Travailler dans le tourisme en 2021: entre espoirs et désespoir…

C’est un métier qui fait rêver. Pour la plupart de nos concitoyens, l’agent de voyages vend du rêve… et profite également des avantages liés à sa fonction : crapahuter à travers le monde, sauter d’un avion à l’autre pour aller repérer les plus beaux hôtels de la planète …

Loin de cette image d’Epinal, nous savons que la réalité est toute autre : les agents de voyages passent la plupart de leur temps derrière l’écran d’un PC.

Ce sont des professionnels qui peuvent se transformer en de véritables couteaux suisses, capables de trouver une solution pour chaque client, même si ce dernier reste bloqué au bout du monde à cause d’une pandémie. 

Le métier est parfois stressant, mais tellement passionnant … tout comme la plupart des autres métiers nécessaires au secteur du tourisme : un secteur extrêmement varié et morcelé, à un point tel que les acteurs peinent à se fédérer et parler d’une seule voix.

Flirtant avec la culture et l’événementiel, le tourisme se définit comme une activité économique aux contours flous, mais qui représente tout de même quelque 110.000 emplois en Wallonie et à Bruxelles : agences de voyages, offices de tourisme, musées, attractions touristiques, hôtels … autant d’entreprises et institutions qui présentent toutes un dénominateur commun : les employés assument leur fonction avec dévouement et professionnalisme.

Si les conditions salariales sont rarement attractives et les horaires souvent contraignants, la richesse des contacts humains et les sourires des clients constituent un élément moteur dans la motivation. C’est la plus belle des récompenses pour ces femmes et hommes qui ont choisi cette voie avant tout par passion. 

2020, annus horribilis du tourisme. 

Seulement voilà, le Coronavirus est passé par là et l’année 2020 s’est révélée, sans surprise, comme la pire saison touristique de tous les temps. Si la plupart des commerces et entreprises ont pu maintenir une partie de leur chiffre d’affaires grâce à la vente en ligne ou au télétravail, les différents secteurs du tourisme souffrent d’une baisse drastique du niveau d’activité, voire d’un arrêt complet, à l’instar de certains acteurs culturels comme les cinémas, théâtres et salles de concerts, ou encore l’Horeca de manière générale.

Certes, quelques sites touristiques et hébergements situés dans les zones dites « vertes » sont parvenus à limiter les dégâts en profitant d’une saison estivale correcte, mais le bilan global de l’année reste toutefois négatif. Les raisons sont connues : saison amputée par les confinements, limitation de la capacité d’accueil, coûts liés aux mesures sanitaires …

La saga des « codes couleurs », les fermetures imposées parfois de manière incohérente et une cacophonie récurrente dans la communication émanant des autorités ont achevé de mettre à genoux certaines entreprises particulièrement touchées par la crise comme les agences de voyages, les autocaristes, les parcs d’attractions et les hôteliers en milieu urbain, dont la chute du chiffre d’affaires peut atteindre plus de 90 % !

Le risque bien réel d’un tsunami social.

Dans ce contexte peu réjouissant, 2021 arrive donc avec son lot d’incertitudes. Si beaucoup de professionnels du tourisme fondent leurs espoirs sur les vaccins, l’ambiance est loin d’être à la fête, comme le révèle la récente enquête du Centre de compétence Forem Tourisme.

Cette enquête réalisée à l’aube de la deuxième vague indique que plus de la moitié des travailleurs actifs dans les attractions touristiques et l’hébergement émettent des craintes quant au maintien de leur emploi dans les prochains mois. Cette proportion grimpe même jusqu’à 94,8 % pour le secteur des agences de voyages, notamment à cause de la résurgence prévisible des « bons à valoir », une conséquence des annulations enregistrées au printemps 2020.

Cette épée de Damoclès risque de porter un coup fatal aux agences de voyages, déjà lourdement fragilisées par la crise. Les mesures actuelles, censées procurer un ballon d’oxygène à court terme, se révèleront vite insuffisantes pour éviter un véritable tsunami social en 2021.

La balle est donc dans le camp de nos autorités fédérales et régionales, qui peinent à accoucher d’un plan de relance digne de ce nom, alors que la France a déjà déposé le sien le 3 septembre, dans la foulée de l’annonce d’une enveloppe de 750 milliards d’euros par la Communauté européenne le 21 juillet dernier.

