Quand les vols internationaux retrouveront la piste de Siem Reap, quand les conditions d’entrée au Cambodge se seront adoucies ou mieux encore quand le Mékong accueillera à nouveau les bateaux de croisière, il faudra consacrer quelques jours à la découverte d’Angkor qui a retrouvé sa part de sacré et de mystère depuis que la Covid a entraîné la fermeture des frontières.
Inscrit au Patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1992, le site archéologique d’Angkor est un immense complexe de temples éparpillés sur quelques dizaines de kilomètres carrés dont certains sont encore plongés dans la jungle tropicale.
Depuis son inscription, le site est devenu un pionnier mondial en matière de conservation innovante du patrimoine et attirait jusqu’à l’apparition de la pandémie du coronavirus des millions de visiteurs qui dénaturaient quelque peu les lieux mais faisaient vivre une importante population locale qui a encore vécu sous le joug des Khmers Rouges et des guérillas jusqu’à l’aube du 21ème siècle.
Entre le IXème et le XIVème siècle, les royaumes éparpillés d’Asie du Sud-Est fusionnèrent sous l’impulsion de souverains puissants qui, considérés comme des dieux, vont ériger des réalisations plus monumentales les unes que les autres et c’est ainsi que Angkor, le plus grand édifice religieux du monde asiatique, deviendra la capitale de l’empire khmer qui s’étendait jadis de la Birmanie au Vietnam.
Une cité hydraulique
La magie des lieux est intimement liée à ce réseau de canaux et de réservoirs qui tournent autour de chacun des édifices apparaissant comme autant de bassins miroirs qui multiplient l’harmonie mystique dégagée par les temples.
Il faut s’offrir une balade en gondole traditionnelle dans ces baray, à savoir ces réservoirs typiques de la gestion de l’eau durant l’ère angkorienne car elle donne à découvrir un autre point de vue sur Angkor Vat et la végétation luxuriante qui l’encadre.
Cet important réseau hydraulique qui permettait des retenues d’eau flattait sans doute la gloire des rois mais il semble bien répondre à une autre logique plus religieuse.
Chaque douve creusée à mains d’hommes cerne une île qui, au-delà d’une première enceinte, permet d’atteindre de nouveaux plans d’eau au-delà desquels surgit une esplanade surélevée sur laquelle se dresse le sanctuaire proprement dit, reconnaissable à ses tourelles en forme de bourgeons de lotus. C’est de là-haut que l’on comprend que le temple d’Angkor Vat se veut une représentation terrestre de l’univers.
Le mont Meru est une montagne mythique considérée comme l’axe du monde dans les mythologies bouddhique, jaïne et surtout hindoue. Sur le site d’Angkor Vat, ce massif qui abrite le royaume des dieux surplombe les continents que sont les cours intérieures basses et les océans, à savoir les douves.
Prendre le temps de grimper là-haut en empruntant les allées longées de balustrades de pierre jalonnées par une armée de nagas, des serpents mythiques à sept têtes, et en admirant au passage les fresques murales et la ronde des apsaras, des danseuses divines sacrées, c’est en quelque sorte s’approprier l’âme d’un pèlerin de jadis et remonter le temps.
Il reste alors à imaginer ces pierres grises recouvertes de couleurs dont il reste quelques traces de pigments rouges. Les chercheurs pensent que jadis, les toits étaient dorés, ce qui devait renforcer l’aspect spectaculaire du site.
Angkor Thom
Dernière capitale de l’empire khmer et la plus vaste avec ses 10 km2, elle abrite elle aussi en son centre le Bayon, une figuration symbolique du mont Meru avec un temple étagé sur plusieurs niveaux cernés de galeries couvertes de superbes bas-reliefs qui racontent avec minutie non seulement les grandes batailles livrées entre autres sur le lac Tonlé Sap en 1177 mais aussi la vie quotidienne de l’époque.
Cette grande cité où auraient vécu des milliers de personnes est aujourd’hui animée par une bande se singes chapardeurs qui squattent les lieux et ne se laissent guère impressionner par les touristes.
Une autre visite incontournable sont les terrasses royales dont la plus connue est sans aucun doute cette esplanade qui déploie sur près de 300 m ses 3 terrasses d’apparat royal d’où le souverain, sa famille et ses généraux passaient sans doute en revue leurs troupes, voire assistaient à des spectacles. Toute la terrasse est richement décorée avec des sculptures ou des bas-reliefs d’éléphants sous la forme d’un défilé de pachydermes harnachés et montés par des cornacs.
Sites incontournables à la périphérie d’Angkor
A l’écart des temples importants d’Angkor, il en est d’autres qui méritent le détour parce que ces lieux de pèlerinage moins fréquentés par les voyageurs n’en sont pas moins des joyaux de l’art angkorien. Ainsi en est-il du temple de Banteay Srei classé également à l’Unesco.
Il est connu aussi pour avoir été pillé par André Malraux en 1923 mais celui-ci est attrapé à Phnom Penh et son butin récupéré. Cette malheureuse affaire donnera évidemment toute une publicité au site qui s’est maintenue jusqu’à aujourd’hui encore. La particularité du temple réside dans la pierre avec laquelle il a été construit, du grès rose qui lui donne un charme ineffable.
A croire que cette pierre se travaille plus aisément car la plupart des sculptures semblent en 3 dimensions, à la fois complexes et raffinées, présentant des dieux et des déesses mais aussi des femmes en jupes traditionnelles toutes plus gracieuses les unes que les autres. Même si le site est de plus petite taille, il n’en compte pas moins 4 enceintes qui abritent chacune des constructions dont la dernière est dédiée à Shiva.
Last but not least, le temple spectaculaire de Ta Prohm encore englouti par la végétation de quoi donner aux visiteurs l’impression d’être dans la peau des premiers explorateurs qui ont découvert ces vestiges.
Les impressionnantes racines des fromagers et des banyans enserrent porches et murs et s’enroulent autour des linteaux. Les archéologues ont volontairement choisi d’épargner cette jungle environnante tout en stabilisant les ruines pour en permettre l’accès mais aussi pour attiser notre imagination d’autant que singes et perroquets brisent le silence de leurs cris rauques.
Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux
Infos pratiques.
Siem Reap, la bourgade qui se trouve à 5 km à peine du site en est l’inévitable porte d’entrée et on y trouve un aéroport international, le plus fréquenté du Cambodge. La petite ville est bien agréable pour s’y poser après une journée de visite sur le site archéologique d’autant que les hôtels de qualité n’y manquent pas. N’hésitez pas à vous offrir une balade en fin de journée quand la petite ville allume les lampions qui éclairent les étals du vieux marché où se vend toute une panoplie de souvenirs mais aussi des pyramides de fruits et de légumes exotiques.
Y aller : Il faut consacrer au moins 3 jours à la visite du site et la formule la plus complète et certainement la plus expérimentée est de programmer une croisière sur le Mékong qui peut commencer par Angkor avant de rejoindre le navire de croisière ancré sur le lac Tonlé Sap qui est relié au Mékong, lui servant de vanne de sûreté contre les inondations. La visite d’Angkor peut aussi être la dernière étape de la croisière quand celle-ci commence à Hô-Chi-Minh et remonte le fleuve. A découvrir sur www.all-ways.be dès le début octobre 2021.