Les Îles frisonnes, perles de la mer du Nord

Sans digues protectrices, les îles Hallingen sont souvent submergées par les marées et la seule protection est dans l’installation de maisons sur une butte où les habitants se retrouvent à leur tour isolés.

En été le soleil y brille plus longtemps que partout ailleurs. Avec leurs paysages de dunes hérissés par des éoliennes, leurs prés salés envahis par des moutons, leurs longues plages de sable bordées de corbeilles de plage colorées et leurs villages coquets aux toits de chaume, les îles de la Frise du Nord récompensent toujours ceux qui ont choisi d’aller à leur découverte.

La petite ville de Friedrichstadt est une étape incontournable vers Husum, on l’appelle aussi le petit Amsterdam pour ses façades de type hollandais, ses canaux et petits ponts.

En mer du Nord, tout au nord, la côte occidentale de la péninsule germano-danoise est ourlée de petites îles. On y vit au rythme paresseux des bacs incessants qui empruntent les passages entre les bancs de sable où languissent des colonies de phoques. Difficile d’imaginer que ce petit paradis estival au cœur du parc national de la mer des Wadden est le résultat séculaire d’une catastrophe écologique sans précédent.

La mer de Wadden qui sépare les îles frisonnes de la péninsule de la Frise du Nord accueille plusieurs espèces de phoques qui aiment à profiter du soleil sur les plages.

En janvier 1362, une onde de tempête gigantesque a déferlé sur la région, ensevelissant dans les flots ce pan de côte où s’élevait autrefois le port prospère de Rungholt. 200.000 habitants disparurent, noyés dans ce raz-de-marée meurtrier. De la centaine d’îles qui festonnaient la côte, il n’en reste plus que quatre : Amrun, Föhr, Pellworm et Sylt, et une dizaine de Halligen.

Les îles Halligen, des rêves flottants.

Aucune digue ne protège ce chapelet d’îlots qui sont autant de bancs de tourbe, de sable et de glaise charriés par les marées au fil des siècles. Les maisons, édifiées au sommet de tertres artificiels qui s’élèvent à plusieurs mètres de haut, semblent flotter sur l’eau, léchées par l’écume des vagues. Vingt fois par an, au moment des grandes marées conjuguées à un vent fort d’ouest et à la pleine lune, les flots envahissent l’archipel.

Une maison typique sur les îles Hallingen avec ses toits de chaume, son petit moulin et sa balançoire artisanale.

En quelques minutes, les landuntern, des montées d’eau imprévisibles et soudaines, soulèvent la mer et la portent jusqu’au seuil des maisons. Chacun se replie alors sur sa demeure cernée par les eaux pour quelques heures, un art de vivre surréaliste à la merci des éléments, même sous un soleil radieux.

Le moulin à vent de Pellworm sur une butte qui domine la mer.

Langeness, toute en longueur, s’étire de butte en butte, sur neuf kilomètres. L’herbe grasse des bas-côtés de l’unique route ondule sous le vent. La promenade est longue et mélancolique, d’un pâturage à l’autre, tous irrigués par de multiples ruisseaux d’eau saumâtre qui dessinent des serpents argentés où plongent mouettes, canards et hirondelles de mer.

Quand le facteur revient des îles de Hallingen où il est allé livrer le courrier et parfois des touristes depuis Dagebüll sur le continent en profitant de la marée basse.

Depuis 1926, l’île est reliée au continent par un remblai sur lequel circule un petit autorail mû par un moteur de tondeuse à gazon. Chaque matin, à marée basse, Fiete Nissen, le visage buriné par l’air vif de la mer, traverse le chenal pour livrer le courrier.

A dix kilomètres à l’heure, son voyage bruyant et insolite dure une quarantaine de minutes mais chacun à Langeness guette la silhouette bleue qui surgit au loin, traçant un fil ténu entre le continent et les îliens.

L’île de Pellworm vit au rythme des marées et les amoureux de randonnées à cheval n’hésiteront pas à s’aventurer dans les vasières quand le fond marin est libéré par la marée descendante. Une manière d’observer toute une vie marine de moules, crabes et autres arénicoles.

Plus ronde et plus vivante, l’île de Hooge est sans doute la plus belle des Halligen avec ses neuf tertres couronnés chacun par quelques maisonnettes coiffées d’un toit de chaume et tournées sur un jardin fleuri, bordé par une jolie clôture en bois blanchie.

