Le Daily Telegraph s’en étonnait en fin d’année dernière dans un article : l’agence de voyage traditionnelle ferait son grand retour au Royaume-Uni. Et le grand quotidien britannique de citer en exemple des ouvertures récentes sous enseignes Hays Travel et Flight Centre. Une tendance durable ? Qui concerne surtout le marché UK ou également d’autres à l’étranger ? L’agence belverapartners.com spécialisée dans la communication des travel-tech a sollicité plusieurs de ses clients sur cette “renaissance des agences de voyages”, afin de savoir pourquoi elles seraient de nouveau en odeur de sainteté.
Premier élément de réponse : Si les agences de voyage sont de retour, du moins au Royaume-Uni, c’est peut-être parce que les voyageurs sont submergés par la quantité d’informations (parfois fausses) disponibles sur internet, et souhaitent être guidés par un expert.
« La réservation de voyages est devenue de plus en plus complexe, constate Eugene Ko, directeur du marketing chez Phocuswright. Il existe une quantité colossale d’informations et d’inspiration en ligne, provenant d’innombrables sources différentes. Bien que la plupart des gens apprécient la recherche et le choix lorsqu’ils réservent un voyage, le recours à un agent de voyage peut éliminer la nécessité d’une recherche approfondie en ligne. L’agent peut alors s’occuper de tous les détails et de toutes les réservations au nom du client. Cette commodité permet d’économiser du temps et des efforts, en particulier pour les itinéraires complexes ou les voyages de groupe”.
Ce recours accru aux AGV serait aussi lié à la technologie aujourd’hui à leur disposition selon Gareth Matthews, directeur du marketing chez Didatravel, fournisseur mondial de services de voyage : « L’époque où les agents de voyage réservaient des vols et des hôtels sur un écran vert est révolue. Les sociétés de distribution et les intermédiaires ont depuis longtemps évolué pour offrir une technologie de vente au détail bien plus avancée, donnant aux agents la possibilité de trouver des offres hautement personnalisées pour leurs clients. Les voyageurs commencent à s’en rendre compte, concients des nouveaux avantages de la réservation de voyages dans un magasin physique« .
L’intelligence artificielle et l’automatisation offrent aussi des opportunités, bien qu’elles soient souvent présentées comme une menace pour les agents de voyage : « Elles leur permet d’avoir de meilleures informations à portée de main, et ainsi de consacrer plus de temps à offrir un service plus personnalisé. »
Les voyageurs peuvent également penser qu’un agent de voyage a accès à des offres et des prix spéciaux. Evren Oktay, fondateur et directeur de l’exploitation de pax2night – une plateforme de réservation d’hébergement B2B dédiée principalement à l’offre de propriétés hôtelières turques, faisant partie de Yuppi Travel – explique que « les agents de voyage ont souvent accès à des offres exclusives qui ne sont pas forcément disponibles en ligne. Et cela ne devrait pas changer de si tôt. Ils ont établi des relations avec les fournisseurs de voyages et peuvent négocier de meilleurs prix ou des avantages pour leurs clients ».
Les fournisseurs doivent aussi intégrer le fait que les réservations directes peuvent certes rapporter un bénéfice plus élevé par réservation, mais que les relations qu’entretiennent les agents avec leurs clients – et la visibilité de leurs boutiques bien souvent dans les centre-villes et les grandes surfaces – se traduiront probablement à l’arrivée par un plus grand nombre de ventes.
Il semble y avoir un consensus sur le fait que la qualité de l’offre des agences de voyage a augmenté ces dernières années, « notamment parce qu’elles peuvent désormais proposer des extras pour l’expérience sur place« , souligne Craig Everett, fondateur et PDG de Holibob, fournisseur de technologies d’expérience pour les compagnies aériennes et les agences de voyages en ligne (OTA).
