Une croisière au fil du Douro (1/2)

Les rives pentues du Douro sont tapissées d’oliverais à la frontière espagnole car la terre y est difficile à travailler pour y planter des vignes.

 Le Douro ainsi nommé sur les quelque 200 kilomètres qu’il parcourt au Portugal prend sa source en Espagne à 2160m d’altitude dans le centre-nord du pays où il parcourt sous le nom de Duero près de 600 km, ce qui en fait un des plus longs fleuves de la péninsule ibérique, avant de dessiner une partie de la frontière hispano-portugaise sur une centaine de km et de traverser enfin le nord du Portugal pour se jeter dans l’Océan Atlantique, dans l’estuaire de Porto.

Seule la vallée du Douro est navigable même si parfois le fleuve se faufile le long de gorges schisteuses. La longue tradition des vignobles qui ont fait sa réputation a créé un paysage culturel d’une beauté exceptionnelle qui se découvre dans toute sa splendeur quand on choisit la formule d’une croisière de plusieurs jours.

Certains abords du fleuve s’évasent en douceur pour dessiner des plages herbeuses.

Quand on embarque sur le M/S Queen Isabel qui emmène sous la double bannière de Rivages du Monde et de All Ways ses passagers jusqu’à la frontière espagnole, en leur offrant un aller-retour au cœur d’un paysage de coteaux qui affiche fièrement le trésor sorti de ses entrailles grâce au travail séculaire de paysans vignerons, on s’offre à coup sûr une escapade paisible.

On se laisse glisser sur cette longue route liquide et on en prend plein les yeux, allongé sur un transat ou immergé dans l’eau chaude de la piscine ou encore debout près du bastingage à la proue du bateau. On devine sur les hauteurs une route étroite qui épouse comme nous les méandres du fleuve, on voit surgir parfois un petit train qui s’enfonce dans un tunnel creusé dans les collines schisteuses et on se réjouit d’avoir choisi le rythme lent d’une croisière qui offre une vue à 360 degrés pour peu qu’on veuille se promener sur le pont-soleil.

Vie paisible sur le pont Promenade entre piscine et transats pour mieux observer le paysage environnant.

Le M/S Queen Isabel, notre hôtel flottant

Avec ses 59 cabines réparties sur trois ponts, le Queen Isabel offre l’assurance d’une croisière intimiste d’autant que nous n’étions que quelque 90 passagers à embarquer en ce mois d’août. Porto nous a accueillis en fin de journée avec la pluie comme si celle-ci nous avait suivis depuis la Belgique et la France.

Peu importe, chacun était bien trop impatient de découvrir ce qui serait notre nouveau home pour une semaine. Toute croisière commence par la distribution des badges d’entrée des cabines où nous attend déjà un premier journal de bord avec les informations concernant l’organisation de la soirée.

Les passagers s’égayent, certains à la découverte des ponts ou, pour la majorité, celle de la cabine bien aménagée pour distribuer le contenu des valises qui trouvent à se glisser dans la garde-robe ou sous les lits. Les cabines du bateau sont toutes extérieures et pour la plupart équipées d’une large baie vitrée qui offre d’emblée un splendide panorama sur la Ribeira do Douro, le cœur historique de Porto illuminé dès le coucher du soleil. Les cabines du pont Panorama plus spacieuses disposent même d’un balcon privatif qui séduit toujours les fumeurs. Elles sont toutes particulièrement cosy avec une salle de douche complète et bien agencée avec des distributeurs de savons, shampoing et crème de la marque bien connue signée L’Occitane.

Les anciens rabelos, ces barques à fond plat qui transportaient les barriques de Porto depuis les vignobles jusqu’à Vila Nova de Gaia.

Premier contact ensuite avec le salon-bar panoramique situé comme il se doit sur le pont Panorama où a lieu une présentation rapide des membres de l’équipage à notre service. Ensuite nous sommes dirigés, toujours masqués au nom des règles de sécurité anti-Covid, vers la salle du restaurant située sur le pont Supérieur. Chacun s’y voit désigner une table qui sera la sienne durant toute la durée du voyage et toujours pour suivre les mesures Covid, tout déplacement dans le restaurant se fera également masqué.

Quand il atteint Porto, le Douro glisse sous plusieurs ponts dont le Pont métallique Dom Luis 1 construit en 1886 par un disciple de Gustave Eifel pour relier Porto à Vila Nova de Gaia.

