Pour Pascal Picq, paléontologue et professeur au Collège de France, la société a toujours sacrifié ses jeunes lorsqu’elle était en crise. Avant, on les envoyait à la guerre et aujourd’hui, ce n’est même plus nécessaire: les jeunes se détruisent tous seuls avec leur addiction aux Smartphones. Amid Faljaoui, notre chroniqueur économique, nous en dit plus sur le livre de cet universitaire.
Pour comprendre l’avenir qui nous attend, il est parfois intéressant d’écouter ceux ou celles dont le métier est d’ausculter notre passé.
C’est l’objet du livre de Pascal Picq, paléontologue de formation et professeur au Collège de France. Son livre parle du « transhumanisme », un courant intellectuel très à la mode aux États-Unis qui s’appuie sur les dernières découvertes scientifiques pour repousser les limites physiques mais aussi intellectuelles de l’homme.
D’abord, à l’instar de tant d’autres, Pascal Picq pense que les robots vont prendre nos places, ce ne serait juste qu’une question de temps.
Il précise même à mes confrères de L’Echo que ce seront surtout les emplois les plus qualifiés qui seront les plus menacés, car, je le cite, « il est plus facile pour des machines de faire des tâches complexes qui impliquent un raisonnement de haut niveau que des tâches simples qui font appel aux aptitudes sensorimotrices humaines ».
En clair, les algorithmes et l’intelligence artificielle remplaceront plus rapidement un responsable crédit d’une banque qu’un coiffeur ou une femme de ménage.
Et c’est là où Pascal Picq devient le plus intéressant : au lieu de s’inquiéter de ces pertes d’emplois, il se demande si notre modèle de sociabilisation par le travail est le seul modèle à suivre ?
Après tout, rappelle-t-il dans son interview à l’Echo, cela n’a pas toujours été le cas par le passé : du temps des Grecs et des Romains, le travail était réalisé par des esclaves alors que les hommes libres cultivaient … l’otium, c’est-à-dire le loisir !
Et donc, ce que dit Pascal Picq, c’est que c’est à nous et à nos gouvernants d’inventer les formes de sociabilisation de demain lorsque les machines feront tout ou presque à notre place.
« Le FOMO, c’est le mot très à la mode aux États-Unis qui signifie « Fear Of Missing Out ». Autrement dit, la peur de rater quelque chose »
Quant à l’avenir des jeunes, Pascal Picq est à la fois optimiste et pessimiste. Il est pessimiste car en tant que paléontologue, il a une vision longue de l’histoire et il sait que par le passé, quand une société est en crise, elle sacrifie toujours sa jeunesse.
Avant, c’était simple, on envoyait les jeunes à la guerre. Mais depuis lors, ces mêmes jeunes, et malgré le fait qu’on ait fêté les 50 ans de mai 68, les jeunes d’aujourd’hui semblent souvent apathiques, selon lui. Comme s’ils étaient drogués par les réseaux sociaux, exactement comme l’avait prédit le romancier Aldous Huxley.
Pascal Picq semble voir deux catégories de jeunes : il y a ceux qui bougent, qui prennent leur destin en main, et qui n’hésitent parfois pas à lancer leur start-up alors qu’ils sont encore à l’école.
Et puis, d’autres se complaisent dans la tyrannie du FOMO. Le FOMO, c’est le mot très à la mode aux États-Unis et qui signifie « Fear Of Missing Out ». Autrement dit, la peur de rater quelque chose.
Ce terme désigne donc ces jeunes accrochés à l’écran de leur portable et qui attendent, voire même salivent avant de recevoir un message, une photo, un SMS d’un contact sur un réseau social.
Cette addiction pavlovienne aux smartphones est ce qu’il appelle une forme de servitude volontaire. Et en réalité, comme le dit Pascal Picq à l’Echo, ce que risquent ces jeunes accrocs aux réseaux sociaux, ce n’est pas de rater quelque chose mais de rater leur vie. Et ça, c’est autrement plus grave.