L’un abrite une petite église et son humble cimetière, un autre porte le nom pompeux de « city » car on y trouve le supermarché, le jardin d’enfants, la plaine de jeux, le musée et quelques restaurants bavards qui offrent tous des chambres à louer pour les amoureux d’une expérience inédite.

Le charme ineffable des vacances à la mer

L’air qui balaie les îles est pétillant comme une bulle de champagne, le corps se détend doucement et le regard se perd au loin. Seule la digue peut obstruer la vue sur le large.

Le phare de Pellworm est toujours associé aux moutons qui entretiennent la digue, en broutant le site mais aussi en affermissant le sol de leurs pattes frêles.

A Pellworm, celle-ci est si haute qu’elle dessine une ligne d’horizon qui délimite le paysage en deux parties entre le bleu du ciel et le vert de l’herbe, et rien ne paraît plus incongru que les cyclistes ou les bancs publics qui semblent suspendus entre ciel et terre.

L’île est toute dédiée aux moutons qui entretiennent la digue, en broutant le site mais aussi en affermissant le sol de leurs pattes frêles. Même la plage est herbeuse, parsemée de larges fauteuils en osier en forme de corbeille.

Lorsque la mer se retire, elle offre un extraordinaire terrain de jeux pour les enfants qui fouillent la vase à la recherche de crevettes, de petits crabes et de coquillages. La vie que se partage une centaine d’habitants y est si paisible que personne ne pense à fermer les portes de sa maison.

La plage d’Amrum est belle avec ses 2 km de sable blanc à l’infini et la mer au loin.

Avec ses vingt km2 balisés de pistes cyclables, Amrum, plus petite encore que Pellworm, propose un espace de liberté naturelle unique.

L’île a la forme d’un croissant dont le contour extérieur n’est qu’une plage de sable fin, la plus large d’Europe, baignée par les vagues de la mer et ourlée par de hautes dunes scintillantes qui se prolongent par des bosquets, des landes et des champs.

Au cœur de l’île, les maisons frisonnes couvertes de roseaux et blotties sous des fourrés de lilas se serrent autour de l’église médiévale, bien à l’abri des assauts de la mer du Nord. Partout retentissent les cris des multitudes d’oiseaux qui trouvent ici refuge et quiétude.

Le phare de Amrum avec ses 66 mètres de haut domine un paysage vallonné de dunes en mouvement éternel à cause du vent et des marées.

Une randonnée guidée à marée basse sur l’estran, encore appelé watt, permet de relier à pied les îles de Amrun et de Föhr. Trois heures de marche, les pieds nus dans le sable mouillé et les mollets battus par les vagues, constituent une merveilleuse expérience de découverte de la vie grouillante dans cette vaste prairie humide.

A l’horizon, les îles de Halligen, qui émergent des flots, semblent danser sur la ligne d’horizon, là où le bleu du ciel se confond avec le bleu de la mer.

Les habitants de l’île de Föhr avec ses kilomètres de sable blanc et son doux climat maritime appellent leur île les « caraïbes de la Frise ».

On raconte qu’à Föhr, le climat y est encore plus doux et la mer plus souriante. Plus vaste, cette île allie les charmes paisibles d’une vie rurale rythmée par l’élevage des vaches frisonnes, des moutons et des chevaux, et les plaisirs de la plage sur le front de mer.

Avec ses kilomètres de promenades, ses allées de tilleuls, ses ruelles pavées de galets ronds, ses maisons de capitaine fleuries blanches, bleues et rouges et sa digue envahie par des terrasses où l’on déguste gaufres chaudes, crêpes et glaces et par des marchands de sabots, de pelles et de seaux, on se croirait les héros d’un décor de cartes postales. A la marée haute, les enfants improvisent un plongeoir depuis la jetée et pêchent des coquillages qu’ils vendent ensuite aux passants, à même la digue.

Sylt, la Saint-Tropez du Nord

La dernière île, la plus septentrionale et la plus grande, a gagné son titre de gloire quand elle fut découverte dans les années 30 par des artistes expressionnistes puis par des stars du cinéma. Là où au 15ème siècle, les pêcheurs de harengs nettoyaient leurs bateaux, aujourd’hui de confortables navires d’excursion appareillent pour une journée de navigation.

Westerland sur l’île de Sylt est une station balnéaire qui attire les amateurs de surf car elle offre une plage bien exposée aux vagues plutôt constantes.

Les riches et les belles dames d’Allemagne et d’ailleurs se donnent volontiers rendez-vous à Sylt pour se dorer au soleil de la plage, flâner dans les galeries d’art et savourer des fruits de mer dans l’un ou l’autre restaurant huppé de l’île.

