Oradour: Il a fallu une journée pour détruire

Ce samedi, il y a aura 73 ans que le massacre d’Oradour a eu lieu. La présence d’Emmanuel Macron est annoncée.

Le 10 juin 1944, Oradour connaissait l’horreur. Vers 14h, 200 soldats allemands encerclaient le village et massacraient la population. Au total, 642 victimes. En quelques minutes, les hommes étaient abattus, puis brûlés. Les femmes et les enfants subissaient le même sort dans l’église. En une journée, le village était détruit.

642 hommes, femmes et enfants furent donc exécutés par la division SS «Das Reich» à Oradour le 10 juin 1944. C’est le plus important massacre de civils jamais perpétré sur le sol français par les nazis. C’est aussi le symbole d’une France déchirée après-guerre entre les victimes de l’État collaborationniste et les « malgré-nous » alsaciens enrôlés dans la SS, puis amnistiés par le général De Gaulle au nom de l’union nationale, pour ceux qui furent présents lors de la tuerie.

Oradour-sur-Glane_Maison_et_VoitureLa visite

Oradour-sur-Glane était avant la seconde guerre mondiale une bourgade limousine active et ordinaire, avec ses commerces, cafés-hôtels, boutiquiers et artisan. Elle vivait principalement de l’agriculture jusqu’à la crise du secteur, qui a dépeuplé les campagnes. En 1944, il ne restait plus que deux exploitations agricoles.

Oradour-sur-Glane, la barrière franchie auprès de laquelle est inscrit, ‘Souviens-toi, remember’ … deux rails témoins du tram qui se rendait à Limoges, des gens qui marchent vite entre les ruines. Dans une oreille, on croit entendre les vers de Jean Tardieu : « Oradour n’a plus de femmes, Oradour n’a plus un homme, Oradour n’a plus de feuilles, Oradour n’a plus de pierres, Oradour n’a plus d’église, Oradour n’a plus d’enfants, plus de fumée, plus de rires, plus de toits, plus de greniers, plus de meules, plus d’amour… », dans l’autre oreille, la musique de François de Roubaix accompagnant Philippe Noiret dans ’Le vieux fusil’. On s’imagine alors ce qui peut bien se passer au même moment au Mali, au Sahara occidental ou encore en Syrie…

DSC_0058L’horreur

Mais revenons-en à ce 10 juin 1944.

« Ce jour-là, après l’arrivée des Allemands, le garde-champêtre faisait savoir aux habitants qu’ils devaient se rassembler sur le Champ de Foire pour une vérification d’identité, raconte Claudette Stefanie, qui se promène au milieu des ruines. Les Allemands ont scindé la population en deux groupes. Dans l’église, ils ont conduit les femmes et les enfants. Ils y avaient mis de la paille, des fagots qui recouvraient les corps.»

La chaleur fut tellement forte, qu’on peut voir à l’entrée une cloche fondue, écrasée sur le sol. Et la dame de déambuler dans les rues d’Oradour au milieu des ruines, abritant avant ce 10 juin 1944, des écoles, des commerces, des hôtels.

Sur chaque façade, on observe le nom des habitants, mais aussi dans les jardins, des carcasses de voiture et bon nombre de machines à coudre.

DSC_0062L’institutrice et ses élèves

En 1944, l’institutrice, chargée de la 2e année, se nomme Denise Bardet. Ce 10 juin 1944, elle fête son 24e anniversaire. Sa maman ne la voyant pas rentrer est folle d’inquiétude. Le lendemain, dès le lever du jour, elle part seule, avec une veste sous le bras pour sa fille partie travailler en tenue d’été.

En chemin, elle rencontre un professeur de l’université de Montpellier, dont deux enfants sont scolarisés à Oradour. Il lui apprend que toute la population du village a été assassinée. On retrouvera le lendemain le corps calciné de Denise, appuyé contre la marche d’un autel, les bras refermés sur le cadavre d’une petite fille. Comme ses élèves, comme les autres femmes, elle a été brûlée dans l’église.