En Belgique, la dotation (s’élevant à un peu plus de 5 milliards d’euros) est rapidement devenue le théâtre d’une foire d’empoigne entre les entités fédérées. Nous accusons un retard énorme par rapport à nos voisins. Rappelons au passage que l’échéance ultime imposée par les instances européennes est fixée au … 30 avril. Il convient donc de frapper fort, et vite.  

Des modèles économiques qui ont atteint leurs limites

En attendant la relance salvatrice, si certaines entreprises disposent d’un assise financière suffisante pour leur permettre de « faire le gros dos », d’autres se retrouvent dans une situation de plus en plus intenable.

Personne n’est épargné, même pas les géants aux pieds d’argile comme les compagnies aériennes ou encore le groupe TUI, dont la survie actuelle ne tient qu’aux soutiens massifs de l’état allemand (4,8 milliards d’euros cumulés à ce jour, permettant au passage l’entrée de l’état allemand dans le capital à hauteur de 25 %, alors que le groupe a enregistré une perte abyssale de 3,1 milliards d’euros en 2020).

Cette situation met en exergue un modèle économique qui semble avoir atteint ses limites : compression des coûts, réductions des marges, application à outrance du modèle « low cost », ventes à flux tendus où le cash est le nerf de la guerre. C’est la raison pour laquelle TUI pratique actuellement la rétention des liquidités, aux dépens des distributeurs (les agences de voyages) et fournisseurs (les hôteliers et autres prestataires en bout de chaîne).

Son autre ex-concurrent historique, Thomas Cook, n’a pas attendu l’arrivée du Coronavirus pour sombrer dans la faillite en septembre 2019, preuve s’il en est de la nécessité de repenser le tourisme sur base de modèles économiques plus sains … et plus durables.

« Pendant la mue, le serpent est aveugle » (Ernst Jünger). 

Le tourisme deviendra-t-il plus durable, voire plus élitiste, avec une hausse globale des tarifs et moins de « surtourisme » invasif sur les grands lieux touristiques ? Assisterons-nous à une mutation profonde de ce secteur ou retournerons-nous progressivement à une situation identique à celle que nous avons connue avant la crise ?

De nombreux experts en « monde d’après » se pressent déjà au portillon, en espérant décrocher de juteux contrats de consultance, mais en réalité personne ne le sait … Tout au plus peut-on affirmer que la reprise sera progressive, avec un retour « à la normale » estimé à 2023 ou 2024.

Pour certains secteurs, la relance de l’activité sera plus laborieuse, avec le bout du tunnel libérateur annoncé seulement à partir du deuxième semestre de cette année, pas avant. C’est notamment le cas des entreprises dont l’activité se concentre autour des déplacements d’affaires ou des voyages en groupe, comme par exemple les guides touristiques et les autocaristes.

Pour compléter le tableau, ajoutons que le secteur associatif n’est pas épargné. Bon nombre de musées et autres asbl d’intérêt public souffrent en silence et redoutent le spectre d’une réduction des subsides qui viendrait hypothéquer leur avenir à plus long terme. La mutation qui s’annonce génère donc beaucoup de questionnements sur la voie à suivre. 

Un secteur qui reste prometteur

L’incertitude, encore et toujours, s’impose en filigrane sur les perspectives d’avenir d’un secteur dont leurs acteurs devront faire preuve d’une formidable capacité de résilience pour survivre. L’enjeu est énorme mais ces femmes et hommes passionnés par leur métier n’attendent qu’une seule chose : esquiver les vagues de licenciements et pouvoir à nouveau accueillir leurs hôtes et clients avec le sourire, et si possible sans masque.

Quant aux étudiants qui ont choisi la filière « tourisme », qu’ils se réjouissent : lorsque cette crise se terminera, la population, frustrée par les confinements successifs, se montrera avide de voyages, de loisirs insouciants, de découvertes culturelles, de convivialité en famille ou entre amis … et, forcément, la demande explosera.

Ces étudiants sont donc les futurs acteurs d’un secteur passionnant appelé à se réinventer … tous les espoirs sont permis.

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