Turkish Airlines, l’une des meilleures compagnies européennes, va donc changer de nom. Il ne faut pas en chercher très loin la raison : une pulsion ultra-nationaliste du dirigeant de la Türkiye (on ne sait même pas comment ça s’écrit correctement) ? Qui veut imposer le nom de son pays dans sa propre langue…
Une erreur stratégique qui risque bien de coûter cher à cette très grande compagnie aérienne, présente dans près de 300 villes du monde et qui fournit depuis longtemps une qualité de service bien au-dessus de la moyenne.
Pourquoi un changement de nom aurait-il de l’influence sur l’avenir de la société ? Répondons par l’absurde : dans les années 1970, la compagnie s’appelait déjà Türk Hava Yollari, et elle était surtout connue pour son trafic dit « ethnique ». À partir du moment où son marketing a diffusé un nom bien plus commercial, compris dans le monde entier, Turkish Airlines, le succès est arrivé très vite.
C’est donc ici un point de vue strictement marketing que nous évoquons, et des exemples aussi bien positifs que négatifs abondent. Dans la sphère générale de la consommation, citons l’échec de Coke, que Coca-Cola a voulu imposer durant des décennies, et qui n’a jamais fonctionné au-delà de ses intentions : « Ne dites plus Coca-Cola, dites simplement Coke ». On croyait simplifier, mais on ne se débarrasse pas comme cela d’un nom commercial implanté depuis des lustres.
Dans le domaine de l’aérien, il y eut des changements très profitables grâce à une simplification : la fusion de BEA et BOAC en British Airways est toujours une réussite. KLM est connue dans le monde grâce à ses trois lettres, mais qu’en serait-il si un gouvernement avait décidé d’imposer le « Koninklijk Luchtvaart Maatschappij » ?
Lors de la faillite de Swissair entraînant celle de la Sabena (un nom sans doute un peu mystérieux mais qui s’était imposé dans l’histoire de l’aviation), le curateur suisse (ou quelqu’un d’autre) eut l’intelligence de garder le mot Swiss : tout le monde comprenait de quoi il s’agissait. Hélas en Belgique, pas question d’utiliser le mot Sabena, sauf pour son ex-société fille Sabena-Technics, toujours très active.
En Italie, on a trouvé un moyen terme. Si Alitalia n’était plus autorisé pour la nouvelle compagnie, on a choisi ITA : c’est bref, ça dit bien ce que cela veut dire. Mais ce n’est pas pour autant un gage de réussite : les compagnies re-nommées doivent tout recommencer à zéro, et le processus peut être très long. Brussels Airlines l’apprend -est-ce à ses dépens ou à son avantage ? -, puisqu’en Afrique et ailleurs, la clientèle parle toujours des vols SN, le code IATA qui heureusement a pu être maintenu.
C’est toujours un pari, et donc un risque, que de trouver un bon nom commercial. Il faut aussi tenir compte des langues ! Un mot anodin dans une langue a une signification parfois grivoise dans une autre. C’est ainsi qu’une agence israélienne avait choisi un nom qui sans doute n’avait de signification dans aucune langue du monde, sauf… en bruxellois ! C’était Tichtour.