« A l’époque, les femmes travaillaient chez elle pour une fabrique à Saint Junien, elle cousait des gants, souligne Claudette Stefanie. On oublie aussi les villages voisins. Ces enfants qui venaient à l’école au village, que les mamans s’inquiétant sont venues voir après. On a écrit beaucoup de livres sur le sujet. Celui que je préfère, c’est la page de catéchisme ! Albert Valade écrit dedans : ‘Apportée par le vent, une feuille noircie tombe auprès de moi. C’est une page de catéchisme, preuve que l’église d’Oradour brûlait. »

Une survivante

Une seule femme, Margueritte Rouffanche, a survécu au carnage. Le chœur de l’église comprenant trois fenêtres, elle se dirigea vers la plus grande, celle du milieu. A l’aide d’un escabeau qui servait à allumer les cierges, elle parvint à l’atteindre. Le vitrail étant brisé, elle se précipita par l’ouverture. Après un saut de trois mètres, elle atterrit au pied de l’église et fut blessée par un SS. Dissimulée parmi des rangs de petits pois, elle ne fut délivrée que le lendemain.

DSC_0033Le procès

Du 20 janvier au 7 février 1953, 21 soldats SS sur les 64 identifiés, comme ayant participé au massacre furent jugés à Bordeaux. Lors des plaidoiries, un jeune avocat, Me Guardia mit le doigt sur le véritable problème: « L’intelligence de l’armée doit être technique, elle ne doit pas être critique. Celui à qui on dit de balayer la chambre qui vient d’être balayée, ne s’interroge pas.»

L’avocat sortit alors un extrait de jugement rendu à Liège, en 1950, par un conseil de guerre, qui s’était prononcé sur un refus d’obéissance : « La prévention des crimes de guerre n’aura de sens que lorsque des généraux vainqueurs et vaincus, comparaîtront devant un tribunal. Ce jour-là, la Croix-Rouge pourra ouvrir ses effrayants dossiers d’Oradour, de Katyn, d’Hiroshima, de Hambourg. Alors les masques tomberont, et le monde entier sera horrifié de découvrir qu’il y a entre les grands hommes de guerre de tragiques ressemblances. Combien de ces généraux sortiront libres ? C’est la question que je n’ose même pas poser. »

Le 13 février, le tribunal militaire de Bordeaux condamnait un Allemand et un Français à la peine de mort. Quatre Allemands étaient condamnés aux travaux forcés de douze à dix ans, des Alsaciens à des peines entre 5 et 8 ans. La condamnation des ‘Malgré nous’ provoqua un tel tollé en Alsace, que le 19 février vota une loi d’amnistie.

1280px-Nouveau_village_d'Oradour-sur-GlaneUn nouveau village

Et Claudette Stefanie d’arriver au cimetière : « Au total, 642 personnes ont été massacrées. Des gens de tous les âges, même un gosse de sept mois et demi, tué à coups de crosse. L’image qui me touche, c’est de voir les cendres au cimetière. Ce cimetière est d’ailleurs le seul point commun avec le nouveau village. C’est interpellant !»

En effet, le 10 juin 1947, le président Auriol posait la première pierre d’un nouveau village.

« Il sortit finalement de terre en 1949, confirme l’employée du tourisme. Les frais de construction étant à la charge de l’état. Durant de longues années, aucune fleur, aucun arbre n’y a été planté. Le village voulant rester en deuil. En 1999, on a inauguré un Centre de la mémoire. Chaque année, plus ou moins, cent mille personnes visitent Oradour. Des Français certes, mais aussi des Anglais, des Allemands, des Belges, des Américains… »

Et les présidents français! De Gaulle, Miterrand, Chirac…

Emmanuel_Macron_(1)Emmanuel Macron

Quid du nouveau président?

«Le chef de l’État, qui s’était rendu dans ce village martyr de la Seconde Guerre mondiale durant l’entre-deux tours de la présidentielle, veut lancer la séquence mémorielle à laquelle il avait promis de consacrer son quinquennat, peut-on lire dans le Figaro du 2 juin. « Si je suis élu, je prendrai mes responsabilités mémorielles », promettait le candidat Emmanuel Macron dans une interview accordée au Figaro durant l’entre-deux tours de la présidentielle. Maintenant qu’il a été élu, le nouveau chef de l’État a donc décidé de joindre la parole aux actes. C’est dans cette logique qu’il se rendra à Oradour-sur-Glane (Haute-Vienne) le samedi 10 juin, à la veille du premier tour des législatives, pour la 73e commémoration du massacre perpétré par la Waffen-SS en 1944’».

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