La Wallonie va-t-elle encore trouver des managers valables à ce prix-là ?

Le parlement wallon © Belga

Il y a des coïncidences qui font parfois mal aux personnes concernées. C’est le cas des patrons du secteur public en Wallonie.

Le gouvernement wallon a voté toute une série de décrets qui ne rend pas les patrons très heureux. Et quand je vous dis pas très heureux, c’est un euphémisme. Je pense en particulier à la nouvelle mesure qui plafonne leur rémunération à 245.000 euros brut, et ce plafond comprend aussi bien le salaire fixe que la partie variable. Le problème, c’est que cette limite est nettement en dessous de ce que gagnent actuellement plusieurs patrons du secteur public wallon. La question se pose donc de savoir s’ils vont accepter de voir leur rémunération être rabotée ou s’ils ne voudront pas rentrer dans les rangs. Pour le moment, tous se taisent, dans toutes les langues.

Et là, selon mes confrères du Soir, il y a plusieurs possibilités. La première, la plus facile, consiste à rentrer dans les rangs et à accepter ce plafonnement du salaire. C’est un scénario qui sera adopté par les managers dont la rémunération réelle n’est pas trop éloignée de ce plafond. La deuxième attitude consiste à ne pas être d’accord avec ces nouveaux décrets wallons et de voir si les textes votés par le parlement wallon ne peuvent pas être attaqués. Bref, on entre dans une guerre juridique avec les pouvoirs politiques.

La troisième voie consiste pour ces managers du public à dire: « OK, je n’ai rien à dire sur ce plafond de mon salaire, mais vous devrez trouver quelqu’un d’autre que moi pour gérer l’entreprise en question ». Et enfin, d’autres essaient de trouver des exemptions pour leur cas personnel en rappelant qu’ils sont à la tête d’une entreprise qui est confrontée à une concurrence privée, et que si le gouvernement wallon veut un gestionnaire performant, il doit accepter de relever le plafond de 245.000 € brut par an !

Évidemment, tout cela n’arrive pas par hasard. Tout cela est le résultat de l’affaire Publifin, avec un gouvernement wallon qui veut montrer qu’il lave plus blanc que blanc. Les managers wallons du secteur public sont les victimes directes de cette affaire et du salaire jugé exorbitant – à tort ou à raison – du patron de Publifin, Stéphane Moreau. Et tout cela arrive au moment où mes confrères du journal L’Echo montrent que dans le secteur privé, et en particulier du côté des sociétés cotées en Bourse, la rémunération moyenne d’un patron du Bel 20, l’indice phare de notre Bourse nationale, n’est pas de 245.000 € brut, mais bien de 2,15 millions d’euros: presque dix fois plus ! Il s’agit même d’une hausse de 13% par rapport à 2016.

« Les dérapages médiatiques de l’un d’eux nécessitent-ils de mettre au pas tous les managers publics ? »

La question qui va se poser est donc simple: la Wallonie, si elle impose un plafond des rémunérations des grands managers du secteur public, va-t-elle encore trouver des candidats valables ? Les uns disent oui, que c’est encore possible, qu’il faut une nouvelle culture de la transparence et que ce salaire n’est quand même pas un salaire de misère. Et puis, les autres disent que non, que la transparence n’implique pas de sous-payer les managers par rapport au privé, et qu’à l’avenir, ce seront des managers de seconde division qui seront à la tête des entreprises publiques wallonnes.

Ce débat ne fait pas encore beaucoup de bruit, en dehors des quelques personnes concernées. Dommage, car il nous concerne tous. À l’évidence, les politiques, de gauche comme de droite, ont peur de la vox populi. Mais est-ce une raison pour décourager les managers publics d’accomplir leur mission avec le salaire adéquat ? Les dérapages médiatiques de l’un d’eux nécessitent-ils de mettre au pas tous les autres qui n’ont rien à se reprocher ? Beau débat, mais confisqué pour le moment.

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