Bien entendu une fois installé à table il ne reste plus qu’à apprécier la cuisine du chef qui marie des spécialités portugaises à une cuisine plus internationale pour satisfaire tous les goûts d’autant qu’un menu à choisir est proposé pour chaque repas. Le vin offert au déjeuner et au dîner change chaque jour mais il s’agit toujours bien entendu de découvrir un vin du Douro.

Enfin le pont Soleil accueille dès le lever du jour des passagers curieux qui profitent bien avant le petit déjeuner du départ de Porto sur un fleuve couvert de bancs de brume. La petite cité est encore endormie tandis que l’on glisse sous les 6 ponts qui annoncent l’entrée ou la sortie de la ville.

A l’approche de la frontière espagnole, les berges du fleuve deviennent plus rocailleuses.

Au fil de l’eau

La croisière est ponctuée par le passage de 5 écluses qui permettent de sauter sur 208 km un dénivelé de 125 mètres entre le niveau de l’océan Atlantique et le petit port de Barca d’Alva à la frontière espagnole. Ce sont ces barrages, qui sont autant de centrales hydrauliques, qui ont permis de dompter le cours tumultueux du Douro. Chacun d’eux possède bien entendu des écluses qui servent d’ascenseur aquatique pour les bateaux qui remontent ou redescendent le fleuve.

Dans l’écluse de Carrapatelo, en version ascendante.

Mais on reste impressionné quand on sait que ces écluses n’offrent que quelque 30 cm de jeu à droite et à gauche de la coque de notre bateau et que c’est à l’œil que notre capitaine se glisse dans le couloir étroit que forme le sas fermé au bout par une double porte, voire par une porte cylindrique qui se glisse de haut en bas. En effet nous aurons la chance de passer l’écluse de Carrapatelo qui serait dit-on la plus haute écluse d’Europe avec ses 35 mètres qui se franchissent pourtant en 25 minutes à peine.

Dans l’écluse de Carrapatelo.

On l’a surnommée la Cathédrale et avec la Toccata de Bach proposée par notre directeur de croisière pour accompagner notre ascension vers le plan d’eau supérieur, cette expérience n’en est que plus insolite et déconcertante.

A l’inverse, au retour vers Porto, nous serons tout aussi surpris voire étourdis de découvrir le fleuve à quelque 22 m en contrebas des écluses do Pocinho et da Valeira.

La création des barrages a quelque peu transformé le fleuve en plans d’eau paisibles d’une écluse à l’autre, avec même quelques jolies plages de rivière de sable bordées de pelouses arborées qui garantissent de l’ombre aux heures les plus chaudes. La plupart des activités telles que kayak, aviron, paddle, jet ski, se découvrent dans la première partie de la croisière mais plus on remonte le fleuve, plus on éprouve cette sensation étrange de changer de monde.

Cette fois on partagera le fleuve avec quelques pêcheurs ou d’autres bateaux de croisière que nous croiserons toujours avec un coup de corne et de grands vivats des passagers.

Le fleuve devient étroit quand il longe des pentes de roches schisteuses.

Mais surtout, on se laisse happer par ce paysage monumental de terrasses qui quadrillent les pentes raides des collines qui se succèdent au bord du fleuve, en alternance avec des sols accidentés de roches schisteuses qui dégringolent vers le fleuve là où il devient plus étroit en taillant son lit entre des gorges. Le paysage devient plus âpre et les terrasses alignent au côté de vignes des oliviers et des amandiers.

Des hameaux aux murs blanchis resserrés autour d’une église et des quintas avec leurs bâtiments viticoles jalonnent ce paysage, à mi-hauteur des collines. Pas étonnant que l’Unesco ait accordé dès 2001 son label à toute la région viticole du Alto Douro dans la catégorie des paysages culturels.

Les vignobles dégringolent jusqu’aux rives du fleuve en épousant toutes les courbes des collines.

A la source du porto

On produit du vin dans la vallée du Douro depuis l’Antiquité et au fil des siècles, dès le 13ème, on exportait déjà, en particulier en Flandres et en France, les vins du Douro connus comme « vin parfumé » c’est-à-dire vieilli. La demande s’accroissant, la production du vin augmenta jusqu’à arriver à un point de rupture car la production ne suffisait plus et l’on mit sur le marché des vins de qualité médiocre issus de plantations mal tenues et parfois de vignobles extérieurs à la vallée du Douro.

