Un an après l’arrêt Uber (qui lui refusait la qualité de «service de la société de l’information»), la Cour de Justice de l’Union Européenne est arrivée à une conclusion opposée pour ce qui concerne Airbnb.
Les Services de la Société d’Information visent «tout service presté normalement contre rémunération, à distance, par voie électronique, à la demande individuelle d’un destinataire de services». La directive-phare sur le commerce électronique établit notamment le principe de non-autorisation préalable (pas d’autorisation spécifique pour les SSI) et la non-responsabilité des intermédiaires.
Bénéficier de ce statut est un enjeu stratégique capital pour ces sociétés. Cela signifie que la France ne peut exiger d’Airbnb qu’elle dispose d’une carte professionnelle d’agent immobilier, faute d’avoir notifié cette exigence à la Commission conformément à la directive sur le commerce électronique.
Les SSI ont ceci de particulier qu’ils impliquent presque naturellement des prestations pan-européennes : un vendeur en ligne a accès à l’ensemble des consommateurs pour peu qu’il traduise son site ou qu’il utilise une langue commune.
Services mixtes ?
L’économie «collaborative» implique très souvent des services dits «mixtes», c’est-à-dire des services dans lesquels il y a une composante Internet, mais également une composante physique. Uber Pop, Uber Eats, Airbnb, une plate-forme d’entraide ou d’échanges de talents, une plate-forme de troc, etc.
Il y a d’innombrables exemples. Lorsqu’on se trouve en présence d’un service mixte, il faut déterminer si, conformément à la définition reprise ci-dessus, le service est ou non presté à distance.
Dans le cas d’Uber, la Cour avait considéré que l’élément principal est un service de transport, ce qui excluait la qualification de SSI.
En revanche, dans son arrêt du 19 décembre 2019, Airbnb Ireland (C-390/18), la grande chambre de la Cour a jugé qu’un service d’intermédiation qui a pour objet, au moyen d’une plate-forme électronique, de mettre en relation, contre rémunération, des locataires potentiels avec des loueurs, professionnels ou non, proposant des prestations d’hébergement de courte durée, tout en fournissant également un certain nombre de prestations accessoires à ce service d’intermédiation, doit être qualifié de «service de la société de l’information» relevant de la directive 2000/31 sur le commerce électronique.
L’AHTOP déboutée…
Le litige au principal s’inscrivait dans le cadre d’une procédure pénale introduite en France, suite à une plainte déposée par l’Association pour un hébergement et un tourisme professionnels (AHTOP).
L’AHTOP ayant porté plainte contre Airbnb Ireland soutenait que cette société ne se contentait pas de mettre en relation deux parties grâce à la plate-forme éponyme, mais qu’elle exerçait une activité d’agent immobilier sans détenir de carte professionnelle.
La Cour a considéré qu’un service d’intermédiation tel que celui fourni par Airbnb Ireland remplissait ces conditions sans que la nature des liens existant entre le service d’intermédiation et la prestation d’hébergement justifie d’écarter la qualification de « service de la société de l’information » dudit service d’intermédiation et, partant, l’application à celui-ci de la directive 2000/31.
[Source : Droit & technologies]