Les professionnels du tourisme qui ont assisté à la conférence organisée mardi par le Skål club de Bruxelles auront pris une sérieuse avance sur leurs confrères dans la découverte de la blockchain, cette technologie prometteuse qui pourrait affecter tous les secteurs de l’économie, dont bien entendu celui du voyage.
Grâce à deux orateurs, délégués par la société NSI, une des premières à « monter dans le train » de la blockchain en accompagnant les entreprises concernées. Car cette technologie ne s’adresse pas (encore ?) à tout le monde. Et voici pourquoi.
Une blockchain n’est en fait qu’une base de données commune à tous les acteurs d’un process, mais décentralisée et répliquée sur un très grand nombre de « nœuds », et contenant l’ensemble des transactions dont chacun peut vérifier la validité. Elle peut ainsi être assimilée à un grand livre comptable, transparent et infalsifiable.
Une blockchain propose en effet un niveau de sécurité jamais atteint : chaque document est identifié par un hash codé sur 2256 positions, soit davantage de combinaisons qu’il n’existe, pense-t-on, d’atomes dans notre univers… Il est impossible d’effacer les transactions passées et la combinaison est modifiée à chaque transaction nouvelle. Tous les acteurs de la chaîne de production peuvent ainsi avoir connaissance de l’historique dans les moindres détails.
Combattre les contrefaçons
On voit tout de suite l’intérêt d’une blockchain dans l’industrie alimentaire, où elle peut seule garantir la traçabilité, par exemple, d’une pièce de bœuf depuis la pâture jusqu’à notre assiette.
Les chercheurs d’IBM ambitionnent même, quant à eux, de relier la blockchain à la chaîne de production mondiale grâce à des « mouchards », de minuscules « ancres » cryptographiques qui permettront de garantir l’authenticité des produits manufacturés, alimentaires, médicaux ou de luxe, qui passent par de nombreux intermédiaires avant de se retrouver entre les mains du consommateur. Et de combattre ainsi la contrefaçon, mais aussi d’ouvrir la voie à de nouvelles solutions en matière, notamment, de sécurité alimentaire.
On pense également que la blockchain devrait à terme mener à la disparition des « tiers de confiance » et de tous les intermédiaires en général, notamment les notaires.
Et le tourisme dans tout ça ?
C’est bien ce qui inquiète, légitimement, le secteur du tourisme et surtout les agences de voyage. La construction d’un voyage n’implique-t-elle pas aussi une « chaîne » de production de différents services, où l’on retrouve nombre d’intermédiaires — à commencer par les agences de voyage ?
Exemple : le protocole BTU (Booking Token Unit), premier protocole de réservation décentralisée, reposant sur la technologie de la blockchain, sonne peut-être la fin des Booking.com et autres Expedia — ce dont les hôteliers se féliciteront — en permettant à n’importe qui de se muer en plateforme de réservation.
Mais jusqu’ici, le monde du tourisme n’a pas encore vraiment été impacté par cette technologie. TUI, cependant, a mis en place une blockchain qui rassemble tous ses hôtels. Lufthansa l’utilise pour tracer les bagages. Et la compagnie d’assurances AXA, qui s’investit par ailleurs dans des startups, propose aujourd’hui un prototype de blockchain qui, regroupant compagnies aériennes, aéroports et autres acteurs concernés, permet au passager victime d’un retard d’être automatiquement indemnisé sans qu’il ait à remplir la moindre formalité.
Les limites de la technologie
Privée ou publique, la blockchain présente cependant de sérieuses limites. La duplication systématique en autant d’exemplaires qu’il y a de participants au sein du réseau signifie d’énormes besoins en ressources mémoire, qui s’accroissent en permanence puisque rien n’est effacé.
La synchronisation des données (toutes les dix minutes, par exemple) a par ailleurs pour conséquence un effondrement de la bande passante : paradoxalement, une technologie aussi puissante est en même temps très peu performante en termes de rapidité, puisque limitée par les caractéristiques du réseau.
Quoi qu’il en soit, il faut s’attendre à ce que la blockchain se développe, et dans des domaines auxquels on ne pense peut-être pas tout de suite. Elle devrait se développer d’autant plus à mesure qu’apparaîtront de nouvelles technologies de stockage et de transmission de données. Et qu’elle intégrera des technologies existantes et pourtant encore peu utilisées, comme le RFID ou le QR Code.
C’est pourquoi il est toujours utile de prendre un peu d’avance : c’était le but poursuivi par le Skål Club de Bruxelles, à l’origine de cette très intéressante soirée.