Il faut dire qu’elle a tout pour séduire. Longue bande de sable d’une quarantaine de kilomètres et dont la largeur ne dépasse guère les cinq cents mètres à certains endroits, l’île offre plusieurs visages.

Côté ouest, c’est le vent et le large, des vagues qui déferlent en rouleaux puissants contre une barrière de dunes, tapissées d’une végétation rose aux accents gris et verts, avec des éclats dorés quand l’avoine et le seigle marins se marient sous un ciel transparent.

Une longue plage de sable qui surmonte quelque peu la mer de Wadden et est balayée par les vents, de quoi installer une tente pour s’en abriter quand il n’y a pas de corbeilles de plage.

La balade en vélo sur les petits sentiers qui traversent les champs en direction des plages promet des découvertes pittoresques. Des buvettes de quelques tables sont ainsi nichées au creux d’une dune, des corbeilles d’osier blanc et bleu sont alignées en attendant de trouver preneur. Il y a ceux qui les louent pour tourner le dos à la mer et se protéger des embruns, il y a ceux qui aiment lui faire face, fascinés par le tumulte du ressac et la danse des surfeurs intrépides qui se jettent dans les vagues.

Une balade à pied très prisée ici est la Wattwanderung, à savoir une randonnée dans l’estran soit un sol vaseux que l’on découvre à marée basse accompagnée d’un biologiste qui fait découvrir toutes les petites bestioles de la côte.

A l’est, baignées par la mer de Wadden, des lagunes paisibles longent des terres basses entre ciel et eau. Sous les bruyères nichent quantité d’oiseaux aquatiques comme la spatule argentée et l’hirondelle de mer. Le sable des vasières cache toutes sortes de petits animaux marins dont la plus fameuse est sans aucun doute l’huitre fine de Sylt qui se déguste dans toutes les bonnes tables de l’île.

C’est au départ du petit port de Husum que l’on embarque pour partir vers les îles frisonnes. Il semble étaler ses couleurs pour égayer le regard des touristes.

Le cœur de l’île égrène une dizaine de villages pittoresques où se blottissent des maisons frisonnes en brique rouge avec leurs traditionnels toits moussus de chaume, leurs fenêtres à croisillons et leur porte de bois sculpté.

Architecture typique des villages de la Frise du Nord avec des maisons basses chapeautées de toits de chaume et de nombreux bosquets fleuris.

Les jardinets cernés de barrières blanches s’ouvrent toujours sur une allée courte qui trace son chemin entre les massifs de roses sauvages et des digitales élancées. Tout ici invite à la détente : la mer changeante, les phares rouges et blancs, le chant irrésistible du vent, les digues vertes, les moutons et le plat pays à perte de vue…

Texte : Christiane Goor – Photos : Mahaux Photography


Infos pratiques.

Pour tout renseignement sur les Iles frisonnes septentrionales, un site www.nordseetourismus.de, ou encore https://www.germany.travel

Y aller. Le port de Husum, poumon économique de la Frise du Nord, est une porte d’entrée intéressante vers le pays des îles car il abrite le Musée de la Frise du Nord qui raconte ce que fut et est encore la vie sur cette région côtière.

Où embarquer ? Les embarcadères varient selon que vous allez sur une île ou sur un Hallig. L’office de tourisme de Husum distribue cartes et horaires précis. Les parkings sont sécurisés et la plupart des hôtels disposent d’indispensables vélos. Pour se rendre à Sylt, il faut emprunter le « train-voiture » au départ de Niebüll vers Westerland-Sylt. Le trajet dure une trentaine de minutes mais il faut se présenter au moins 30 minutes avant le départ du shuttle (www.syltshuttle.de)

Où loger ? Chaque île a son office de tourisme qui offre des informations détaillées sur les possibilités de logement variables d’une île à l’autre mais toujours multiples.

Que manger ? Sur les îles Halligen, les menus sont moins variés mais proposent toujours du poisson d’une fraîcheur impeccable à prix raisonnable. Ailleurs, l’offre est plus variée entre le café-bistrot et le restaurant gastronomique mais le poisson et les crustacés sont partout un régal, même sur le marché. A découvrir le « Pharisien », la boisson nationale frisonne inventée au 19ème siècle quand on ne devait pas boire d’alcool en présence du pasteur. Un hôte astucieux mit un jour du rhum dans le café et dissimula le tout sous un nuage de crème battue. Les invités, égayés, laissèrent déborder leur bonne humeur et le pasteur furieux s’écria « Oh pharisiens que vous êtes ! »

 

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