Seule la vallée du Douro est navigable même si parfois le fleuve se faufile le long de gorges schisteuses. La longue tradition des vignobles qui ont fait sa réputation a créé un paysage culturel d’une beauté exceptionnelle qui se découvre dans toute sa splendeur quand on choisit la formule d’une croisière de plusieurs jours ponctuée par plusieurs visites, certaines oenologiques et d’autres plus touristiques.
A la source du porto
On produit du vin dans la vallée du Douro depuis l’Antiquité et au fil des siècles, dès le 13ème, on exportait déjà, en particulier en Flandres et en France, les vins du Douro connus comme « vin parfumé » c’est-à-dire vieilli. La demande s’accroissant, la production du vin augmenta jusqu’à arriver à un point de rupture car la production ne suffisait plus et l’on mit sur le marché des vins de qualité médiocre issus de plantations mal tenues et parfois de vignobles extérieurs à la vallée du Douro. La conséquence immédiate fut que la réputation des vins du Douro s’en trouva ternie.
C’est alors qu’il fut décidé de contrôler les origines géographiques du vin pour protéger sa qualité et sa commercialisation. A ces fins fut instituée en 1756 sous l’instigation du marquis de Pombal la Real Companhia Geral das Vinhas do Alto Douro qui réglemente le commerce du vin.
La petite ville de Peso da Regua située sur les rives du fleuve lui doit son développement qui se maintient encore aujourd’hui puisque depuis 1980, c’est l’Institut du Douro, installé à Regua, le seul habilité à décerner le label de qualité aux viticulteurs et à définir la quantité autorisée de production de porto d’après celle de la récolte. Le reliquat est vendu en vin de table du Douro.
Ceci explique d’ailleurs la confusion possible entre les vins du Douro et de porto, souvent produits dans les mêmes lieux mais n’ayant évidemment pas ni la même saveur ni le même degré d’alcool. Le porto est en fait du vin fortifié – telle est l’expression consacrée – avec de l’eau-de-vie.
C’est d’ailleurs le même Institut du Douro qui a le monopole de l’eau-de-vie servant au mutage du porto. Tout commence au 17ème siècle quand les Britanniques prirent langue avec le Portugal pour résister à Napoléon.
Des négociants anglais privés de vins français par le blocus imposé par l’empereur prirent goût aux vins plus capiteux du Douro. Toutefois ceux-ci supportaient mal la traversée jusqu’en Angleterre et un négociant eut l’idée d’y ajouter de l’eau-de-vie pour arrêter la fermentation.
Les fûts étaient alors emmenés sur des barques à fond plat, des rabelos, jusque dans les chais situés à Vila Nova de Gaia, à l’opposé de Porto, sur la rive gauche du fleuve Douro. Toutes les marques sont ainsi représentées dans un ensemble de bâtiments rassemblés en une sorte de village. Bien entendu chacune d’elle organise des visites, des dégustations et vous propose leur boutique.
Parmi les excursions œnologiques organisées par la croisière, nous en retiendrons deux, celle qui permet de grimper sur le plateau viticole à 600 mètres d’altitude à la Quinta de Avessada et ensuite celle qui permet de découvrir dans la Quinta do Seixo les vignobles de l’entreprise Sandeman dont l’emblème est un mystérieux personnage au chapeau d’hidalgo et à la cape universitaire.
Deux escapades qui permettent de découvrir le fleuve depuis les hauteurs, de mieux comprendre comment s’organisent les menues terrasses de schiste sur lesquelles ne pousse qu’une seule ligne de vigne dont les racines peuvent s’enfoncer dans la structure feuilletée des sols schisteux jusqu’à une dizaine de mètres à la recherche d’eau.
Une belle occasion dans la première quinta pour déguster un verre de vin doux de Moscatel dans la lumière exceptionnelle du couchant sur la vigne et pour la seconde de plonger le regard dans une vallée qui se précipite en paliers dans le bleu du Douro, un paysage à couper le souffle.
A la découverte de l’arrière-pays, au-delà des collines.
La paisible cité de Lamego est considérée comme l’un des lieux d’histoire les plus fascinants du Portugal car c’est ici en 1139 que Alfonso Henriques fut proclamé le premier roi du Portugal. Il y fit construire une cathédrale dont il ne reste de la structure gothique d’origine que le clocher carré. Mais la ville est aussi un lieu important de pèlerinage auprès du monumental sanctuaire baroque de Nossa Senhora dos Remédios revêtu d’un crépi blanc qui fait ressortir les arêtes de granit.
