C’est à Paris dans les locaux d’Alitalia que le rendez-vous avait été fixé avec Fabio Maria Lazzerini, le CBO d’Alitalia (Chef Business Officer), pour une interview exclusive de nos confrères de La Quotidienne.
Agé de 54 ans Fabio Lazzerini avant d’être nommé il y a seulement 13 mois à la direction d’Alitalia a successivement été Directeur Général d’Amadeus-Italie, puis Directeur Général d’Emirates-Italie.
Grand, un grand sourire franc et une élégance typiquement italienne, Fabio Lazzerini est un hôte prévenant, mais dont on sent d’emblée que c’est un vrai manager à l’efficacité aussi forte que tranquille, qui a une vision claire du chemin que doit suivre Alitalia pour retrouver son rang de grande compagnie aérienne.
Pour cette interview exclusive Fabio Lazzerini a été rejoint par Aldo d’Elia, nouveau Directeur depuis quelques mois seulement d’Alitalia-France, et de Claudia Tiddia, la Directrice des ventes France.
Pour faire le point sur la situation actuelle de la compagnie, Fabio Lazzerini rappelle la situation passée catastrophique d’Alitalia.
« Jusqu’en 2017, Alitalia a subi de très lourdes pertes année après année. » Mais ajoutant aussitôt que « pour la première fois depuis longtemps pour le 3ème trimestre Alitalia a fait des bénéfices » (hors frais de gestion de la dette).
Il faut se rappeler que l’estimation moyenne des pertes d’Alitalia est estimée à plus de 500 millions d’euros par an pour la période de 2012 à 2017. Ce désastre a valu à Alitalia une mise sous tutelle d’une commission gouvernementale de trois commissaires dont la principale tâche a été de réduire de manière drastique les frais extérieurs (renégotiation des contrats de leasing des avions et des contrats d’achat de kérosène, abandon de 4 appareils en fin de contrat…).
Pour expliquer ces bons chiffres du troisième trimestre Fabio Lazzerini précise que le chiffre d’affaires d’Alitalia a crû de +7 % de janvier à octobre alors même que la compagnie avait réduit sa capacité en s’étant séparée de 4 appareils.
Cette augmentation du chiffre d’affaires, précise-t-il, est due à deux facteurs principaux : le nombre de passagers en long courrier qui a fortement progressé de +7,4 % et le revenu moyen par passager qui lui a augmenté de +8,7 % (2,2 % sur le long courrier et +12,7 % sur le moyen courrier européen) alors même que les prix des billets n’ont pas été majorés.
Cette progression du revenu par passager correspond en fait au bond en avant des revenus annexes (+21,9%) mais surtout à la progression spectaculaire du nombre de passagers en Classe Business (Magnifica) +5 % et Premium Economy +7 %.
Maintenir le marché « leisure » tout en cherchant un développement important du marché « corporate », voilà l’axe principal pour Alitalia.
Rappelant avec humour que les Italiens comme les Français ont souvent l’image d’artistes créatifs et que l’organisation méthodique est plutôt l’apanage de l’Allemagne, Fabio Lazzerini se fait un plaisir d’ajouter que cette année Alitalia est la première compagnie européenne en terme de ponctualité avec un taux de 83,9 % et aussi en terme de régularité avec 99,6 % des vols programmés réellement effectués (soit seulement 0,4 % de vols annulés).
Au niveau de la compagnie elle-même des gains de productivité importants ont été réalisés avec une marche forcée vers la digitalisation.
A Rome plus de 50 % des passagers s’enregistrent en ligne, ce qui facilite les opérations et représente un gain de temps pour le personnel comme pour les passagers. A fin décembre tous les documents de vols et les formalités pour les pilotes d’Alitalia seront totalement numérisés.
De nombreuses réunions de travail représentant tous les secteurs ont permis d’optimiser les procédures, permettant des gains de temps, quelques minutes par ci, quelques minutes par là, mais au final une meilleure organisation et des résultats visibles : à l’aéroport de Rome-Fiumicino, le taux de bagage en transit égaré est le plus bas d’Europe, 0,12 %.
Alitalia y a appliqué les tous nouveaux standards IATA pour les étiquettes de bagage.
A la question de savoir si le personnel d’Alitalia a subi des coupes sévères, ou des diminutions importantes de salaire la réponse est simple.
Actuellement Alitalia emploie 12.000 personnes à qui est appliqué un système de chômage technique tournant. Chacun est ainsi quelques jours par mois en chômage technique et est rétribué ces jours-là par l’état.
Ce qui permet de garder un personnel qualifié qui retrouvera son plein emploi d’ici peu avec le développement d’Alitalia dont la privatisation est prévue dans de brefs délais.
En effet le gouvernement italien veut privatiser Alitalia avec un capital social entre 1,5 et 2 milliards d’euros avec un ou plusieurs actionnaires industriels italiens majoritaires et l’entrée au capital d’au moins une compagnie aérienne étrangère qui, elle, resterait minoritaire. Le ministre et dirigeant du Mouvement 5 étoiles Lugi Di Maio a même précisé que l’Etat italien pourrait gardé une participation de 15 %.
Actuellement FS, la société des chemins de fer italiens, a déposé une proposition ferme pour acheter 51 % d’Alitalia. D’autres sociétés industrielles italiennes pourraient la rejoindre.
Du côté des compagnies aériennes, Lufthansa regarde l’opération de près, mais a des exigences.
Air China fait partie des prétendants. Delta Airlines semble très intéressé (surtout pour avoir un partenariat sur les lignes long-courriers) tandis qu’EasyJet regarderait d’un bon œil un partenariat sur les lignes domestiques et moyen-courriers. Un tandem Delta-EasyJet pourrait avoir du sens.
Sur ce sujet de la privatisation d’Alitalia, Fabio Lazzerini est tenu à un devoir légal de réserve et ne peut en aucun cas donner quelque information que ce soit.
Si ce n’est qu’évidemment Alitalia a besoin d’avoir des actionnaires dont au moins une compagnie d’aviation étrangère car l’époque est aux synergies et Alitalia a besoin de capitaux pour pouvoir augmenter sa capacité en investissant dans l’achat de quelques avions supplémentaires long-courriers.
Car pour Fabio Lazzerini c’est en redéveloppant le réseau long-courrier d’Alitalia que la compagnie pourra trouver son salut, à la condition de choisir des lignes pouvant associer une belle demande « loisirs » et une importante demande de passagers « affaires ».
Récemment Alitalia a ouvert deux nouvelles routes, Johannesburg et Maurice qui fonctionnent bien. La France qui est actuellement le 5ème marché étranger derrière l’Amérique du Nord (USA-Canada), le Brésil, le Japon et l’Argentine, reste un marché très prometteur et pourrait passer en 4ème position. Le Brésil (+50 %) et le Japon (+22%) ont eu cette année de très fortes progressions avec un accroissement important du nombre de voyageurs business pour ce dernier.
Alitalia avec sa toute nouvelle équipe dirigeante semble sur une très bonne voie même si évidemment il reste encore beaucoup de chemin à parcourir.
Frédéric de Poligny