, voient les mêmes paysages. Le gros et le roux, comme ils s’appellent affectueusement tous les deux, sont très attachés à « Mérotte », leur mère qu’ils surnomment affectueusement ainsi.
En 1864, ils entrent comme demi-pensionnaires à la petite pension Ségal, école privée de Castres qui enseigne le latin et le français. De la ferme à cette école et à partir de 1869 au collège, ils cheminent matinalement trois kilomètres en appréciant les charmes de la nature et de même au retour vespéral.
Le palmarès de leur année terminale comporte le premier prix de mathématiques pour Louis et le premier prix de philosophie pour Jean. Les deux frères doivent pour une part leur éducation à l’affection, à la sollicitude, à l’aide pécuniaire et à la culture de leur oncle maternel Louis Barbaza.
En 1876, Louis entre à l’école navale à Brest. C’est à cette époque que les deux frères quittent définitivement Castres. Ils y reviendront au moins pour les funérailles des parents et de l’oncle Alphonse .
L’amiral Louis Jaurès
S’il est inutile de raconter le parcours du tribun: professeur à Albi, député, professeur à Toulouse, député encore et lâchement assassiné à la veille de la première guerre mondiale, enterré à Albi avant d’être transféré au Panthéon, bref le Tarnais le plus célèbre.
En effet, rares sont les villes françaises qui ne possèdent pas leur rue ou leur place Jean Jaurès. Par contre, pas une petite ruelle, pas une petite mention à Castres pour Louis au parcours tout aussi brillant dans un autre registre.
Excusez du peu!
En mai 1982, Louis Jaurès embarque pour une campagne de quarante et un mois dans l’Océan Indien . Dix ans plus tard, il prend le commandement à Toulon du sous-marin expérimental ‘Gymnote’ et dirige les premiers essais de navigation en plongée. Lors d’un essai, le petit submersible pique du nez et s’immobilise dans le sable. Aucun appareil ne parvient à lui faire reprendre l’horizontale.
Les sept marins, dont Jaurès, sont menacés de mort. Ce dernier ordonne de se regrouper à l’autre bout du sous-marin et de sauter à pieds joints jusqu’au moment où ces secousses rythmées le désensablent.
Par sa maîtrise et son sang froid, il réussit à sauver la vie de l’équipage et le bâtiment. Sa hardiesse lui vaut en 1893, le commandement du torpilleur 126 avec lequel il s’acquitte pour la défense mobile de la Corse, d’une mission spéciale et confidentielle.
Mérotte
Durant ce temps, Mérotte s’est installée à Paris chez son fils Jean où elle ne fait pas bon ménage avec sa bru. Louis prend son courage à deux mains pour ouvrir les yeux de son frère sur cette situation. En 1903, le commandant Jaurès parvient à libérer cinq marins retenus par des Maures.
Dans le monde entier, on salue l’exploit du commandant Jaurès. Qu’importe Louis a une admiration sans bornes pour son frère: «Je suis certain que vingt années de ma carrière ne valent pas la millième partie de l’action, qu’en une seule législative Jean peut accomplir pour la démocratie et l’humanité.»
Le député Jaurès
Si Louis fut toujours habitué aux vexations dues à l’engagement politique de son frère, il plongea , à son assassinat, en grande dépression. Ce qui n’empêchera pas l’amiral Jaurès de se présenter après la guerre mondiale aux élections législatives et de devenir député du Tarn. Il mourut de vieillesse à Paris le 30 octobre 1937.
Contrairement à Jean, il est revenu à Castres où il est inhumé avec « Mérotte », dans l’indifférence. Drôle de destin pour deux grands hommes possédant les mêmes valeurs humanistes, de fraternité, de solidarité avec beaucoup d’humilité.
Castres , place Jean Jaurès, des deux côtés des brasseries avec leurs terrasses, deux rangées de magnolias, au milieu desquelles des gosses taquinent le ballon et au bout une statue qui attend toujours que justice soit rendue à son frère.