Regards sur le Cambodge au fil du Mékong

Le Cambodgien est d’abord agriculteur et il se contente de pirogues légères, le Vietnamien vit sur l’eau organisant à l’arrière de sa maison un vivier dans des jacinthes d’eau.

Fleuve mythique de plus de 4.000 km, le Mékong prend sa source sur les hauts plateaux tibétains avant de dévaler les contreforts de l’Himalaya. Il creuse ensuite des gorges en terre chinoise, trace les frontières entre la Birmanie et la Thaïlande puis éclate en cascades autour des quatre mille îles du Laos avant d’envahir enfin le Cambodge en dessinant un cours plus paisible, plus adapté au rythme des croisières dans des bateaux à fond plat. Toutefois, c’est sur son affluent, le Tonlé Sap,que commence l’aventure qui nous mènera in fine au Vietnam.

6 heures du matin. On a levé l’ancre et quelques chants religieux résonnent doucement au loin. Au petit matin, la lumière a cette pâleur qui libère les formes, les laissant flotter dans l’espace : une frange d’arbres dont les troncs disparaissent avalés par la brume, ou une rive qui s’efface. Les couleurs se fondent jusqu’à ce que le disque rouge du soleil surgisse et grimpe dans le ciel laiteux en chassant ces nappes de brouillard et en découvrant un nouveau paysage.

Les rares pagodes aux toitures effilées sont toujours au cœur de la vie du village.

On devine le bruissement des vies. Des pirogues glissent sur l’eau, la silhouette d’un pêcheur accroupi à la proue, surveillant son filet annoncé par une ligne de bouteilles plastiques flottant à la surface. D’autres bateaux à moteur transportent des enfants en uniforme qui traversent la rivière pour rejoindre leur école.

Parfois la silhouette d’une pagode surmontée d’une pointe effilée rappelle que le bouddhisme cambodgien est redevenu religion d’état depuis la fin de la dictature des Khmers rouges sans pour autant recevoir de subsides autres que les dons des fidèles souvent trop démunis encore pour y subvenir.

La terre aux Cambodgiens, l’eau aux Vietnamiens

Les Cambodgiens ont apprivoisé les digues jalonnées de maisons de tôles et de bois qui paraissent suspendues en équilibre instable au-dessus d’un incroyable enchevêtrement de hauts pilotis. D’un côté des lopins de terre à cultiver, de l’autre des échelles rustiques posées sur la digue pour rejoindre les pirogues.

Certains se lancent dans des « rizières » de lotus plus rentables que le riz. Fleurs, graines, germes, tiges, jeunes feuilles, tout se consomme. Les escargots y pullulent pondant des milliers d’œufs, une manne à récolter et à vendre au marché. Si on prend la peine de clôturer le site, les poissons et les canards vivent heureux dans cet environnement à l’abri du soleil.

Une communauté immigrée vietnamienne privée de terre vit sur le fleuve où elle a développé tout un art de vivre comme dans son pays. Les maisonnettes posées sur un lit de bambous sont arrimées à des futs en polystyrène et adossées à une barque.

Élégance insolite d’une jeune fille debout sur la poupe de sa pirogue, actionnant sa pagaie dans un mouvement de balancier à la fois gracile et puissant.

Tout autour, les familles ont créé un vivier en arrimant des broussailles de jacinthes d’eau maintenues avec des tuteurs en bambou.

Les poissons apprécient la fraîcheur qu’ils trouvent dans ce nid aquatique mais rapidement ils se retrouvent enfermés dans un enclos qui assure la subsistance de la communauté.

A la découverte d’un style de vie

On posera pied à terre dans des hameaux qui vivotent le long du fleuve, l’occasion de découvrir une petite communauté dont la vie s’articule autour de la poterie. Chaque maison de terre battue abrite un atelier. Des femmes y réalisent des objets à partir d’une motte de terre mouillée posée sur un tronc.

Découverte de la fabrication super artisanale de jarres en argile.

Elles la tapotent jusqu’à lui donner sa forme et la façonnent ensuite en marchant à reculons autour du tronc comme si elles effectuaient une danse légère qui suffisait à créer une jarre. Séchés au soleil, les pots sont placés dans un four en brique où ils sont recouverts d’écorces de riz avant d’être brûlés. Il ne reste plus qu’à attendre le refroidissement avant de ranger les pots à proximité de la route pour qu’ils soient chargés par un grossiste qui alimentera les marchés.

C’est l’occasion d’observer l’arbre national du Cambodge, le palmier à sucre, véritable arbre de vie.

Ses racines interviennent dans la médecine traditionnelle, son tronc long et droit donne des poutres pour fabriquer des pontons, ses feuilles tissées par les doigts agiles des femmes deviennent chapeaux, toitures de maison, nattes, parois. On se nourrit des fruits et la sève qui s’écoule des fleurs est récoltée dans une tige de bambou pour faire du vin de palme mais aussi un caramel sucré.

