Le plus célèbre économiste au monde Lord Keynes avait coutume de dire que tous les hommes politiques sans exception étaient sans le savoir sous l’influence d’un économiste mort. Il y a bien longtemps, au-delà de la boutade, il ne croyait pas si bien dire.
Aujourd’hui, si on devait poser la question de savoir quel est le point commun entre Steve Jobs, Ronald Reagan, Alan Greenspan, l’ancien patron de la banque centrale américaine ou Donald Trump, il faudrait bien répondre Ayn Rand.
Inconnue de ce côté-ci de l’Atlantique, Ayn Rand est un écrivain dont l’ouvrage majeur « Atlas », traduit sous le titre « La Grève » en français, a été classé par le Congrès aux Etats-Unis comme le deuxième ouvrage qui influence le plus les Américains derrière la Bible.
Ayn Rand, comme le rappellent mes confrères des Echos est une romancière américaine qui a elle seule incarne la mythologie américaine. En effet, elle est née en Russie à Saint-Pétersbourg, sous le nom d’Alisa Rosenbaum. Après la révolution d’octobre, l’appartement de ses parents a été confisqué par les gardes rouges. Un épisode dans sa vie qui signe le début de sa haine du communisme et du collectivisme.
Réfugiée avec ses parents aux États-Unis, elle consacra sa vie à expliquer via ses romans que le collectif est une monstruosité, que la société est par essence prédatrice. Toute sa vie, et notamment à travers son œuvre, elle n’aura de cesse de magnifier l’individualisme, et notamment à ne jurer que par la figure de l’entrepreneur, qu’elle dépeint dans son livre majeur comme un héros, seul créateur de richesse, et qui ose aller seul contre tous, à l’assaut de tous les obstacles inimaginables. Son livre plus subtil que le résumé que je viens d’en faire a influencé des tonnes de personnes célèbres.
« La romancière américaine Ayn Rand incarne à elle seule la mythologie américaine »
Même Hillary Clinton a avoué qu’à une époque elle ne lisait que les ouvrages de cette prêtresse de la liberté. Quant au fondateur de Wikipedia, il a avoué que la pensée de Ayn Rand colore et nourrit sa vie quotidienne. Son livre a été traduit en 20 langues sauf en français où il a fallu attendre le printemps dernier pour le trouver en Collection de Poche.
Il faut dire que les idées de Mme Ayn Rand ne plaisent généralement pas à tout le monde. Selon elle, l’homme ne doit vivre que par et pour lui-même. Il doit poursuivre son intérêt et chercher son propre bonheur, sans sacrifier sa vie aux autres, et sans apparaître non plus comme un prédateur.
Pour elle, comme l’écrivent Les Echos, l’individualiste est celui qui dit « je ne contrôlerai la vie de personne et je ne laisserai personne contrôler la mienne ». Le souci avec Ayan Rand, c’est qu’elle manquait de recul avec ses propres convictions, qu’elle avait une haute opinion d’elle-même. Juste un exemple : lorsque son éditeur trouva son livre majeur trop épais – environ 1.000 pages – elle lui répondit « couperiez-vous la Bible ? ».
Justement, si je vous en parle aujourd’hui, c’est parce que lire son livre, sa « Bible », permet de comprendre l’Amérique d’aujourd’hui, permet d’un peu comprendre ce qui se passe dans la tête de Trump et surtout de l’élite républicaine des Etats-Unis, sans oublier l’élite des affaires et notamment des grands patrons de la Silicon Valley.
Bien entendu, il y a aussi de la récupération non volontaire, car si, par exemple, Ayn Rand s’affirmait comme une farouche athée, elle a été récupérée aujourd’hui par le Tea Party, soit l’aile la plus religieuse de la droite américaine. Le plus ironique dans cette histoire d’une femme hors norme – qu’on aime ou pas ses idées – c’est qu’elle est morte en 1982 seule et dans l’anonymat le plus complet et qu’aujourd’hui aux Etats-Unis, elle a une vie posthume dans les universités et les lycées américains. Voilà pourquoi je vous ai parlé de l’inconnue la plus influente au monde.