Même les Madrilènes ne savent pas trop ce qui se cache derrière cette expression, el Paisaje de la Luz, qui a permis dès 2014 de défendre une candidature initiée par la maire de Madrid auprès des institutions de l’Unesco. Il s’agit en fait de l’axe Paseo del Prado-Recoletos-parc du Retiro dans l’hypercentre de la capitale qui allie dans un même environnement urbain culturel, nature et sciences. La reconnaissance auprès de l’Unesco ne modifie pas la troisième place de l’Espagne derrière l’Italie et la Chine en termes de monuments du patrimoine mondial. Mais elle compense le déficit notable de la capitale espagnole, la seule de l’Europe Occidentale à n’avoir jamais récolté de label de l’Unesco avant ce 25 juillet 2021.
L’idée initiale de la maire de Madrid et des siens était de donner à la capitale un nouveau souffle à l’échelle mondiale après les années de dépression liée à la crise économique de 2008. Le grand atout de la candidature résidait dans son contenu en choisissant de mettre en avant un axe central historique conçu comme un espace vert dans un environnement urbain. En effet dès la fin du 17ème siècle, le Paseo del Prado et les Jardins du Retiro étaient intimement liés d’autant qu’ils étaient le centre de la Cour d’Espagne durant une période ininterrompue de 350 ans.
En effet le Paseo del Prado créé en 1540 a été la première promenade arborée d’une capitale européenne puisque les peupliers qui la bordent signifient la première intégration de la nature dans une conception urbaine. Depuis il a servi de modèle à d’autres villes comme l’Alameda de Mexico et l’Alameda de los Descalzos de Lima aménagés le premier en 1592 et le second en 1611.
Pour la petite histoire savez-vous que « prado » signifie prairie ? Le paseo tout comme le musée doivent leurs noms à l’ancien prado de los Jerónimos, un ensemble de prairies et de bois situés autour du monastère de San Jérónimo el Real dont seuls subsistent aujourd’hui l’église gothique et un cloître, à l’arrière du Musée du Prado.
Durant les 17ème et 18ème siècles, les rois qui gouvernaient l’Espagne choisirent de développer cette zone en y construisant des édifices dédiés aux arts et aux sciences mais aussi en aménageant un vaste jardin ouvert au public. L’Unesco a voulu saluer ici un « site qui incarne une nouvelle conception de l’espace urbain et un modèle d’urbanisme remontant à la période de l’absolutisme éclairé du 18ème siècle ».
El Paisaje de la Luz, une vaste zone urbaine de 220 hectares !
A chacun son itinéraire pour parcourir cet environnement unique déjà bien connu sous le nom de Paseo del Arte, une longue promenade de près d’un kilomètre qui se parcourt entre architecture et nature, voire même entre peinture et sculpture si vous choisissez de visiter l’un ou l’autre des prestigieux musées qui s’y succèdent.
Si l’on choisit d’y arriver par la gare de Atocha surnommée également « la gare de l’art », on ne peut qu’être séduit par cet aller simple vers les tropiques avec ce jardin botanique riche de quelque 7000 plantes créé au cœur de l’atrium, un lieu singulier où des ginkgo biloba du Japon et des cocotiers de Polynésie côtoient des boutiques de grandes enseignes et des lieux de restauration. A la sortie de cette gare monumentale on repère sur la gauche la silhouette rouge et noire de la nouvelle extension du Centro de Arte Reina Sofia dessinée par l’architecte Jean Nouvel, une extension qui jouxte sans trop y toucher le vieil hôpital de 1788 transformé en centre d’art en 1986. Dédié à la peinture moderne, il abrite en vedette le superbe Guernica de Picasso.
Sur la droite s’ouvre le fameux paseo del Prado arboré et longé de bâtiments emblématiques. Un édifice néoclassique du 18ème siècle abrite le célèbre musée du Prado qui contient plus de 7500 peintures collectionnées par les Habsbourg et les Bourbons. Juste à côté de la pinacothèque s’ouvre le Jardin Botanique Royal enrichi par les expéditions scientifiques européennes au cours des siècles. Il compte aujourd’hui quelque 5000 espèces de plantes échelonnées au fil de quatre terrasses.
Dernier musée d’art, à deux minutes à pied du précédent, le Thyssen-Bornemisza du nom d’une famille d’industriels allemands qui accumulent dans la première moitié du 20ème siècle une importante collection d’art cédée à l’Espagne en 1993. Un millier d’œuvres entre toiles, sculptures, tapis et objets précieux sont hébergées dans l’écrin du palais de Villahermosa du 18ème siècle. (à suivre)
Texte : Christiane Goor Photos : Charles Mahaux
Infos pratiques : Turismo Madrid | Madrid Tourisme (esmadrid.com)