Ailleurs des charrettes à bœufs nous emmènent en une longue file qui alimente les conversations de la population à la découverte d’une pagode de 1913 qui abrite de superbes fresques réalisées comme jadis avec des pigments naturels en respectant le design angkorien. Sous le régime des Khmers Rouges, les lieux ont servi à stocker du sel qui a abîmé une partie des fresques, leur donnant un aspect plus vétuste.

Les charrettes à bœufs qui transportent les voyageurs assurent un petit revenu appréciable pour les villageois.

La visite entre le temple principal qui sert à la prière, le logement rustique des quelques moines et le cimetière n’en est pas moins émouvante, elle permet de comprendre combien les multiples fonctions de ces sites qui accueillent les plus démunis ou les réfugiés, qui abritent une école pour transmettre les connaissances et qui offrent les premiers services de soins hospitaliers.

Phnom Penh, l’effervescente

A l’approche de la capitale cambodgienne, le paysage s’élargit, les villages se densifient, les maisons en dur s’alignent le long de nouvelles digues tracées au cordeau et creusées de canalisations pour irriguer les rizières qui s’étirent au-delà d’une route encombrée de motos pétaradantes.

A l’approche de la capitale cambodgienne, on découvre une rive plus urbanisée même si les conditions d’amarrage restent toujours basiques.

Spectacle inattendu aussi de la confluence des eaux du Mékong qui apparaît plus minéral avec ses reflets verts qui se heurtent aux tons sable du Tonlé Sap.

Rien de tel qu’une balade en tuk-tuk pour s’immerger dans une ambiance frénétique bien éloignée de l’indolence tranquille des rives du Tonlé Sap. Des vendeurs ambulants de produits en tout genre arpentent les rues au milieu d’un tourbillon de motos et de voitures.

Dans cette circulation délirante, on se perd entre les artères qui traversent une ville où anciennes maisons traditionnelles délabrées et bâtiments souvent défraîchis de l’époque coloniale voisinent avec des tours modernes au design clinquant et de nouveaux chantiers de construction. Le regard sera cependant happé par quelques joyaux d’architecture qui se visiteront le lendemain.

Un aperçu du quartier historique de Phnom Penh où subsistent quelques joyaux d’architecture préservés par les Khmers rouges.

Le Musée National permet de décoder l’iconographie divine qui semble être la marque de tout ce qui a été sculpté depuis la période angkorienne jusqu’au décor du superbe palais Royal édifié en 1866 dont la richesse éblouit les visiteurs et donne à penser que la civilisation cambodgienne est décidément mono culturelle, profondément marquée par le sceau d’Angkor.

Bien différente par contre la visite de l’ancienne prison S-21 du régime khmer rouge devenue aujourd’hui le Musée du Génocide dont on ne sort pas indemne.

Comme les tortionnaires tenaient des registres méticuleux, on se laisse happer par une interminable succession de photos en noir et blanc, autant de regards hantés par la souffrance sans évoquer celle de nos guides marqués à vie par les sévices endurés.

La seule lecture du règlement d’ordre intérieur de la prison S-21 suffit à imaginer la barbarie des matons.

Impossible en effet d’appréhender ce pays sans se souvenir qu’il a connu en 1975 « l’année zéro », avec la mise en place d’une révolution totale imposée par le régime de Pol Pot et ses sbires.

Près de cinq années d’une barbarie absolue qui conduira à la « disparition silencieuse » de près de la moitié de la population.

Difficile pourtant de croire que Phnom Penh était une ville fantôme il y a près de 40 ans quand on découvre aujourd’hui le boom immobilier et le réaménagement des berges et des artères.

On comprend surtout que la population brisée par tant de souffrances est soulagée de ne plus connaître de conflits.

Quant à la jeunesse qui découvre le monde via internet, nul ne sait comment elle appréciera le régime actuel qui tient de la « démocrature » comme il en va sur d’autres terres.


Nous avons voyagé avec le RV Indochine II, dernier né de la flotte de CroisiEurope sur le Mékong inauguré en septembre 2017 : 31 cabines spacieuses de 18 m2, toutes avec un balcon privatif, réparties sur 2 ponts, confort assuré, de quoi vivre une croisière de charme tout en multipliant des expériences inoubliables www.croisieurope.comNous avons choisi l’accompagnement de Croisières d’exception qui avait chartérisé le bateau, ce qui offre en sus du voyage rythmé par les excursions de CroisiEurope une série de conférences de haute qualité qui aident à décoder les réalités historiques, culturelles et géopolitiques du Cambodge www.croisieres-exception.fr .

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