Selon le portail AirHelp, les passagers victime des mouvements de grève chez Ryanair auraient droit à un dédommagement total de près de 30 millions d’euros. Mais Ryanair refuse de payer… Jusqu’à quand ? Nous avons demandé son avis à Me David Sprecher*.
Quelles sont les obligations des compagnies aériennes en cas de retard ou d’annulation d’un de leurs vols ?
En cas de retard important ou d’annulation d’un vol, les compagnies aériennes ont d’abord un devoir d’assistance. Elles doivent par exemple fournir des rafraîchissements, un repas, voire même une chambre d’hôtel, en particulier en cas d’annulation d’un vol en soirée, quand le passager n’a pas l’occasion de rentrer chez lui pour dormir. Cette assistance est toujours octroyée.
Autre chose sont les compensations financières. En cas de retard, il existe deux sortes de compensations :les compensations « statutaires », qui fixent le montant de l’indemnité en fonction de la longueur du trajet. Elle est de 250 ou 400 euros, voire 600 euros pour les vols de plus de 3.500 km, ce qui exclut donc les vols de Ryanair. Il existe aussi des compensations indirectes, qui indemnisent le passager des prestations perdues en raison du retard : un train raté ou une chambre d’hôtel prépayée, non remboursable et non utilisée, etc.
La Cour Européenne de Justice, dans un récent arrêt, a estimé qu’un passager pouvait obtenir ces deux types de remboursement.
Et en cas d’annulation ?
En cas d’annulation d’un vol, le client a le choix : il a droit au remboursement total de son trajet soit aller soit aller-retour si le retour est devenu inutile mais cela si les deux trajets figurent sur le même billet. Cela s’entend toutes taxes incluses, et comprend également le remboursement des suppléments de toutes sortes dont les compagnies low cost en particulier sont coutumières : supplément pour bagages en soute, pour le choix du siège, etc.
Le client peut aussi choisir d’accepter un « rerouting » par le plus prochain vol. Mais là, il y a un vide juridique : faut-il comprendre qu’il s’agit du prochain vol vers la même destination, quelle que soit la compagnie concurrente — la plupart des compagnies ne l’acceptent pas ! — ou d’un prochain vol de la même compagnie ? Ceci est sujet à diverses interprétations.
Ryanair, jusqu’ici, refuse de rembourser ses passagers. En a-t-elle le droit ?
La compagnie irlandaise a invoqué les cas de force majeure : mais il n’y a pas de force majeure quand on est informé d’une grève plusieurs semaines à l’avance. Mais toutes les situations ne sont pas nécessairement indemnisables, il faut voir au cas par cas. C’est toujours le client qui doit faire valoir ses droits. Mais la procédure peut être complexe.
Dès lors, que risque-t-il de se passer si Ryanair maintient sa position ?
Dans un premier temps, il faut lui adresser une mise en demeure. En cas d’insuccès, il faut saisir l’autorité d’exécution du règlement européen. En l’occurrence, en Belgique, le Service Public Fédéral de la Mobilité. En France, la DGAC.
Mais il est également possible de porter son dossier devant la juridiction du pays de départ ou d’arrivée ! On peut se faire assister par un avocat.
(*) Me David Sprecher est avocat spécialisé dans le droit du tourisme et de l’aviation civile et membre de l’International Forum of Travel and Tourism Lawyers, de la European Aviation Lawyers Association et du World Airport Lawyers Association. Il est Senior Lecturer en droit du tourisme et de l’aviation civile au sein d’universités et écoles supérieures de commerce et également référent en régulation aérienne pour institutions et Parlement. Les informations contenues dans cet article ne peuvent en aucun cas servir de conseils juridiques et tout lecteur doit recourir aux services d’un avocat avant d’engager toute action. Les textes de loi européens et autres sont disponibles aux professionnels du tourisme sur simple demande à [email protected]
Lors du prochain congrès de l’UPAV, Me David Sprecher animera un séminaire au cours duquel il présentera un « vade mecum » complet sur ces droits et répondra à la question : que peut-on faire avant qu’un vol ne soit annulé ? Car dans le cas des voyages à forfait, la responsabilité des agences de voyage pourrait être engagée !