Coup de gueule contre les profiteurs de la «silver économie»

Le livre de Christine Jordis, « Automnes », remet en cause la manière dont le marketing aborde la « silver économie », l’économie du troisième âge.

En tant que chroniqueur économique, il m’est parfois arrivé, comme tant d’autres, d’aborder le troisième âge, notre troisième âge sous l’angle économique, notamment via ce que les spécialistes du marketing appellent la « silver économie », l’économie grisonnante, autrement dit la vieillesse vue comme autant d’opportunités commerciales pour vendre des services ou des produits adaptés aux seniors. Mais après la lecture du livre de Christine Jordis, je ne vois plus les choses de la même manière.

Christine Jordis est une figure du monde des lettres à Paris, elle est jurée du prix Femina, directrice de collection chez Gallimard, romancière et biographe de Gandhi, parmi tant d’autres choses. Et elle vient de sortir un livre sobrement intitulé « Automnes », car elle y aborde notre automne, c’est-à-dire l’âge où, comme elle, nous recevons ou recevrons des publicités d’entreprises de pompes funèbres nous proposant d’anticiper nos obsèques, avec évidemment tous les conseils qui vont avec.

C’est d’ailleurs à cause de ce genre de pubs que lui est venue l’idée de rédiger son livre. Et comme il s’agit plutôt d’un pamphlet, son coup de gueule, c’est le refus, non pas de la vieillesse – elle sait bien que chacun d’entre nous vivra son automne -, mais le refus qu’on le lui impose via le marketing actuel. Bref, elle refuse que des marques se fassent des profits juteux avec cet horrible mot de « seniors »qu’elle déteste.

« Le jeunisme ambiant est une illusion absolue »

Ce que Christine Jordis reproche à la société actuelle, et elle l’a déclaré au Figaro, « c’est qu’on nous fait peur, qu’on nous brandit des menaces en permanence. Des menaces de maladie, d’affaiblissement, d’hospice. On nous impose des interdictions, dit-elle, on nous abreuve de conseils. Bref, on est accompagnés, infantilisés, comme si les personnes âgées étaient des gamins. » Et ce que cette romancière déteste encore plus, ce sont toutes ces marques qui se précipitent sur le marché des seniors pour les faire dépenser plus, « à coups de séances de gymnastique, de crèmes anti-âge, et j’en passe. »

Dans son pamphlet, économique en quelque sorte, elle refuse le nouveau diktat, le nouveau mètre étalon, celui du « rester jeune ». Pour elle, c’est clair, la société de consommation impose au vieux de rester jeune, on ne lui laisse pas le choix. Or, selon elle, ce jeunisme est une illusion absolue. Pire encore, selon Christine Jordis, c’est une sorte d’idéal qui nous déconseille de regarder notre vie en intimant aux personnes plus âgées d’imiter les jeunes, alors que c’est un combat perdu d’avance. Un combat doublé, dit-elle au Figaro, « d’un flagrant déni de réalité ! »

En fait, son livre « Automnes » est, comme je viens de le dire, un pamphlet économique, car elle refuse d’être résumée à un chiffre: 70 ans, 80 ans ou 90 ans. Christine Jordis a juste envie de dire, de nous dire, « non, je ne suis pas un numéro, un chiffre, une tranche d’âge, je suis moi et rien d’autre, je ne tiens pas à être réduite à un numéro, à un millésime ». Et comme elle est écrivain, elle rappelle ce que disait Marcel Proust: notre vie n’est pas chronologique.

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