Non moins monumental, le spectaculaire escalier baroque à double volée qui grimpe à flanc de colline jusqu’au sanctuaire. 686 marches qui ménagent de jolies perspectives sur l’envolée de ses 9 paliers ornés de sculptures, de fontaines et de magnifiques tableaux d’azulejos.
C’est à Pinhão que l’on retrouve notre bateau après un détour au centre du village bien connu pour sa petite gare, l’une des plus belles du pays, avec ses façades décorées de 25 panneaux d’azulejos illustrant les travaux de la vigne et la vie quotidienne au cœur de la vallée du Douro.
Le petit village de Castelo Rodrigo occupe un site superbe, coiffant une éminence qui ouvre sur un panorama circulaire sur le plateau planté d’oliviers, de chênes et d’amandiers qui s’étend vers l’Espagne à l’Est et sur la vallée du Douro au Nord.
Le village connut plusieurs vicissitudes au cours de son histoire d’autant qu’il prit plusieurs fois le parti de la Castille contre le Portugal. Les ruines du château au sommet du mont sont les vestiges de cette histoire passée. Aujourd’hui le village conserve son visage médiéval avec son pilori manuélin et ses ruelles escarpées bordées de solides maisons de pierre.
Il ne reste qu’une trentaine d’habitants qui vivent dans ces maisons intramuros, les autres préférant la petite ville plus moderne en contrebas mais ces irréductibles offrent aux visiteurs la découverte de leur village avec quelques souvenirs humbles, des produits locaux de qualité et de l’artisanat à base de liège sans oublier une terrasse sous la treille avec une vue incomparable sur le paysage.
Nous passerons deux nuits amarrés sur le quai de Vega Terrón, là où le fleuve Agueda se jette dans le Douro dessinant ainsi la frontière avec l’Espagne voisine. En effet une journée est consacrée à la découverte de Salamanque, à quelque 120 km de là. Joyau préservé par l’Unesco depuis 1988, cette cité, siège d’une des plus vieilles universités européennes et ville phare de l’Espagne castillane, est l’un des plus grands lieux artistiques et historiques d’Espagne. Alanguie sur trois collines qui s’étirent le long de la rivière Tormes, elle s’ouvre majestueuse et rayonnante comme un bouquet minéral, multipliant les tours et les clochers, les dômes et les cubes, les palais et les églises. Après une visite guidée qui nous aide à décoder le centre historique, place à l’errance au cœur d’un lacis de ruelles et de placettes qui convergent toutes vers le centre névralgique de la cité, vers l’incomparable Plaza Mayor, sans aucun doute l’une des plus belles d’Europe.
Avec ses neuf porches d’accès, ses médaillons sculptés qui encadrent les multiples arcades (88 !), ses trois étages couronnés d’une balustrade de pilastres et soulignés par des balcons de fer forgé qui tirent un triple trait continu sur le pourtour de la place, celle-ci dessine un vaste quadrilatère qui surprend par la justesse de ses proportions et l’élégance d’un style à mi-chemin entre le baroque et le classicisme espagnol.
Roman, gothique, renaissance, baroque, plateresque, néoclassique, romantique, tous les styles se conjuguent à Salamanque dans une fastueuse monumentalité qui donne le vertige.
A l’écoute de l’histoire inscrite dans le tracé des ruelles et des places, cent fois le promeneur tombe en arrêt : médaillon taillé comme un bijou, église ronde et insolite, porche roman, palais couronné de guirlandes de pierre, maison tapissée de centaines de coquilles St-Jacques, façade ciselée comme une dentelle, patio mauresque et mystérieux, la vieille cathédrale accroupie au pied de sa fille, la nouvelle cathédrale élancée et vigoureuse, sujets fantasques et grimaçant accrochés aux chapiteaux d’un couvent… Autant d’images qui accompagnent notre rêverie sur le retour à Vega Terrón. (à suivre)
Rivages du Monde propose cette croisière exceptionnelle au fil du Douro depuis le 1er avril jusqu’à la mi-novembre, semaine après semaine, avec des prix différents selon que la saison que vous choisissez. Cette croisière rythmée chaque jour par une escale de quelques heures ainsi que par un amarrage pour la nuit permet de s’immerger dans l’arrière-pays ou dans Porto pour ceux qui aiment se promener en soirée. Des activités sont également proposées : des conférences, un spectacle folklorique, des animations ludiques… Un voyage tout en sérénité. www.rivagesdumonde.be |