Aigle Azur a annulé tous ses vols à compter de vendredi soir, sans dédommagement pour ses clients, et avait jusqu’à aujourd’hui lundi pour trouver un repreneur éventuel…
Parmi les repreneurs potentiels, on cite Lionel Guérin et Philippe Micouleau, anciens dirigeants du groupe Air France, ainsi que le groupe Dubreuil, propriétaire d’Air Caraïbes. Ses atouts ? Aigle Azur dispose notamment des droits de trafic vers l’Algérie, et surtout de 9 800 créneaux horaires annuels à Orly, où le total pour toutes les compagnies est plafonné à 250 000. La compagnie compte 1 150 employés, dont 350 en Algérie, et dispose d’une flotte de 11 avions. Elle a transporté 1,88 million de passagers en 2018, année pendant laquelle elle a réalisé un chiffre d’affaires de 300 millions d’euros. [L’Essentiel]
Les passagers lésés de toute façon
Si la compagnie trouve un repreneur — ce qu’on ne peut que souhaiter —, les passagers en seront de toute façon pour leurs frais. Car la faillite, pour appeler les choses par leur nom, d’Aigle Azur pose une nouvelle fois la question ouverte par l’inexistence d’un « fonds de garantie » pour les compagnies aériennes. Cette question est sur la table depuis plusieurs années.
A l’inverse des agences de voyage qui, en Belgique et dans la plupart des pays européens, sont tenues de souscrire à un assurance couvrant les conséquences de la faillite d’un tour opérateur, les compagnies aériennes n’ont toujours pas mis en place un tel système. « Cela aurait pour conséquence une augmentation du prix du billet, ce qui est impensable dans le contexte concurrentiel actuel », jurent-elles, la main sur le cœur.
Allons donc ! Comme si le consommateur, à la recherche du billet le moins cher, connaissait en détail toutes les composantes de son prix, aujourd’hui déterminé par un logiciel de yeld management…
Un véritable scandale
Or, depuis une décennie, les faillites de compagnies aériennes se sont accélérées et des centaines de milliers de passagers n’ont ainsi pu partir, rentrer ou se faire rembourser leurs billets.
Le passager, qu’il ait acheté un billet « sec » sur le site d’une agence en ligne ou dans une agence de voyages, sans autre prestation, n’a aucune chance de se faire rembourser en cas de défaillance. S’il est déjà parti et se trouve à l’étranger, il devra débourser le prix intégral pour acheter un nouveau billet et pouvoir rentrer.
Alors que le Fonds de Garantie Voyage a été mis en place et est géré par la profession à la satisfaction générale, que les puissantes compagnies aériennes ne soient pas capables de s’entendre sur la constitution d’un « fonds de garantie » qui protégerait leurs clients est un véritable scandale.
A l’Europe de jouer !
Il faut donc maintenant se tourner vers l’Europe. A elle de contraindre le secteur à rapatrier et dédommager les passagers lésés par l’incurie des dirigeants des compagnies aériennes. Elle a bien organisé l’indemnisation des passagers en cas de retards ou d’annulations !
Adria sous la loupe
Il y a urgence. D’autant que la prochaine victime pourrait être la compagnie slovène Adria qui, selon le site Aviation24.be, citant le portail slovène Siol.net, a dû annuler jeudi son vol à destination de Vienne, où l’attendaient policiers et huissiers de justice…
A la requête d’un passager exigeant la compensation de 250 euros à laquelle il avait droit suite à un retard précédent et que la compagnie se refusait à payer ! Il s’en est fallu de peu que la justice autrichienne ne saisisse l’avion, un BA146 opéré par un sous-traitant allemand, WDL Aviation, qui n’a pas voulu prendre ce risque et à prié les passagers déjà présents de débarquer.
Comme souvent en pareil cas, l’incapacité d’honorer une petite créance n’est pas un bon signe de la santé d’une entreprise. Selon Siol.net, Adria Airways ferait en effet face à des difficultés financières. Elle serait même le plus gros débiteur d’Eurocontrol. En début d’année, elle avait annulé le memorandum of understanding conclu avec le constructeur russe Sukhoi pour la location à long terme de 15 avions SSJ100s.
Après l’échec des négociations avec les syndicats portant sur une nouvelle convention collective, la compagnie doit à présent faire face à une grève depuis ce dimanche jusqu’au 10 septembre, du 18 au 20 et du 30 septembre au 2 octobre.
Le sujet est plus difficile qu’on ne le croit et les « yaka » doivent être nuancés. Le Fonds de Garantie est administré par des responsables qui vérifient la viabilité financière des agences sur le petit marché qu’est la Belgique. On leur reproche du reste leur rigueur de temps en temps.
Peut-on imaginer un tel organisme à l’échelle mondiale pour le transport aérien? Les patrons des grands groupes et même de low-costs estiment ne pas devoir payer, même 0,50 EUR par passager (ça ferait 65 millions d’EUR par an pour Ryanair!) pour créer un fonds de protection de compagnies, dont les investisseurs sont des aventuriers (je ne parle pas d’Aigle Azur, ici) qui viennent casser des marchés avant de se casser eux-même la figure par ambition et manque de prévoyance. La question du contrôle et de la collecte au niveau mondial poserait bien des problèmes aussi. Mais peut-être que des « Mark Devriendt de l’aérien » pourraient trouver des solutions…
Tout cela est vrai, mais ce serait in fine le passager qui paierait. On voit mal en effet Ryanair débourser 65 millions, mais on verrait bien le passager ne pas discuter s’il doit payer son billet 15,50 euros au lieu de 15. D’autant que, en l’absence de tout sinistre, ce serait tout bénéfice pour la compagnie! Une contribution de 0.50 € ne serait peut-être même pas nécessaire: la faillite d’Aigle Azur a laissé 13.000 passagers sur le tarmac, pas 100.000 ! L’autre volet du problème est le rapatriement, mais cela devait pouvoir être réglé assez aisément (voir la position de la FLNAM). Enfin, commençons par l’Europe, à chaque jour suffit sa peine.