« Les agents ont beaucoup amélioré leur offre pour rester compétitifs. Et l’une des stratégies les plus efficaces a été de commencer à faire de la vente croisée ou d’inclure dans les forfaits tous les petits extras de la destination, comme les activités, les visites et les billets d’entrée dans les parcs à thème. Mais il ne suffit pas de proposer cela, il faut aussi disposer d’un système de réservation intuitif et intégré que les agents peuvent facilement utiliser, ainsi que d’une technologie d’après-vente automatisée”.
Sami Doyle de TMU Management, un intermédiaire d’assurance axé sur les données et spécialisé dans les voyages, affirme qu’il s’agit également d’une question de confiance. « Les deux années de chaos déclenché par le Covid sur les projets de voyage ont quelque peu réveillé tous ceux qui avaient réservé directement ou même par l’intermédiaire d’une agence de voyage en ligne – découvrant soudainement l’absence de service clientèle, la difficulté (voir l’impossibilité) d’annuler et de se faire rembourser. Et dans les cas les faillites ne tout simplement pas pouvoir obtenir ce pourquoi l’on a payé« .
En revanche, le facteur de confiance est clairement plus élevé quand l’on traite avec une personne, même à distance. Cela s’explique aussi en partie par la perception de sécurité, par le fait que vous avez quelqu’un auprès de qui se plaindre ou demander un remboursement, y compris au téléphone. De plus, la confiance est aussi la première condition de la fidélisation, laquelle passe par l’après-voyage et le retour d’expérience. On évoquera aussi la garantie financière comme facteur de réassurance. Mais si l’on est une agence ou groupement d’AGV, il est clairement recommandé de veiller au bon fonctionnement des assurance voyage et protections adéquates en cas de problème à gérer : ne pas le faire peut clairement nuire à sa réputation.
Pour ce qui est de l’aspect opérationnel, Koert Grasveld, de la société internationale de paiement de voyages B2B Terrapay, souligne que les petites agences, voire les entreprises individuelles, disposent désormais d’une meilleure technologie de paiement et de meilleurs services de back-office. « Non seulement l’agence doit recevoir les paiements du consommateur, mais elle doit aussi régler les fournisseurs, peut-être plusieurs d’entre eux pour une seule réservation, par le biais d’un paiement interentreprises. La technologie qui n’était accessible qu’aux plus grands acteurs, par exemple les cartes de crédit virtuelles, est désormais à la portée des agents indépendants travaillant à domicile. Les règles du jeu sont donc beaucoup plus équitables, leur permettant d’être aussi compétitifs en termes de prix qu’un agent en ligne« .
Au-delà des frontières du Royaume-Uni, Juan Socas de PriceTravel, l’un des plus grands vendeurs de voyages B2B et B2C d’Amérique latine, souligne que sur ce dernier continent l’agent de voyage n’a jamais été démodé, estimant que 75 % des voyages sont encore vendus en face à face ou par téléphone. « Ne faites pas l’erreur de penser que l’Amérique latine n’a pas de classe moyenne importante et que tous les voyages vendus sont des voyages locaux bon marché, c’est loin d’être vrai. La demande de voyages internationaux vers les États-Unis et même vers l’Europe est énorme et ces voyageurs veulent souvent être rassurés par le fait qu’un agent de voyage personnel s’occupe de tout », poursuit Juan Socas. « D’après notre expérience, il existe de nombreux autres exemples d’une telle demande à travers le monde, certainement en dehors des 10 plus grandes économies”.
Janis Dzenis, du site de comparaison de prix WayAway, note pour sa part qu’il existe une offre alternative pour ceux qui veulent trouver en ligne le meilleur rapport qualité/prix. « Il n’est pas nécessaire de se limiter aux trois grandes agences de voyages en ligne ou au détaillant traditionnel, il existe quelque chose entre les deux. De nombreux vendeurs en ligne ont été créés spécifiquement pour certains créneaux et se concentrent sur une population ou une zone géographique particulière. En effet, nombre d’entre eux sont aujourd’hui un hybride entre l’online et le offline, ce qui signifie que vous pouvez naviguer en ligne et vous rendre dans le magasin pour réserver, ou vice versa. Dans une certaine mesure, la frontière est aujourd’hui floue entre le commerce en ligne et le commerce hors ligne ».