Ressuscité, le Skål Club International de Bruxelles tenait mercredi sa deuxième réunion de la saison sur « le phénomène Airbnb ». Pour en débattre, il avait convié non seulement des représentants du secteur hôtelier, mais aussi des propriétaires et des locataires. Un débat passionnant, qui risque même de déboucher sur des actions concrètes.
Rodolphe Van Weyenbergh, secrétaire général de Brussels Hotels Association, a d’abord démystifié le « système » Airbnb, qui existe en fait depuis le Moyen Age, et qui n’est rien d’autre qu’un système de commercialisation. Si ce n’était qu’une simple plateforme, il n’y aurait pas de problème, car les hôteliers sont pour une concurrence, mais loyale. Il faut de la transparence, mais ce n’est pas le cas. Airbnb se targue d’avoir apporté 300 millions d’euros à l’économie belge en 2016 ?
Mais rien qu’à Bruxelles, le secteur hôtelier a créé 15.000 emplois et Airbnb… un ! On compte aujourd’hui quelque 6.000 offres de logement à Bruxelles chez Airbnb, contre 18.000 chambres d’hôtel, réparties dans une offre de plus en plus variée. Mais la source est en train de se tarir et Airbnb vise aujourd’hui une clientèle d’affaires, le secteur qui connaît la plus forte croissance, et c’est sans doute ce qui inquiète le plus les professionnels.
Pas de valeur ajoutée
Il sera rejoint dans son analyse par Philippe Hagelstein, administrateur de Gigatour (et du Skål) : nous sommes à 100 % derrière nos fournisseurs, dit-il, mais qu’en sera-t-il si, demain, les compagnies aériennes se mettent à proposer des packages avion+Airbnb ? Les hommes d’affaires n’ont-ils pas plutôt besoin de la sécurité qu’offre le cadre hôtelier ? La directive européenne sur les voyages à forfait devra-t-elle inclure Airbnb ? Les hôteliers, observe-t-il, s’engagent sur la qualité, mais Airbnb ne s’engage sur rien : c’est au loueur de s’engager, et il n’a aucun recours contre les mauvais locataires qui saccagent leurs biens… Enfin, il n’y a aucune captation de valeur ajoutée.
Le prix des loyers va augmenter…
Le Syndicat National des Propriétaires et Copropriétaires est « extrêmement réservé, voire hostile » à Airbnb, rappelle son secrétaire général, Olivier Hamal. « Il n’y a pas de problème quand un particulier loue une chambre, explique-t-il, mais ont voit de plus en plus de gens qui achètent des appartements dans un immeuble pour en faire un business, bien plus lucratif que de le donner en location à l’année. L’offre résidentielle est en train de se réduire, et les prix vont augmenter, prophétise-t-il. Déjà, les étudiants ne trouvent pour ainsi dire plus de « kots ». En ce qui concerne les copropriétés, il n’existe pas de règle fixe. A défaut, il faudrait purement et simplement y interdire la location de chambres à Airbnb. Et de rappeler que, pour les cadres, par exemple, qui ne passent quelques mois à Bruxelles (ou ailleurs), la possibilité de baux de courte durée existe.
Même des logements sociaux !
José Garcia, secrétaire général du Syndicat des Locataires, est totalement opposé à la formule Airbnb. Faut-il pour autant l’interdire ? Il ne le pense pas. Il faudrait alors interdire aussi Uber ! S’il existe d’autres possibilités de se loger aux mêmes conditions, alors pourquoi pas ? Mais ici encore, les locataires se plaignent de la concurrence déloyale qui caractérise la démarche d’Airbnb. Exemple à l’appui, il montre que même des logements sociaux sont proposés sur le site d’Airbnb !
Accord parfait
Dans l’assemblée, pourtant clairsemée, Vanessa Rigodanzo, conseillère au cabinet du Ministre-président de la Région de Bruxelles-Capitale, également en charge du tourisme, se plaint d’être régulièrement interpelée par une presse « à100 % pro-Airbnb » (ce qui n’est évidemment pas le cas de PagTour, au contraire, ndlr). Car la plateforme a un sens aigu de la communication, à laquelle elle consacre des budgets considérables. Elle souhaiterait défendre la réglementation mis en place à Bruxelles, une des plus restrictives, en fait. Pour sa part, Olivier Hamal, au nom des propriétaires, voudrait renforcer la législation sur l’occupation des biens.
Bref, faute de pouvoir interdire Airbnb — ce que personne ne souhaite vraiment, en fait — tout le monde est d’accord sur le fait que le « système » Airbnb doit être régulé et contrôlé, mais qu’il y a un manque terrible d’information. Que font les hôteliers pour souligner leur différence ? Que font les agences de voyage pour mettre en garde les entreprises, etc. ?
Le Skål Club, qui veut être un « think tank » du secteur du tourisme, sera partie prenante d’une réunion qui, début décembre au cabinet du Ministre-président, rassemblera tous les acteurs concernés par l’activité d’Airbnb pour échanger sur la construction d’une communication concertée. Une initiative intelligente, à laquelle le Skål apportera son expertise.