Rentabilité des compagnies aériennes : une question de taille?

La stratégie que la plupart des transporteurs aériens ont adoptée consiste à grandir, tant et plus, soit par croissance interne, soit par rachat ou fusion avec un autre transporteur qui détient de préférence un réseau complémentaire, soit par la création d’alliances, JV ou autres artifices. Il faut être global il faut être mondial.

C’est le crédo actuel. Il repose sur un constat rationnel : les très grandes entreprises, celles qui font vivre les compagnies en achetant les sièges des classes affaires, ont besoin d’un interlocuteur global, puisqu’elles-mêmes le sont. Donc à partir du moment où on veut entrer dans cette féroce compétition, il est indispensable d’avoir la couverture la plus étendue.
Tout cela a du sens, pour autant que les transporteurs aient les moyens de leurs ambitions et que la recherche de la croissance n’ait pas obéré leurs capacités financières.

Certes les compagnies les plus profitables sont pour le moment les trois géants américains. Les résultats de 2016 sont connus et ceux de 2017 en cours de validation.

Donc en 2016, les 3 plus importants résultats nets ont été dans l’ordre : Delta Air Lines avec 4,373 milliards de $, American Airlines : 2,676 milliards de $ et United –Continental Group : 2,263 milliards de $.

A eux trois, ils représentent le chiffre d’affaires phénoménal de 116,375 milliards de € et affichent donc une rentabilité nette de 8 %. Leur résultat opérationnel cumulé est de 16,577 milliards de $ soit un ratio de plus de 14 %.

Tout cela est impressionnant, mais il ne faut tout de même pas oublier que les 3 géants américains sont tous passés par la procédure du Chapter 11, en clair le dépôt de bilan à l’américaine infiniment plus souple que la législation européenne et particulièrement française. Cela leur a permis de redéfinir leur exploitation et au passage de se séparer de 30 % de leurs effectifs.

Mais finalement les compagnies de taille plus modeste ou celles qui ont sciemment diminué leur volume, ne s’en sortent pas si mal. Prenez le cas du groupe IAG. Ce dernier, mené par Willie Walsh a, sous la gouvernance de Rod Eddington, taillé dans son réseau en particulier moyen-courrier avec une grande détermination.

Finalement la taille du groupe IAG est devenue inférieure à celle d’Air France/KLM : 24,885 milliards de $ de chiffre d’affaires contre 27,398 milliards de $ pour le groupe franco/néerlandais. Seulement en procédant à un redimensionnement de ses opérations, le groupe IAG a sensiblement amélioré sa rentabilité. Il affiche un résultat net de 2,152 milliards de $ soit 8,65 % du chiffre d’affaires.

Les 5 meilleurs ratios de rentabilité, résultat net par rapport au chiffre d’affaires, dans les 100 premiers transporteurs mondiaux sont Air Asia avec 27,91 %, Ryanair 19,80 %, Vietnam Airlines, 15,82 %, Copa Holdings : 15,30 % et Alaska Air Group : 13,72 %.

Comme on le voit ce ne sont pas les plus gros qui affichent les meilleurs résultats. Ce sont ceux qui ont pu ou su se concentrer sur une niche dont ils maîtrisent parfaitement les contours. Il peut s’agir d’une zone géographique, comme Alaska Airlines, ou d’un concept comme Ryanair.

On peut dès lors se demander pourquoi le groupe Air France/KLM cherche encore à maintenir une position mondiale en sachant que cette stratégie ne lui a pas permis de créer de la prospérité. Au cours des 9 dernières années, entre 2009 et 2017, le résultat net cumulé ressort à un déficit de 5,722 milliards d’€ ce qui fait tout de même une perte moyenne de 574.000 € par jour.

Pour pallier ces résultats, le groupe a été amené à vendre presque toutes ses participations y compris les historiques comme Servair ou Amadeus, et finalement à céder une partie de son capital à Delta Air Lines et China Eastern.

En dépit de ces sacrifices, ces cessions ont juste permis un certain désendettement sans pour autant donner les moyens de renouveler la flotte. La moitié des B 777 qui composent la base de sa flotte long-courrier n’ont pas été refaits.

A vouloir se maintenir contre vents et marées sur une exploitation trop étendue, la compagnie a perdu une partie de son indépendance. Elle peut sans doute retrouver son prestige d’antan. Mais il faut alors accepter une réduction drastique de son périmètre pour retrouver une indispensable capacité financière.

Air France peut redevenir ce qu’elle était dans le passé : la meilleure compagnie du monde, je n’ai pas dit la plus grande. C’est sans doute à la mesure de ses capacités et c’est certainement ce qui pourrait rendre fiers les salariés qui, pour le moment sont tout de même sérieusement démotivés.

Jean-Louis Baroux

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