Reflet mouvant d’une quinta et de son environnement de vignobles dans les eaux du Douro.

La conséquence immédiate fut que la réputation des vins du Douro s’en trouva ternie. C’est alors qu’il fut décidé de contrôler les origines géographiques du vin pour protéger sa qualité et sa commercialisation.

A ces fins fut instituée en 1756 sous l’instigation du marquis de Pombal la Real Companhia Geral das Vinhas do Alto Douro qui réglemente le commerce du vin. La petite ville de Peso da Regua située sur les rives du fleuve lui doit son développement qui se maintient encore aujourd’hui puisque depuis 1980, c’est l’Institut du Douro, installé à Regua, le seul habilité à décerner le label de qualité aux viticulteurs et à définir la quantité autorisée de production de porto d’après celle de la récolte. Le reliquat est vendu en vin de table du Douro.

Une quinta avec son manoir cerné des bâtiments dédiés aux travaux de la vinification.

Ceci explique d’ailleurs la confusion possible entre les vins du Douro et de porto, souvent produits dans les mêmes lieux mais n’ayant évidemment pas ni la même saveur ni le même degré d’alcool. Le porto est en fait du vin fortifié – telle est l’expression consacrée – avec de l’eau-de-vie. C’est d’ailleurs le même Institut du Douro qui a le monopole de l’eau-de-vie servant au mutage du porto. Tout commence au 17ème siècle quand les Britanniques prirent langue avec le Portugal pour résister à Napoléon.

Des négociants anglais privés de vins français par le blocus imposé par l’empereur prirent goût aux vins plus capiteux du Douro. Toutefois ceux-ci supportaient mal la traversée jusqu’en Angleterre et un négociant eut l’idée d’y ajouter de l’eau-de-vie pour arrêter la fermentation. Les fûts étaient alors emmenés sur des barques à fond plat, des rabelos, jusque dans les chais situés à Vila Nova de Gaia, à l’opposé de Porto, sur la rive gauche du fleuve Douro.

A perte de vue les vignobles de la Quinta de Avessada ondulent sur le plateau qui domine la vallée du Douro.

Toutes les marques sont ainsi représentées dans un ensemble de bâtiments rassemblés en une sorte de village. Bien entendu chacune d’elle organise des visites, des dégustations et vous propose leur boutique.

Parmi les excursions œnologiques organisées par la croisière, nous en retiendrons deux, celle qui permet de grimper sur le plateau viticole à 600 mètres d’altitude à la Quinta de Avessada et ensuite celle qui permet de découvrir dans la Quinta do Seixo les vignobles de l’entreprise Sandeman dont l’emblème est un mystérieux personnage au chapeau d’hidalgo et à la cape universitaire.

Les tonneaux qui conservent le vin doux de Moscatel dans la Quinta de Avessada.

Deux escapades qui permettent de découvrir le fleuve depuis les hauteurs, de mieux comprendre comment s’organisent les menues terrasses de schiste sur lesquelles ne pousse qu’une seule ligne de vigne dont les racines peuvent s’enfoncer dans la structure feuilletée des sols schisteux jusqu’à une dizaine de mètres à la recherche d’eau.

Une belle occasion dans la première quinta pour déguster un verre de vin doux de Moscatel dans la lumière exceptionnelle du couchant sur la vigne et pour la seconde de plonger le regard dans une vallée qui se précipite en paliers dans le bleu du Douro, un paysage à couper le souffle. (à suivre)

La cloche du bateau Queen Isabel.

Rivages du Monde et All Ways dorénavant complètement intégré aux activités du croisiériste français sont associés pour proposer cette croisière exceptionnelle au fil du Douro qui est déjà programmée en 2022 dès le 1er avril jusqu’à la mi-novembre, semaine après semaine, avec des prix différents selon que vous choisissez la moyenne saison, la saison ou la haute saison.

Cette croisière rythmée chaque jour par une escale de quelques heures ainsi que par un amarrage pour la nuit permet de s’immerger dans l’arrière-pays ou dans Porto pour ceux qui aiment se promener en soirée.

Des activités sont également proposées : des conférences, un spectacle folklorique, des animations ludiques… Un voyage tout en sérénité et en sécurité avec un strict respect des contraintes imposées par la Covid comme la désinfection des semelles de chaussures au retour d’une excursion ou la prise régulière des températures. … www.rivagesdumonde.be

 

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