Il faut d’abord reconnaître une magnifique réussite économique. La régie Aéroports de Paris a été transformée en société anonyme le 22 juillet 2005 par la création de 98.960.602 actions d’un nominal de 3 € ce qui portait le capital à 296.881.806 €. 13 ans plus tard, l’action est cotée 193 € soit plus de 3 fois le prix de son introduction en bourse qui a été faite en 2006. Les heureux souscripteurs de ces actions doivent bien se frotter les mains.
Au fait qui sont les actionnaires ? Tout d’abord l’Etat qui détient 50,6 % du capital. Viennent ensuite Schipol Group, l’aéroport d’Amsterdam dans lequel ADP a pris également des actions et Vinci Airport respectivement avec 8 % du capital. On trouve derrière avec 4,8 % la filiale d’assurances du Crédit Agricole appelée Prédica. Le reste du capital est ventilé entre les institutionnels, en clair, les banques pour 21,6 %, les individuels qui ont acheté leurs actions en bourse pour 5,6 % et le personnel complète le tableau avec 1,6 %.
Bon et quelle est valeur de ce groupe qui possède non seulement les aéroports parisiens, Charles de Gaulle, Orly, Le Bourget, mais également l’Héliport de Paris, Toussus le Noble, Lognes et j’en oublie certainement, mais il détient aussi des participations plus ou moins importantes allant de 45 % à 9,5 % dans de nombreux ensembles aéroportuaires au Chili, en Turquie, Belgique, Croatie, Jordanie ou Maurice ?
Au cours de bourse actuel, le Groupe ADP vaut 19 milliards d’€ ce qui valorise la part de l’Etat à plus de 9 milliards d’€. Il faut reconnaître que l’actuel Président Augustin de Romanet de Beaune dont il faut rappeler qu’il a dirigé la Caisse des Dépôts et Consignations pendant 5 ans après avoir fait
carrière dans la finance d’Etat et de grandes institutions privées, a fait du Groupe ADP une formidable machine à cash. Pour tout dire l’EBITDA du groupe a atteint plus de 43 % en 2017 et les capitaux propres sont supérieurs à 5,4 milliards d’€.
Au fond si l’Etat fait une bonne affaire en vendant ses actions, il le doit en grande partie à l’actuel président, sans pour autant oublier son prédécesseur Pierre Graff qui avait parfaitement réussi la reconversion de l’organisation d’ADP pour la faire passer du statut de Régie à celle de Société Anonyme.
La décision du désengagement de l’État a été prise et son application interviendra au milieu de 2019.
Pour autant, quelques sérieuses questions se posent. Elles dépendent de la manière dont les Pouvoirs Publics mettront les actions sur le marché.
On peut imaginer sans peine que le scénario le plus plausible est qu’un seul acquéreur soit désigné pour prendre la totalité du capital détenu par la Puissance Publique.
Nul doute que les candidats ne vont pas manquer tant la mariée est belle et tant la société pourra dégager de confortables bénéfices dans les années futures.
Seulement cela reviendra à transformer un pseudo monopole d’Etat et un monopole privé. Et on ne voit pas bien alors où sera l’avantage pour les clients qu’ils soient compagnies aériennes ou passagers.
La tentation sera très forte d’augmenter encore le prix des services aéronautiques ou des redevances commerciales, ne serait-ce que pour rentabiliser au mieux les capitaux investis.
Les compagnies clientes se plaignent déjà fortement du différentiel de prix de services entre les plateformes parisiennes et les autres grands aéroports européens.
Elles se plaignent également d’un niveau de service pour le moins peu remarquable, pour ne pas dire plus.
Les passagers eux-mêmes ne sont pas ravis de la manière dont ils sont traités en particulier aux filtres d’inspection filtrage.
Quant aux installations, elles ne brillent pas par leur modernisme. Certes l’origine en revient aux conceptions initiales que ce soit à Orly ou à Charles de Gaulle. Il faut hélas bien vivre avec l’outil actuel, mais il serait urgent de faire enfin sortir de terre le terminal 4 de Roissy dont on dit qu’il sera dimensionné pour traiter 30 à 40 millions de passagers.
On se rappelle, par parenthèses que Jean Claude Gayssot alors Ministre communiste des Transports avait juré que Roissy serait limité à 56 millions de passagers alors qu’on en est déjà à 70 millions avant le nouveau terminal.
Bref, pour que la « privatisation » du Groupe ADP s’avère profitable, il paraît nécessaire de créer une véritable concurrence entre les deux grandes plateformes aéroportuaires parisiennes : Orly et Charles de Gaulle.
Pour cela il faudrait soit que l’Etat garde la majorité sur l’une d’entre elles, disons, Roissy et qu’il cède ses parts dans Orly, soit, s’il veut se désengager complètement, que deux lots soient créés et qu’ils soient attribués à des acquéreurs différents.
Ce n’est que lorsque que sera établie une vraie concurrence que la qualité de service s’améliorera et que les tarifs resteront raisonnables. Bon, pour cela il faudra bien se résoudre à traiter les riverains d’Orly avec les mêmes avantages que ceux de Charles de Gaulle, c’est-à-dire gérer l’aéroport avec la règle des quotas de bruit et non pas le nombre de mouvement.
A force de prêcher le bon sens, celui-ci finira peut-être par s’imposer…
Jean-Louis Baroux