Il nous faut évidemment revenir encore sur les conclusions qui sont sorties du forum d’Evora sur le tourisme durable. Et idéalement, il faudrait les rappeler tous les mois, toutes les semaines, pour être certain qu’elles soient suivies d’effets, et qu’elles ne soient pas simplement des conclusions, mais des engagements !
Rappelons donc ces cinq engagements :
1. OFFRIR DES OPTIONS / INCITATIONS FIABLES EN MATIÈRE DE COMPENSATION CARBONE
2. S’ENGAGER DANS UN PLAN DE RÉDUCTION DU CARBONE POUR CHAQUE SECTEUR
3. PRIORISER LES INVESTISSEMENTS POUR DÉVELOPPER LE TOURISME DURABLE
4. INVITER LES COMMUNAUTÉS À CO-CONCEVOIR DES SOLUTIONS TOURISTIQUES
5. ACCÉLÉRER ET RENFORCER LES CHAÎNES D’APPROVISIONNEMENT ET LES ÉCOSYSTÈMES LOCAUX
Penchons-nous sur ce dernier point, parce qu’à notre avis, il est le plus simple et le plus potentiellement rapide à mettre en place, puisqu’il relève plus des mentalités que des investissements.
En tourisme, le circuit court et l’approvisionnement local concerne surtout le secteur hôtelier. Dans notre récente série sur une « Histoire du tourisme de masse » sur le marché belge, nous dénoncions le fait que certains TO ont délibérément exporté les habitudes des Belges à l’étranger. Nous citions le cas de Benidorm, parce que nous avons connu de très près le développement de ce village de pêcheur en Manhattan pour touristes.
Alors que la tradition locale voulait, depuis des siècles, que l’on déjeune entre 14h et 16h et que l’on dîne entre 21h et 23h, les Belges de Benidorm ont implanté leurs propres restaurants dans les années 1960-70, ouverts à midi et à 18h, et servant essentiellement des steaks-frite-salade pour satisfaire une clientèle qui est venue acheter uniquement du soleil et de la plage, sans vouloir s’adapter aux habitudes locales, sans vouloir s’essayer à une autre cuisine. Une clientèle assez âgée, et on sait que l’âge favorise les petites habitudes.
Les jeunes, eux, ont changé cet aspect des choses : parce qu’ils faisaient la fête durant une bonne partie de la nuit, ils dormaient jusqu’à 14h, ce qui ne posait pas de problème pour manger comme les locaux.
En plus, ils n’ont pas forcément été vers les restos « belges » de Benidorm, puisqu’ils se sont mis à la mondialisation culinaire. Mais c’est presque pire : au lieu de faire honneur à la très locale paëlla, ils ont fait venir des pizzas, des tacos, des hamburgers, quand ce n’est pas du quinoa et autres aliments, très sains sans doute, mais très dépensiers en kilomètres.
Le pire a été atteint avec les « all in », dont nous avons déjà dénoncé les abus : tout, absolument tout vient de nos pays d’Europe du Nord. Le seul travail confié aux locaux est le nettoyage ; et donc l’empreinte que laisse le touriste sur place, c’est ce qu’il envoie dans les égouts.
Nous pensons qu’il y aurait vraiment à gagner pour des établissements hôteliers qui miseraient sur le local, et qui en feraient leur atout marketing. Nourriture locale, boissons locales, personnel local, animations locales…
Quand cela existe, c’est vers de tels établissement que, personnellement, nous nous tournons, et ils restent gravés dans notre mémoire pour nous avoir apporté du bonheur. Et finalement, c’est aussi une question socio-politique : comment ose-t-on réclamer que les étrangers chez nous s’adaptent à notre mode de vie, quand nous refusons de faire de même chez eux ?