L’Ever Given, le zéro stock et le « doux commerce » de Montesquieu

Ma chronique consacrée mardi dernier au porte-conteneurs Ever Given a suscité pas mal de réactions. A raison, car si cet immense navire a pu continuer son chemin, les questions de son ensablement n’ont pas disparu comme enchantement.

On dit souvent : un seul être vous manque et tout est dépeuplé. Aujourd’hui, on pourra dire un seul navire vous manque et tout est dépeuplé aussi.

Ce que révèle cet accident, c’est que la mondialisation est fragile et que l’Europe n’est plus le centre du monde malgré ce que nous montrent nos atlas géographiques.

L’an dernier, nous avions découvert que nous n’étions plus le centre du monde lorsque nous attendions fébrilement l’arrivée d’avions en provenance de Chine pour nous amener les masques et les appareils respiratoires qui n’étaient plus fabriqués chez nous.

Maintenant, on redécouvre que la mondialisation, c’est aussi des bateaux qui nous amènent des biens d’équipements d’Asie. Et ils ont beau peser 220 tonnes et mesurer 400 mètres de long, ces bateaux peuvent aussi se retrouver bloqués dans l’une des 8 portes qui ouvrent le monde sur notre bonne vieille Europe.

Même le fameux vaccin Pfizer que tout le monde désire se voire inoculer comporte 280 composants qui sont fabriqués dans une douzaine de pays différents.

Là encore, on pourrait frémir à l’idée d’une rupture d’approvisionnement. Que peut-on en tirer comme conclusion ? la première, c’est que les financiers de nos grandes entreprises doivent apprendre à faire passer la sécurité avant la rentabilité à court terme.

Pendant des années, on a enseigné aux étudiants dans les écoles de commerce qu’avoir des stocks, c’est mauvais, ça coûte de l’argent et ça prend de la place. C’est pour cela que pendant des décennies, les directeurs financiers ont privilégié ce qu’on appelle la théorie du « zéro stock ». Autrement dit, toutes les entreprises travaillaient et travaillent encore en flux tendus.

Or, le virus et l’accident de l’Ever Given viennent de nous rappeler brutalement que notre monde n’est pas à l’abri d’un accident, qu’il n’est pas lisse et sans à coup comme dans les manuels d’économie.

En clair, la réalité a refait surface et nous a rappelé à son bon souvenir. L’autre leçon en forme de bonne nouvelle, c’est que chaque pays sait maintenant qu’il dépend de l’autre. Pour sa santé bien entendu, mais aussi pour son commerce. Comme le disait déjà Montesquieu au 18ème siècle, partout où il y a du commerce, il y a aussi des mœurs douces. C’est ce qu’il appelait le « doux commerce », c’est une autre manière de dire que l’échange – le commerce donc – empêche la guerre. Et ça, c’est beaucoup mieux que le zéro stock !

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